Si le nom de cet artiste ne vous dit rien, allez donc emprunter la DeLorean du Doc et de Marty (attention à Einstein qui fait sa larve sur le siège...) et programmez le compteur temporel au 12 août 1981. Sous son nom réduit de Gary Barden, l'homme faisait alors les beaux jours de la première mouture du magique MSG de Michael Schenker (ex-Scorpions et ex-UFO), qui, après deux premiers albums studio éponymes de référence (l'un sous le nom de Michael Schenker Group, l'autre sous la simple appellation MSG, c'est vous dire quand même si le maestro à la Flying V s'était creusé...), s'apprêtait ce soir-là à atomiser littéralement son public de Tokyo dans la mythique salle du Budokan, donnant lieu à un premier album 'live' aussi incontournable que ses pendants studio.
Gary Barden s'y imposait comme à son habitude comme un chanteur charismatique capable de faire manger toute une foule dans sa main. Pas l'organe le plus puissant du circuit (pas là pour rivaliser avec Dio non plus...) mais une voix chaude passée au papier de verre, à la classe bien bluesy/'british rock' inimitable, au timbre rond et à l'interprétation gorgée de 'feeling' à souhait.
Après quelques collaboration/retours façon "je-t'aime-moi-non-plus" avec le "bébé" de Schenker (dont la plus récente incarnation aura donné naissance au très bon In the Midst of Beauty) et pléthore de coups de mains à différentes formations (Praying Mantis et Compagny of Snakes entre autres, avant de fonder Silver avec le guitariste/producteur Michael Voss qui restera fidèle à ses côtés jusqu'à ce jour), Gary se lança dans une carrière solo en 2004 avec un maladroit et redondant recueil anachronique de reprises de MSG, Past & Present. Allaient suivre deux albums remarquables et enfin empreints d'une véritable identité cette fois, qui fit que les quelques mauvais esprits partis à la chasse aux 'has-been' ne purent qu'applaudir le feeling et le 'groove' du The Agony and Xtasy de 2006, tout comme ils ne purent que s'incliner devant les 'hits' imparables et la double grosse caisse écrasante (et étonnante dans un tel registre!) de son Love and War de 2007.
Ce Eleventh Hour qui sort aujourd'hui chez Escape Music, est donc son troisième véritable opus en solitaire (passons sur le dispensable album de reprises -pléonasme?- de ses influences, Rock n' Roll my Soul sorti l'an dernier...), et autant vous le dire tout de suite, il y a à boire et à manger dessus... (ça tombe bien, "Gary John Barden", ça fait un peu marque de whisky, non??...)
On commence très fort avec le menaçant et 'heavy' "Baghdad" ponctué de bruitages d'explosions de bombes et de sirènes. D'entrée et pour notre plus grand plaisir, la prod' est moderne et grasse et les modulations de voix nombreuses au sein de ce titre très 'hard rock', allant même chatouiller Guns n' Roses par moments.
Plus classique, "Fallen by the Wayside" bascule dans le FM 80's avec son orgue discret mais 'enveloppant', son chant ultra-mélodique et raffiné, et surtout son refrain 'poppy' chaleureux et entraînant (on se croirait limite dans un générique de dessin animé ou de série TV de l'époque!). Heureusement, la prod' reste actuelle et il s'agit au final d'un morceau parfait pour rouler pépère sur une nationale désertée, une petite "pépée" à ses côtés... Les fans du Edguy de Rocket Ride devraient également se laisser tenter car on retrouve un peu les phrasés les plus accrocheurs d'un Tobias Sammet (le tout moins typé 'heavy' bien sûr)... Un mini-pont un chouilla prog', une courte intro et des mélodies guillerettes que n'aurait pas renié l'ancien Nightwish, et un final guitaristique de toute beauté complètent admirablement ce morceau.
Suit "Child of Sorrow" avec sa petite entame à la AC/DC enchaîné à un hard rock chaleureux à la Def Leppard et d'un refrain tout en chœurs à la Tesla des familles. On notera également les clappements de mains à la Sweet sur le refrain (remember "Ballroom Blitz", également reprise par un certain B.Ö.C. ...) qui clairement cadrent malheureusement cet album dans un contexte plutôt 'passéiste'... On part quoi qu'il en soit avec un bon trio de départ et on ne peut par ailleurs que saluer la diversité explorée par ce Eleventh Hour, en seulement trois titres.
Hélas, trois fois hélas vu l'entame de l'album, on tombe ensuite dans du plus anecdotique avec un "What You Wanna Do" correct mais beaucoup plus plat sur le plan musical -notamment sur le plan vocal, et la section rythmique qui aurait gagné à se lâcher davantage-, avec ses chœurs masculins et féminins (ou inversement, on ne sait plus trop, à force!...) à outrance, et malgré ses petites notes de piano discrètes à la HIM plutôt bien trouvées en fond, des riffs efficaces et un solo fabuleux, ainsi qu'une petite patte "Whitesnake" dans la voix, dont on retrouvera d'autres réminiscences tout au long de l'album.
Au moins on ne tombe pas dans des ballades sirupeuses toujours à craindre dans ce registre, même si le manque d'une "classieuse" ballade bluesy-rock (type "Need of Some Love" sur le The Agony and Xtasy de 2006) se fait sentir à la longue...
La suite ne retient malheureusement pas beaucoup plus l'attention, malgré des interventions toujours lumineuses à la guitare 'lead' qui sauvent quelque peu l'insipide "We Are (the) Dead" (avec ses claviers datés dignes d'un très vieux Dio -un petit côté "The Last in Line" ou bien c'est moi qui déraille?!... - ou Pretty Maids, et ses chœurs d'un autre âge également, genre le Alice Cooper des années 80 c'est vous dire...) mais ne relèvent pas le niveau d'un "All in" encore plus 'poussiéreux' (quoi, Europe avait composé un générique de série américaine à l'époque de la Cinq?!...) malgré son 'groove' contagieux et un "grain" de gratte qui pourrait rappeler les premiers Ozzy...
Passons rapidement sur ce "Blackmail" faussement 'rythm n' blues' (avec une 'vibe' un peu "funky" aussi...) où il ne se passe pas grand chose et qui vous fera peut-être juste déhancher le popotin dans votre cuisine (vous pourrez aussi bien l'emmener à la séance de gym hebdomadaire de votre femme!), ou bien retiendra votre attention pour son côté 'sensuel' (où est la barre de 'pole dance'?!), et zappons de la même manière ce "Shine a Light on Me" encore une fois très imprégné d'un Whitesnake "lover", voire même d'un Bon Jovi par endroits, mais qui au final aurait pu s'avérer vraiment intéressant s'il avait été revisité par un Thin Lizzy...
Il faut donc attendre le dernier quart d'heure de l'album pour que l'album redécolle vraiment, avec l'excellent "Easy does it" et sa rythmique 'Zeppelinienne' (qui n'est pas sans rappeler le "Save me" des fabuleux Black Country Communion) couplé à un chant encore très typé 'David Coverdale' (mais celui plus 'bluesy' cette fois, "schwiiiiiing!!"), qui dégouline de classe et qui se met d'un coup à swinguer pour le plus grand plaisir de nos oreilles à une minute de la fin, pendant une trentaine de secondes avant de retrouver son rythme saccadé façon "Kashmir", voire chaloupé comme le "Ready n' Willing" de qui-vous-savez...
Le lourd et épique "Before the Eyes of the World" enfonce encore un peu le clou, et l'on se dit que ce registre plus lent convient à merveille au chanteur. Les bruitages de violence sont réintroduits dans un climat oppressant, écrasant même, à l'image de la pochette apocalyptique de l'album. On devine le caractère inquiétant et pessimiste des paroles, bien en phase avec cette période de conflits et de doutes (qu'un musicien de son envergure aura également rencontré -à une échelle de moindre importance, certes- au cours d'une carrière telle que fut la sienne), et on se prend à regretter de ne pas avoir eu un album complet davantage tourné vers cette facette musicale, plus recueillie et captivante, et ce type de paroles (même si "Child of Sorrow" effleurait, textuellement seulement, cette gravité). Tristesse et sentiment de fatalité semblent ponctuer l'album à ce stade, et les chœurs désabusés "Gloria" ainsi qu'un 'tapping' déchirant en viendraient même à nous tirer quelques larmes.
En conclusion toute aussi poignante à cet opus, l'hommage à l'autre grand Gary du Rock, feu-Mister Gary Moore (R.I.P. ...) avec qui il avait brièvement collaboré pour l'album Corridors of Power, sur ce sympathique "Don't Take Me For A Loser" du défunt guitariste irlandais et dont les dernières notes s'estompent dans l'infini et au-delà...
En somme, ce Eleventh Hour souffre d'une poignée de titres un peu trop anecdotiques et d'une prod' un peu moins puissante et surtout moins "larger-than-life" que sur le précédent opus pour remporter totalement notre adhésion. On aurait en outre également aimé du son davantage ancré dans son époque tout du long, à l'image des titres les plus en phase avec la pochette de l'album, "Baghdad" et "Before the Eyes of the World". Ceci étant dit, les fans du vieux MSG peuvent également passer leur chemin, à moins qu'ils ne veuillent simplement retrouver cette voix caractéristique et que le temps n'a pas trop amoché (à ceux-là, nous conseillerons d'abord de rattraper le temps en découvrant le MSG de l'excellent In the Midst of Beauty de 2008 en guise d'intermédiaire... ils y retrouveront le même type de 'feeling' sur certains titres, et quelques lignes de twin-guitars pas piquées des vers!). Pour le reste, il s'agit d'un bon cru du Gary "John" Barden en solo, même si nous continuerons à lui préférer le Love and War -décidemment, l'homme aura toujours été inspiré par tous les types de conflits!^^...- de 2007 (manque ici des titres de la trempe de "Dragon's Fire" ou "The Last Samurai"...), qui demeure le meilleur essai de l'artiste à ce jour et le plus à même de trouver les faveurs d'un public de métalleux et de vieux 'rockers' toujours plus exigeants.
LeBoucherSlave