Bloodiest – Bloodiest

Au croisement du sludge, du doom et du post-hardcore, ce groupe de Chicago livre un deuxième album intéressant où la recherche sonore accompagne des compositions semblant refléter les malaises d'un esprit torturé. Ni complètement metal, ni tout à fait  alternatif, le style pratiqué par Bloodiest sur ce disque éponyme ne manque pas de  bonnes idées et mérite d'être découvert par les auditeurs les plus curieux qui aiment  aussi inhaler quelques volutes psychédéliques parfois.

Chicago, ville du vent, d'Al Capone et du blues, ce sont généralement les clichés que l'on retient de la troisième ville des États-Unis, la camelote publicitaire que l'on vend au touriste  voulant visiter cette cité qui pour l'amateur de musique bruyante, et parfois hors normes, est  aussi un vrai vivier.
Si l'on peut citer l'éternel adolescent (adulé ou détesté) Billy Corgan qui est né là-bas et y a  rassemblé ses Smashing Pumpkins pour y débuter une carrière qui perdure de nos jours, Chicago c'est de même la ville du déglingué Al Jourgensen et ses nombreux projets autour de Ministry, des frappadingues Jesus Lizard qui ont laissé une marque indélébile sur la  scène noise des années quatre-vingt-dix ou des légendaires doom rockers Trouble

Bloodiest, groupe formé en 2008 est aussi de la Windy city. Sous ce nom, comme le souligne la biographie du groupe, à consonances death metal se cache en fait un projet  mené par le chanteur-saxophoniste Bruce Lamont qui a déjà sorti un prometteur premier album Descent en 2011 et qui avec Bloodiest livre donc le deuxième épisode, disponible depuis le 15 janvier 2016 sur Relapse Records, de cette aventure musicale.

Avec sa pochette à l'artwork pouvant correspondre à un groupe de funeral doom et ce patronyme renvoyant à du metal sanglant et brutal, on a vite envie de cataloguer le groupe.
Pourtant, la musique de Bloodiest n'est pas si évidente à cerner, attention cela ne veut pas dire pour autant qu'elle soit difficile d'accès même si le combo séduira plus les amateurs de Neurosis que les fans acharnés de Manowar.

Avec Bloodiest, nous nous trouvons aux confins du sludge, du post-hardcore et du doom (plus pour la lourdeur du style que pour son emphase cependant) avec un certain souci de recherche « progressive », le tout baignant dans une ambiance psychédélique et sombre.

Cet album est une sorte de voyage musical introspectif dans les tréfonds d'une âme affrontant quelques tourments, alternant phases de tristesse et de colère. « Mesmerize » par exemple nous renvoie à Tool avec sa section rythmique un peu en décalage et le chant  plaintif de Lamont. Il est d'ailleurs à noter que le son de la basse et de la batterie est  d'avantage mis en avant plutôt que celui des guitares qui même si elles sont distorsées ne  sonnent pas foncièrement metal et sont plus proches de la noise.
Concernant cette touche noise, si l'influence de Tool se fait ressentir chez Bloodiest, on pense aussi à Jesus Lizard, autre formation de Chicago, sur « Mesmerize », les cassures et  dissonances rappellent ce groupe et le chant de Bruce Lamont est aussi parfois proche de celui de David Yow, vocaliste des lézards de Jésus.
Ce mélange Tool/Jesus Lizard se retrouve sur d'autres déflagrations sonores comme « Broken Teeth », un titre sombre et psychédélique où les hurlements post-hardcore arrivant  crescendo évoquent Neurosis, autre nom qui revient à l'écoute de Bloodiest ou « Separation », avec ses chœurs d'outre-tombe et ses soli explosifs et « destroy » qui traversent ce morceau, comme les coups de tonnerre d'un orage déchirant un ciel d'été.

Citons aussi « He is Disease » , autre explosion post-harcore/sludge à la Neurosis avec une  véritable ambiance de fin du monde, un morceau bien heavy et oppressant.

De même, parfois Bloodiest sait prendre son temps pour partager son malaise comme sur « The Widow » avec sa grosse basse qui cogne, ses arpèges de guitare acoustique, sa voix  geignante  et lointaine qui rappellent les torturés The Swans avant que cette longue plainte incantatoire ne se transforme en explosion de rage puissante renvoyant encore à Tool et Neurosis.

Il y a aussi quelques intermèdes très bien placés tout au long de Bloodiest, des instrumentaux qui sonnent comme des moments de calme avant la tempête tel que « Condition » et ses arpèges acoustiques; « Mind Overlaps » avec ses notes de piano graves, cette basse tendue, ces voix mêlées et oppressantes et sa montée en crescendo remplit aussi très bien ce rôle : nous préparer à l'assaut suivant. Mais la tranquillité n'est cependant pas au  menu de ce deuxième album de Bloodiest et ce n'est pas le final cathartique « Suffer » avec  ses guitares et voix furieuses rappelant Unsane qui nous fera penser que la vie à Chicago est douce et reposante.

Envie de tuer votre boss ou de vous infliger du mal ? Ecoutez donc Bloodiest avant, cela semble valoir toutes les plus sanglantes décisions.

Liste des titres :
1. « Mesmerize »
2. « The Widow »
3. « Condition »
4. « Broken Teeth »
5. « Mind Overlaps »
6. « He is Disease »
7. « Separation »
8. « Suffer »

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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