Le destin d'Hellixxir a connu un tournant tragique l'été dernier lorsque leur chanteur/bassiste a trouvé la mort dans un accident de voiture. Beaucoup de groupes n'auraient pas trouvé le courage de continuer après tel malheur, or c'était mal connaître l'envie et la passion de ce combo grenoblois, encore trop méconnu sur la scène française et qui pourtant roule sa bosse depuis plusieurs années avec brio.
La disparition de Camille Marquet n'a donc pas arrêté Hellixxir, désormais le groupe se trouve certainement habité d'une force spirituelle supplémentaire afin de porter la mémoire de son regretté copain le plus haut possible. En soi, ce deuxième album studio s'affirme presque comme un testament, puisqu'on peut y entendre la voix et les parties basse de Camille, comme venues nous hanter d'outre tombe et renforcer ce côté sombre qui émanait déjà naturellement des compositions de la bande.
Car ce Corrupted Harmony (disponible depuis le 9 décembre 2011 chez Symbol Musik, distribution Season of Mist et Brennus Music) respire bon le dark thrash deathisant, entre tourments agressifs et ressentiments glauques ; du pain béni pour le metalleux avide de sensations fortes. Déjà niveau son, on ressent une progression par rapport au précédent opus War Within et (cela semble une évidence) aux démos, la production s'avère à la fois brute et travaillée sur les détails. Point de grosse surenchère ici, un mixage tout simplement juste et qui n'a rien cherché à affiner à l'extrême, conservant ainsi une véritable rage qui sied aux différentes pistes.
Et dans la large famille du thrash, on sait ô combien il est difficile de se démarquer, les influences tournant vite en rond et les clichés faisant légion. Tour de force et pari réussi pour Hellixxir qui nous propose ici une véritable personnalité, bien que le groupe ait justement mis pas mal de temps à trouver son son et affirmer son identité. Voilà qui est désormais chose faite, tout en puissance et avec une technique maîtrisée. Alors évidemment on peut s'amuser à choper ici et là quelques références, de Slayer (quelques soli - "Bloody Mary" en tête - ou ambiances sombres) à Megadeth (si peu au final, si ce n'est sur quelques envolées guitares - par exemple "Constant Fear", vieux morceau du groupe qui a traversé les années et les démos) en passant peut-être par la scène allemande, notamment Kreator et Sodom (peut-être parfois au niveau du chant pour ce dernier). On ressent bizarrement aussi ce penchant pour l'obscur, ainsi le côté death ressort souvent (Chuck Schuldiner aurait apprécié certaines joutes musicales), voire même des touches un poil tournées vers le black - on pense ici à Immortal, en filigrane lointain cependant.
Trêve de débordement, ce n'est pas sur l'héritage de ses aînés qu'Hellixxir sera ainsi jugé, mais sur sa capacité à créer des morceaux taillés pour la route et ancrés dans une inspiration certaine. L'album passe tout simplement comme une lettre à la poste, tout en douceur malgré des chansons plus écorchées les unes que les autres. Le timbre de Camille est ahurissant, versatile et parfois troublant - certains relèveront un manque de stabilité par moments mais au final on se rend bien compte qu'il savait pertinemment comment porter chacune des chansons. Outre des structures bien huilées qui renvoient parfois aux racines heavy pures du groupe, ce sont dans les guitares bien saturées (sans trop aller dans l'excès) de Matthieu Laforêt qu'on retrouve la pleine force d'Hellixxir. Jamais elles ne faiblissent, ni ne trahissent un quelconque éventuel manque d'intérêt, et c'est en cela que l'on évoquait tantôt la fluidité d'écoute dont cet opus donne l'impression - fait plutôt rare dans le style. Si on ajoute à tout cela une rythmique irréprochable et renforçant l'aspect "dramatique" de morceaux en apparence directs, on obtient un résultat final des plus réussis.
Quant aux différents morceaux proposés, ils se suivent sans sourciller et s'inscrivent dans une étonnante continuité, on ressent bien que la tracklist a été pensée dans cet ordre précis. Après une introduction de 2 morceaux ravageurs ("Punishment" et "Blood Writings"), on enchaine par exemple avec le "Constant Fear" tubesque déjà connu des anciens fans avant de poursuivre avec l'instrumentale éponyme aux profonds relents techniques. C'est à cet instant qu'Hellixxir décide de relancer la machine avec un gros "Oppressions" et ses moins de 3 minutes sans la moindre concession. Tout se suit par la suite dans un naturel des plus notables, jusqu'au diabolique final constitué du morceau mis en avant par le groupe - "Birth of the Evil" (et son titre qui se passe de commentaire) et du combo "Declaration of War" + "Kill the Parasite" qui ne sont en fait qu'un seul et même morceau, la seconde partie constituant une sorte d'outro instrumentale parachevant ce qui semble être la piste la plus réussie du disque.
Ne jetez rien, la France a peut-être trouvé ici son successeur aux Massacra et autres Agressor, place laissée plus ou moins vacante depuis quelques années déjà même si quelques groupes tels que Evil One semblent prêts à prendre la relève. Au final, cet album aura certainement les défauts de ses qualités, avec peut-être une trop grande cohérence menant à une certaine linéarité et une production sur le chant ou la batterie qui ne devrait malheureusement pas faire l'unanimité. Peu importe, ce Corrupted Harmony (qui porte bien son nom quand on y pense) mérite de faire parler de lui tant il se laisse apprécier sans mal.