Le « travail à la chaîne » nécessaire à la sortie d'un nouvel album n’est pas le pire que l’on puisse avoir à faire faire, mais tout de même. Les musiciens doivent rencontrer les journalistes, répondre aux questions, parfois les mêmes tout en restant enthousiastes, et franchement les deux Johan (Johan Hegg et Johan Söderberg respectivement chanteur et guitariste d’Amon Amarth) font bien le « job » tout en étant chaleureux et souriants. Avant de commencer l’interview dans les locaux de Sony Music Entertainment, on doit changer de salle et c’est cocasse de regarder la tête des salariés de la maison de disques lorsqu’ils croisent le chanteur dans les couloirs…
Dix albums et 24 ans de carrière, le temps passe vite. Vous souvenez-vous quand vous avez vu votre premier album dans les bacs d’un disquaire?
Johan Hegg : Euh… Non! (rire général). Non, mais en revanche je me souviens des premiers albums que j’ai achetés quand j’étais jeune. Le premier c’était un album d’Iron Maiden, c’était Piece of Mind en cassette, je l’avais pris pour un copain et je m’étais aussi acheté Welcome to Hell de Venom. (Rires profond) mais je n’avais pas trop aimé (rires), désolé !
Et aucun souvenir, pas cette sensation de plaisir de trouver un album d’Amon Amarth parmi tant d’autres ?
Johan Söderberg : Pour moi non plus, peut-être pour notre second album…
Johan Hegg : Je me souviens quand j’ai vu mon premier mini CD (Sorrow Throughout the Nine Worlds) dans une boutique et c’était vraiment agréable… (Rires)
Comment décririez-vous ce nouvel album Jomsviking (prononcé « iomsvikings », NDLR), ce qui désigne une horde de mercenaires… J’imagine que c’est un album concept ?
Johan Hegg : Oui absolument, j’ai écrit cette histoire des Jomvikings (Vikings de Jómsborg) tiré d’une saga nordique, la Jómsvíkinga saga. Je l’ai écrit comme si c’était ma propre histoire avec en toile de fond l’histoire des jomsvikings. Tu dis que c’était des mercenaires mais c’était aussi des leaders pour les vikings, ils étaient très importants à cette époque. Ils étaient même impliqués dans des décisions politiques dans le nord de l’Europe et spécialement dans les îles anglaises.
Et toutes ces histoires se sont passé au IXème siècle ?
Johan Hegg : Oui quelque chose comme ça…
Est-ce vrai que leur histoire nous est parvenue grâce à des pierres runiques sur lesquelles leurs exploits étaient racontés ?
Johan Hegg : Non je n’ai rien entendu là-dessus, mais il y a certainement beaucoup d’histoires traditionnelles qui ont été transmises d’une façon orale, racontant les histoires de Jomvikings. Elles ont probablement été écrites par la suite au XIIème siècle par un moine islandais. Et je dis bien « probablement », personne n’en est sûr… (Rires). Il y a une énorme bataille dans la saga qui avait eu lieu sur les côtes de la Norvège et cette bataille (La Bataille de Hjörungavágr) a été appelée et racontée comme la bataille de Svolder par des poètes, des raconteurs d’histoire qui étaient dans les deux camps de la bataille et qui ont pu relater cet épisode. Ce sont donc des faits assez compliqués à retranscrire car on ne sait pas vraiment de quel endroit ils venaient, certains pensent qu’ils venaient du nord de la Pologne, sur la côte est de l’île de Wolin en mer Baltique (sur la colline Silberberg au nord de la ville de Wolin.)
Toujours compliqué de décrire des faits pareils, qui se sont produits il y a très longtemps et qui peuvent aussi ressembler à des légendes…
Johan Söderberg : (mimant un mec gravant un texte sur une pierre avec son marteau et son burin)… et il n’y avait pas de « live report » avec le mec qui gravait au fur et à mesure que les évènements se produisaient devant ses yeux… (Rire général)
Comment présenteriez-vous Jomsviking par rapport à Deceiver of the Gods ?
Johan Hegg : Que dire… (Rires)
Johan Söderberg : Que ce soit au niveau du son des guitares, de la batterie, de l’ambiance, des voix c’est plus un album que je qualifierais de classic heavy metal dans les sons…
Vous avez été rapides dans la composition ?
Johan Söderberg : On a dû mettre un an entre le début de la création et la fin de l’enregistrement…
Johan Hegg : Je pense que la façon dont on a composé les titres a été rapide, mais quand maintenant j’y pense je trouve que cela n’a pas été si rapide que ça… (Rire)
Johan Söderberg : Il y a eu beaucoup de boulot pour y arriver…
Johan Hegg : On prépare le travail en amont, comme on l’a toujours fait, mais les grosses différences avec Deceiver sont avant tout les parties de batterie. Quelqu’un m’a dit que c’était plus aérien dans la production, plus varié moins monotone, …
Alors qui est le batteur que l’on retrouve sur l’album ?
Sur Jomsviking, c’est un copain qui nous a aidés à écrire et à enregistrer mais on cherche toujours un batteur à temps plein pour le groupe.
Et son nom ?
Johan Söderberg : Sur l’album c’est Tobias "Tobben" Gustafsson l’ancien batteur de Vomitory…
Johan Hegg : … Il est dans Cut Up maintenant…
Et pour le futur proche, quel est le batteur qui va rejoindre Amon Amarth ?
Johan Söderberg : On auditionne pas mal de gars actuellement.
J’imagine qu’il doit y avoir beaucoup de monde qui veut rejoindre le groupe…
Johan Hegg : Il y en a un ou deux avec lesquels cela fonctionnent bien…
Alors comme ça vous avez passé une semaine dans un chalet dans la forêt à créer et à répéter de la musique ?
Johan Hegg : (rires)…
Johan Söderberg : Sur une île en Suède…
Johan Hegg : Oui absolument, dans les montagnes aussi. Le but avant tout était que l’on soit tous ensemble. On lançait une idée et on voyait ce que cela pouvait devenir… on a tout de même sorti des trucs sympas de cette expérience.
Johan Söderberg : C’est important de sortir des démos quand on est dans cet état d’esprit.
Qui a produit mixé et enregistré l’album ?
Johan Hegg : Andy Sneap, à nouveau. (il état déjà présent sur Deceiver of the Gods et guitariste de Hell, NDLR).
Parlons maintenant de certains titres du disque. Et si on commençait par "At Dawns First Light". Alors pour moi, l’ambiance et les solos me plongent direct dans l’esprit du NWOBHM…du bon Iron Maiden…
Johan Söderberg : Tu as une bonne oreille (rire général). C’est vrai que sur cet album, on voulait mettre tout ce qu’on a aimé et tout ce qui nous a influencé, bien plus que ce que l’on a fait par le passé.
Mais bon, pour moi cela est logique, car depuis que je vous écoute, j’ai toujours chanté les solos que vous jouez de la même façon que ceux des guitaristes d’Iron Maiden…
Johan Hegg : C’est bon ça ! (rire)
Au fait, sur « A Dream That Cannot Be » il y a une voix féminine (sur les notes fournise par Sony nous n’avons aucune information en ce qui concerne l’album ou les invités à cet instant). Est-ce Jill Janus de Huntress, la frontwoman qui avait joué un jour sur scène avec vous au Canada?
Johan Hegg : Non ce n’est pas elle. C’est l’adorable Doro Pesch ! Une icône !
Non ? Faut que j’écoute le titre à nouveau afin que je me concentre plus sur la voix…
Johan Hegg : C’est vrai que sur le titre elle chante d’une manière différente, sur une autre octave et ce n’est pas facile de la reconnaitre. Mais si tu l’écoutes à nouveau, tu vas peut-être la reconnaitre…
Mais comment cette rencontre s’est-elle produite ?
Johan Hegg : On avait ce titre et on voulait le faire avec quelqu’un qui possède assez de caractère pour placer sa ligne mélodique. On cherchait quelqu’un de charismatique et de très intègre, avec une très belle voix, pas quelque chose de faible. On voulait de la puissance et de la force, et rapidement on s’est dit que la meilleure personne pour ça, c’était Doro !
Si on continu sur les influences avec « Vengeance Is My Name » pour moi c’est un morceau très thrashy.
Johan Hegg : Perso, quand j’écoute ce titre j’ai l’impression d’écouter du Motörhead…
Johan Söderberg : Ah oui… (Rire général)
Pour vous, sur Jomsviking, quel est le titre le plus épique ? « One Thousand Burning Arrows » ?
Johan Hegg : Je pense que c’est un titre épique, mais il y en a d’autres, comme « Back On Northern Shores » aussi, même si ce dernier possède différents styles, épique parfois et très violent sur d’autres passages. Il possède de nombreux visages différents.
Et pour terminer, l’intro de « Back On Northern Shores » n’est pas sans évoquer la guitare d’Eddy Van Halen…
Johan Söderberg : Ah Oui ! (rires) c’est le même plan que Van Halen…
Ça doit être difficile de trouver de nouvelles histoires à raconter sur les mythologies nordiques après 10 albums ?
Johan Hegg : Non pas du tout, il y en a tellement ! Ça dépend comment tu utilises la mythologie et l’histoire. Je veux dire qu’avant, on s’inspirait d’histoires passées, de métaphores pour parler de choses d’actualité. Tu peux avoir une approche philosophique aussi, tu peux aussi n’avoir qu’une approche historique. Ici je n’ai écrit que des histoires anciennes, ce qui a débouché sur un concept album… Il y a tellement d’angles d'attaque différents pour raconter une histoire, il faut seulement trouver la bonne inspiration pour commencer à écrire, ce qui parfois peut être difficile. Mais de mon point de vue, j'ai beaucoup plus d’inspiration en ce qui concerne la mythologie nordique que le satanisme ou d’autres choses. Mais bon, je ne m’y connais pas beaucoup en satanisme (rires). Il y a encore tellement de choses à développer autour de ce champ d’inspiration.
Juste avant on évoquait Motörhead. La musique d’Amon Amarth en est éloigné, comment avez vous vécu la mort de Lemmy ?
Johan Hegg : C’est une tragédie pour le monde du metal, et même pour le monde du rock en général. Il était, non je veux dire il « est » - car je n’arrive pas à parler de lui au passé - une légende pour toujours. Je pense qu’on ne reverra jamais un mec comme lui. C’est très triste. Motörhead va énormément me manquer.
Il est impossible de ne pas mentionner le Bataclan, salle dans laquelle vous avez joué plusieurs fois…
Johan Hegg : Oui, on y a fait de nombreux concerts. Quand j’ai vu ce qui s'est passé, ça été un choc. Et franchement, j'avais l'impression d'y être quand ça s’est produit, car je connais cette salle tellement bien. On y a fait de très bons concerts, et c’est une immense et terrible tragédie, sans oublier tout ce qui s’est passé dans Paris ce soir là. Horrible.
Cette année en France, en juin, vous allez jouer deux en l’espace d’une semaine, dans deux festivals différents (Download et Hellfest). Aurez-vous la même setlist ?
Johan Hegg : (rire général) Oui mais à l’envers ! (gros rire). Non, pour être sérieux, on n’a encore rien décidé. Je pense qu’il y aura des changements, mais bien sûr qu’on fera des essais avec les nouveaux titres. Mais on ne sait pas encore aujourd’hui lesquels on jouera. Rapidement, on va savoir ce qu’on va faire et changer.
Quand vous étiez jeune preniez-vous Manowar pour une grosse blague… parce qu’ils sont Américains (rire général) ?
Johan Söderberg : Personnellement je n’écoutais pas…
Johan Hegg : Moi, j’aime Manowar, pas tous les albums mais les premiers, oui, comme Kings of Metal...
Lionel : Hail to England ?
Johan Hegg : Oui, tous les premiers albums. Battles Hymns est un excellent album, Kings of Metal aussi. Par la suite, j’ai moins apprécié ce qu’ils ont sorti. Ce qui est bien chez eux, c’est qu’ils ont fait ce en quoi ils croyaient. Et en cela il faut les respecter.
Enfin je me souviens du Hellfest 2009, lorsque Manowar jouait tout comme vous, et j’étais triste de voir qu’il jouait sur la Mainstage et vous sous la tente Rock Hard…
Johan Hegg : Mais tu sais, Manowar c’est un grand nom en France. Pour moi ce n’était pas étrange que ce soit ainsi.
Tu peux me dire quelques mots sur le film Northmen - A Viking Saga auquel tu as participé ?
Johan Hegg : C’était très drôle et c’était une aventure assez cool à faire. C’était intéressant de s’entrainer à combattre. Une grande expérience. Je pense que le film a bien fonctionné…
Et concernant Grimfrost (grimfrost.com, vente de produit viking) : quel est ton rôle au sein de cette société ?
Johan Hegg : (rires) En fait, ce sont deux de mes amis qui m’ont demandé si je pouvais les aider concernant leur site marchand. Je suis donc en quelque sorte leur porte-parole. Dès le début, j’avais de nombreuses idées à leur proposer et ils m’ont proposé de prendre des parts dans le projet. J’essaye toujours de m’impliquer et d’avoir des idées concernant les produits que l’on commercialise.
Quand vous êtes sur scène, ressentez vous cette puissance en vous - comme des guerriers à l’avant d’un drakkar, prêts à en découdre avec les ennemis ?
Johan Söderberg : De toute façon tu ne ressens plus aucune douleur à ce moment (rire).
Johan Hegg : C’est marrant, car juste avant tu es nerveux, et au moment où tu montes sur scène tu deviens une personne complètement différente.
Des accessoires vont-ils être ajoutés sur scène pour la déco ?
Johan Söderberg : Oui il va y avoir des nouveaux accessoires pour la mise en scène.
Johan Hegg : On compte aller encore plus loin…
Photos : © 2016 Lionel / Born 666
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