Nouvel album, après six ans d'absence, pour le troll norvégien. La recette est la même déjà utilisée pour les offrandes précédentes mais avec une qualité d'écriture qui prouve que les années passées en dehors de la scène musicale ont permis à Mortiis de perfectionner son art. Même s'il n'invente plus rien, The Great Deceiver est une honnête façon de revenir sur le devant de la scène pour l'artiste nordique.
Håvard Ellefsen, ce nom ne dit peut-être rien à la plupart des metalheads mais est pourtant associé à la sulfureuse scène black metal nordique des années quatre-vingt-dix. Håvard en effet est aussi connu pour avoir tenu la basse, et porté le corpse paint, au sein d'un des groupes les plus reconnus, et plus illustres, de cette scène : le grand Emperor.
Ellefsen s'est alors fait appeler Mortiis, nom qu'il porte encore de nos jours, et a quitté son Excellence après la démo Wrath Of The Tyrant pour poursuivre une carrière solo plutôt aux antipodes du style pratiqué par le géant norvégien.
Mortiis, qui a adopté un déguisement mélange de Gollum et de créature gothique, a été entre temps initié à la musique électronique par Euronymous (feu-guitariste et fondateur de Mayhem) et a décidé de proposer son propre style que certains chroniqueurs ont, très justement, baptisé dungeon synth, soit en résumé de la musique médiévale ambiante, plutôt minimaliste, quelque part entre Tangerine Dream et Dead Can Dance.
Un style qui rappelle à certains leurs parties endiablées de Gauntlet ou de Donjons et Dragons Règles avancées et à d'autres leur servir de bande-son à la lecture de l'intégrale de Tolkien. Mortiis a décliné ce style sur trois albums parus entre 1994 et 1999 avant de métamorphoser sa musique en quelque chose de plus dansant et industriel à partir du plutôt réussi The Smell Of Rain sorti en 2001. Gardant son accoutrement toujours aussi particulier le norvégien s'est donc tourné vers un rock/metal s'adressant avant tout aux créatures de la nuit hantant les boites gothiques plutôt qu'aux amateurs d'heroic fantasy et de dés à douze faces.
Faisant suite à Perfectly Defect (et au Live In London) qui date déjà de 2010, voici donc The Great Deceiver disponible depuis le 4 mars 2016 sur Omnipresence. A noter déjà que Mortiis a abandonné son enveloppe de troll grimé pour un look que nous qualifierons de plus sobre (toutes proportions gardées, on reste dans le dresscode sombre tout de même) à l'image de l'artwork de la pochette plus dépouillé aussi.
Musicalement ces douze nouveaux titres se situent plutôt dans la lignée de ce que le norvégien a proposé depuis les années 2000, c'est à dire un rock/metal industriel parfois agressif, parfois dansant avec cependant quelques nuances darkwave/synthpop selon les plages. Pour résumer si vous aimez le metal industriel pratiqué par les cadors du genre et n'êtes pas allergique aux sonorités un peu plus douces, la musique de Mortiis possède suffisamment d'attrait pour vous plaire.
On y entend de la fureur, pas loin de ce que peut proposer Ministry parfois, comme sur l'opener « The Great Leap », un morceau punk/metal bien énervé à la rythmique martiale et aux guitares futuristes ou « Scalding the Burnt » au tempo furieux ainsi que « The Shining Lamp of God » au riff costaud. Il y a aussi des choses plus electro/dark comme le torturé « Doppelganger , un bon titre qui fera un malheur sur les dancefloors mal éclairés et qui rappelle le Nine Inch Nails de The Downward Spiral ou « Bleed Like You ».
Ceux qui ont aimé le Marilyn Manson des débuts apprécieront, et danseront sur l'accrocheur « Demons are Back » et l'efficace « Road to Ruin » (titre qui rappelle la période Mechanical Animals du Révérend par ailleurs).
On y entend aussi un peu d'electronic body music comme sur l'intro de « Scalding the Burnt » et le convaincant « Too Little Too Late » qui renvoie aux grandes heures de D.A.F ou Nitzer Ebb tandis que « Feed the Greed » rappelle Front Line Assembly par moments.
De même Mortiis sait être plus calme parfois et montre même un certain talent dans des titres plus mélodiques comme « Hard to Believe » un morceau qui comporte de la guitare acoustique et un refrain accrocheur ou le mélancolique et assez pop « Sins of Mine » sur lequel l'artiste semble se livrer à la confession sincère des tourments qui l'amènent à avoir besoin de s'exprimer.
Somme toute, le seul défaut de ce nouvel album est sa longueur, à vouloir peut-être trop montrer qu'il était de retour le norvégien en a oublié de synthétiser l'essentiel, « Bleed Like You » (malgré son piano bien amené), « Scalding the Burnt », « The Shining Lamp of God » et « Feed the Greed » sont des titres sympathiques mais pas non plus transcendants et cassent un peu le rythme de The Great Deceiver.
Ceci ne doit pas pour autant décourager les métalleux les plus subtilement dark d'investir dans ce nouvel album de Mortiis, ils ne seront pas grandement déçus.
Liste des morceaux :
1. « The Great Leap »
2. « The Ugly Truth »
3. « Doppelganger »
4. « Demons are Back »
5. « Hard to Believe »
6. « Bleed Like You »
7. « Road to Ruin »
8. « Scalding the Burnt »
9. « The Shining Lamp of God »
10. « Sins of Mine »
11. « Feed the Greed »
12. « Too Little Too Late »