"Aujourd’hui nous sommes toujours aussi fiers de Home"
A l’occasion de la première date parisienne de Sylvan, nous nous sommes entretenus avec Marco Glühmann, son chanteur, dans un échange dans la langue de Molière, que le leader du groupe maîtrise à la perfection. Nous avons pu mieux comprendre le concept qui se cache derrière Home, le neuvième album de Sylvan, mais également revenir sur l’importance de Posthumous Silence dans la carrière des Allemands ou encore sur le rôle de Jonathan Beck, leur guitariste, au sein de la formation.
Bonjour Marco, merci de nous accorder cette interview pour La Grosse Radio. Ce soir, vous allez jouer à Paris pour la première fois depuis la formation du groupe en 1995. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?
Marco : Hé bien, même si ce n’est pas la première fois que nous jouons en France, c’est toujours difficile de trouver une salle pour jouer à Paris. Si cela n’avait pas été aussi compliqué, nous serions venus avant ! Mais aujourd’hui nous avons enfin la possibilité de jouer à Paris et nous en sommes contents et fiers (sourire).
C’est vrai que vous avez déjà joué en France, notamment au Crescendo et à Prog en Beauce. Quels souvenirs gardes-tu de ces concerts français ?
C’est toujours bien de jouer ici, on a beaucoup joué dans le cadre de festivals. Il y a eu Prog Sud par exemple, ou encore Chez Paulette. On aime beaucoup le principe de rencontrer d’autres groupes et d’avoir un moment de partage avec un public qui vient pour d’autres artistes. C’est toujours une ambiance familiale et c’est cela que nous apprécions particulièrement.
Votre nouvel album, Home, est sorti l’année dernière. Avec un peu de recul, que penses-tu de cet album et de l’accueil dont il a bénéficié auprès du public ?
C’est toujours difficile de comparer les albums entre eux. Il s’agit de notre deuxième album concept et bien entendu, il y a toujours des comparaisons à faire avec Posthumous Silence, c’est sûr. Nous nous y attendions lorsque nous avons décidé d’écrire un nouvel album concept. Mais il ne faut pas avoir peur des comparaisons et aujourd’hui nous sommes toujours aussi fiers de Home. Le fait que cet album s’appelle ainsi, d’ailleurs, cela fait écho à nos racines musicales. Et puis, nous sommes également très contents de l’accueil du disque par le public. Bien sûr, c’est toujours dur de percer au sein du marché de la musique. Mais nous avons trouvé un vrai partenaire avec notre label RPWL et tout s’est bien passé, même si c’est toujours difficile de nous organiser, puisque nous avons tous une famille et des enfants maintenant, et beaucoup moins de temps à consacrer à l’écriture musicale et aux tournées. Mais nous sommes vraiment heureux de pouvoir présenter Home au public !
Comme tu le mentionnais, Home est un album concept. Peux-tu nous raconter l’histoire qui se cache derrière ce titre ?
Hé bien, c’est l’histoire d’une femme qui, à travers d’anciens articles qu’elle retrouve dans une boite, redécouvre son histoire, son enfance et ses souvenirs ainsi que ses peurs. Chaque chanson correspond à un article ainsi qu’à la relation qui la lie à certaines personnes, comme la relation à l’enfant qu’elle porte ou la relation à sa propre mère durant son enfance. L’histoire porte également sur des questions de générations, du passé et des sentiments. Bien sûr, pour saisir toute la profondeur de l’histoire, il faut écouter ! (sourire).
Comme beaucoup de vos artwork, la pochette de Home a été réalisée par Tobias Harnack. Est-ce le frère de Sebastian (Harnack, le bassiste, NDLR)?
Tout à fait !
Est-ce donc important pour vous de travailler systématiquement avec lui ? Comment son artwork complète-t-il l’histoire ?
Nous avons une excellente relation de confiance avec Tobias. Nous avons pu discuter de cet album au tout début de sa conception, alors que je commençais à écrire les textes, ce qui a tout de suite permis à Tobias de poser ses idées graphiques dessus. Nous adorons travailler avec lui ! Il a vraiment créé de très belles images et une très belle pochette.
Tu mentionnais la sortie de Posthumus Silence, il y a déjà dix ans. Aujourd’hui, lorsque vous composez un nouvel album (en particulier pour des albums concepts comme Home), gardez-vous Posthumus Silence comme une référence ? Cela ajoute-t-il une certaine pression ?
Bien sûr, on ne peut pas s’empêcher de penser à Posthumus Silence, peut-être parce que l’on se demande toujours si l’auditeur va aimer ce que l’on fait, et que cet album fait aussi parti de notre histoire. Et puis nous jouons souvent des morceaux de cet album en concert, donc il est toujours présent. Néanmoins, nous ne comparons pas systématiquement nos albums entre eux et cela ne nous empêche pas d’écrire ce que nous aimons, sans pression.
Avec Force of Gravity, vous avez inclus beaucoup d’éléments de metal progressif dans votre musique, ce qui semble être moins le cas pour les deux derniers albums, qui ont une approche plus rock progressif. Est-ce que vous savez, lorsque vous composez un album, s’il sera plus orienté metal ou rock ?
Non, nous ne savons pas ! Il s’agit presque d’une question de production. En effet, c’est souvent notre ingénieur du son (Jens Lück, NDLR), qui nous suit presque depuis le début, qui va apporter une touche « metal » selon les compositions qui s’y prêtent. Cela dépend également du guitariste, car si l’on change de guitariste, le son va également changer. Et nous avons en effet quelques albums plus orientés metal, comme Force of Gravity et X-Rayed si je me souviens bien… ce n’est pas toujours ceux qui ont rencontré le plus de succès mais j’adore ces deux-là !
Tu parlais justement des guitaristes : depuis le départ de Kay Söhl, il semble que Sylvan ait des difficultés à trouver un nouveau guitariste stable. Quel est aujourd’hui le statut officiel de Jonathan Beck, qui joue les parties de guitare sur Home ?
Il est toujours considéré comme « guest » pour l’instant, même s’il est bien intégré à Sylvan car nous jouons beaucoup ensemble. Mais il n’est pas membre du groupe officiellement. C’est vrai que nous avons des difficultés à trouver un guitariste, c’est un poste difficile et les guitaristes ont parfois des caractères bien trempés ! (rires). Mais il y aussi une question de différence d’âge, et quand nous avons commencé à jouer avec Jonathan, il n’avait encore que dix-sept ans et donc besoin de l’autorisation de ses parents pour partir en tournée. Forcément, il y a un décalage, car nous autres avons la quarantaine et c’est ce qui a pu empêcher pour l’instant son intégration définitive au groupe. Mais c’est un guitariste super, très doué, qui en a d’ailleurs fait son métier puisqu’il travaille dans des écoles de musique en donnant des cours de guitare.
Est-ce que l’absence de guitariste officiel lorsque vous avez travaillé sur Home a influé sur le son plus orchestral et cinématographique de cet album ?
Peut-être ! Mais c’est surtout et encore une question de production. Les phases de composition se sont principalement réparties entre Volker (Söhl, claviériste, NDLR) et moi, et Volker est très attaché à la musique classique et aux orchestrations, ce qui laisse peu de place à la composition électrique. Mais c’était également cohérent avec la volonté de réaliser un album moins « heavy », avec moins de guitares. Mais il y en a tout de même beaucoup, et leur enregistrement a d’ailleurs pris beaucoup de temps, car il y a parfois plusieurs pistes de guitare qui s’enchaînent et se complètent, ce qui permet également de donner un côté plus fin et orchestral à cet instrument.
Avez-vous déjà pensé à faire un album ou un concert acoustique ? Car la musique de Sylvan s’y prête particulièrement…
Nous n’y avions jamais songé avant mais en ce moment nous pensons que cela pourrait une possibilité… (sourire mystérieux).
Une question plus particulière sur ta voix, qui est très expressive, et qui rappelle certains chanteurs comme Steve Hogarth (Marillion), lui aussi très reconnaissable. Qu’en penses-tu ? Quelles sont tes références en tant que chanteur ?
En fait, je n’ai pas particulièrement de références. Ma voix est naturelle : je n’ai jamais pris de cours, et cela s’entend car je n’ai pas une voix « professionnelle » ou « stable », ma voix est plutôt très émotive. Il y a des chanteurs que j’aime bien, mais je ne cherche pas à obtenir un timbre similaire car les voix sont très variables selon les chansons.
Avez-vous déjà commencé à travailler sur un prochain album et avez-vous une idée de l’orientation musicale que vous comptez prendre ?
Non ! (rires). Bien sûr, nous avons toujours quelque chose en tête mais en ce moment nous ne travaillons pas sur un nouvel album. Nous avons quelques idées, comme ce travail acoustique dont nous parlions plus haut, mais rien de précis pour le moment.
Comme nous l’avons mentionné, Sylvan est né il y a plus de vingt ans maintenant. Y-a-t-il un moment qui t’as particulièrement marqué ?
Bien sûr, la tournée Posthumus Silence était vraiment spéciale, car nous n’aurions jamais cru pouvoir monter quelque chose comme ça. Avec nos petits moyens, nous avons tout de même réussi à faire quelque chose de super ! Et puis les festivals restent des souvenirs très particuliers, nous avons joué avec des gens que nous apprécions beaucoup, comme Marillion, Porcupine Tree et Spock’s beard, des groupes que j’écoutais dans mon enfance et avec qui nous avons pu jouer !
Est-ce qu’aujourd’hui il y a encore des groupes que tu découvres et qui te marquent ?
Là en ce moment, non en fait ! (sourire). Je dois avouer que j’écoute peu de musique car je n’ai plus trop de temps, sauf en tournée, dans le bus, où nous échangeons nos musiques sur nos smartphones avec les autres membres du groupe ! Mais ces derniers temps, je ne peux pas dire que j’ai pris une claque en écoutant un groupe.
Nous arrivons à la fin de l’interview… un dernier mot pour nos lecteurs ?
C’est toujours difficile ! (rires). Nous sommes dans une société où il est difficile pour le rock progressif de trouver un public qui prenne le temps d’écouter, de découvrir, d’aller dans le détail, au-delà de ce que peut proposer le marché plutôt superficiel de la musique… Donc j’aimerai bien que les gens qui aiment le rock progressif continuent de s’y intéresser, en parlent autour d’eux et à leurs enfants… Par exemple, lorsque je suis à Hambourg, j’emmène mon fils dans nos concerts… il adore Home, donc ça va ! (rires). Et même si, lorsqu’il deviendra adolescent, il n’écoutera plus cette musique, je pense que c’est important de lui faire découvrir tout cela maintenant.
Merci beaucoup Marco pour cette interview et bon concert !
Interview réalisée à Paris le 05 Mars 2016
Merci à Véronique Stella et Christian Arnaud pour avoir permis cette interview ainsi qu'à Céline pour la retranscription.
Photographies : © Child in Time 2016
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