Lacuna Coil, groupe sujet à de nombreux débats (allant de l'admiration des uns aux blagues vaseuses des autres). En effet, comme souvent avec les formations nous offrant un changement de direction, voilà que la division arrive. Passant du metal atmosphérique saupoudré de quelques éléments gothiques à un neo metal plus direct et incisif, les italiens ont, malgré le joli minois de la frontwoman Cristina Scabbia, perdus un certain nombre de fans, avant d'en gagner un bon nombre d'autres, notamment sur le marché outre-Atlantique. Karmacode, puis Shallow Life suivaient cette même voie, sorte d'hybride faisant la synthèse entre Korn et Evanescence avec le timbre chaleureux de la sulfureuse transalpine. Trois ans se sont écoutés et Century Media nous livre la sixième offrande des italiens : Dark Adrenaline.
Faisons le point, déjà, dès le début de cette chronique. Les italiens, pour rassurer leurs adeptes les moins convaincus, nostalgiques des débuts de la formation, assuraient un opus qui, lui, serait un peu plus dans la voie des premiers, qui amorcerait un certain retour aux sources. Si ces belles promesses étaient restées dans votre mémoire, un bon conseil : effacez-cela tout de suite, ce n'est qu'un attrape-nigaud. En effet, les seuls petits éléments susceptibles de nous évoquer les premiers opus de la formation italienne sont de rares passages atmosphériques, quelques petites ambiances un peu plus sombre qu'à l'accoutumée (mais pas trop, non plus, faudrait pas effrayer le conso...fan) et la piste « My Spirit », plus lourde et grave, avec un petit passage dans la langue maternelle de la formation expatriée au pays de l'Oncle Sam. Tout cela mis à part, le « gothique » (c'est vite dit), vous pouvez vous asseoir dessus. Fans d'Unleashed Memories et Comalies, ce n'est pas encore ici que vous trouverez votre bonheur si vous comptez entendre quelque chose se rapprochant des anciennes oeuvres, ayant une certaine proximité. Mais si, en revanche, des noms de pistes comme « Give Me Something More », « I Don't Believe in Tomorrow » ou « Kill the Light » ne vous font pas sauter au plafond et que vous êtes en mesure d'apprécier un plaisir éphémère, alors peut-être cela réussira à vous plaire …
… Ou pas. Entendons-nous bien là-dessus, la recette employée ici est la même que sur l'opus précédent, Shallow Life, ou encore son grand frère Karmacode, à quelques différences prêt. La durée des titres est toujours aussi courte et bon nombre d'entre eux sont calibrés pour être des tubes potentiels, qui pourraient atteindre le stade de la diffusion radio et convaincre les moins exigeants (et même les moins adeptes au metal). A ce stade, au niveau de la démarche, nous ne serions pas foncièrement très loin d'un combo autant adulé que décrié comme Amaranthe. Sauf qu'au contraire de ces derniers qui usent de mélodies outrancièrement pop et d'une alternance vocale qui serait en mesure de rappeler également un tel courant musical, Lacuna Coil décide, également, de poursuivre sa voie. Et bien sûr, ce coup-ci, on se tournera vers des combo de la trempe de Korn, Evanescence ou bien encore Linkin Park, avec un côté neo metal toujours aussi prononcé et destiné au marché américain, le genre de morceaux simplistes, toujours construits sur les mêmes schémas musicaux, avec des instruments parfois quasiment effacés par rapport aux prestations vocales des deux protagonistes derrière le micro, personnages sur lesquels nous reviendrons un peu plus tard. En clair, qu'est-ce que l'on peut chercher dans ces contrées ? Une musique simpl(e/iste), se voulant efficace et ne misant nullement sur l'originalité ni sur la personnalité. Tout est déjà entendu, standard et adapté au plus grand nombre. Ce n'est pas forcément un mal car, il faut bien reconnaître que nous trouvons dans le milieu des formations qui évoluent avec aisance et talent.
Mais nos italiens, eux, ne sont pas de ceux-ci. Pour l'aisance du moins, tant l'inspiration n'est définitivement pas la qualité principale du combo. Si le talent est bel et bien là, le potentiel aussi, notre énorme regret sera de ne pas voir le sextet l'user d'une meilleure façon, et ainsi, l'employer à nous déverser des riffs interchangeables et bateaux, des refrains qui se ressemblent étrangement (coucou la prévisibilité), des lignes de chant d'une affligeante platitude et des titres qui, eux, ne décollent jamais vraiment. Et c'est souvent la même sauce : on souhaite appâter sur les couplets, certains ayant même l'avantage d'être relativement assimilables et agréables (« I Don't Believe in Tomorrow » où la voix de Cristina fait merveille), mais les refrains, eux, ne décollent pas. Et que ce soit dans la qualité de jeu des guitares, la variété des lignes de batterie ou la répartition des voix : on se retrouve dans un schéma répétitif, cliché, que l'on serait même capable de prédire une fois le titre commencé (pas besoin d'une boule de cristal pour ça, votre oreille seule sera alliée précieuse). Et cette redondance, qu'est-ce que ça donne ? De l'ennui, et une fois que tout est écouté, oh surprise, on oublie tout … Malgré des idées intéressantes (l'usage de la voix de la belle chanteuse sur « Intoxicated » qui s'essaye à un registre qui lui sied tout à fait, ou encore la tentative plus doomesque de « My Spirit »), il est difficile de voir quelque chose décoller. Alors non, ce n'est pas mauvais, les musiciens savent jouer mais se cantonnent à une partition si basique et scolaire, tant vue auparavant, qu'elle n'impressionne pas. Ni ne fait effet. Tout cela laisse bien de marbre.
Heureusement, il subsiste quelques bonnes surprises, et la première nous vient d'un certain chanteur du nom d'Andrea Ferro. Celui-ci semble nous offrir une performance qui, enfin, est de qualité ! Il varie sa voix, est capable de nous offrir de la rage, de la douceur, de l'émotion et tout cela (presque) sans vous heurter l'oreille par des sonorités mal amenées ou des faussetés révélant un manque de maîtrise (qui était parfois déconcertant). Cristina Scabbia, elle aussi, nous offre toujours du beau. Elle module bien plus que sur le précédent opus, même si on souhaiterait que les capacités de la demoiselle soient encore plus exploitées (les quelques passages plus théâtraux ou les envolées convaincantes dans les aigus sont des moments qui ne sont pas assez judicieusement mis en avant, alors qu'ils sont pourtant très bons !), et parvient à embellir des lignes de chant souvent plates et sans intérêt. Enfin, parfois, ils ne suffisent pas à sauver les meubles, et le massacre du tube de R.E.M « Losing My Religion » donne envie de jeter une énorme pierre sur les deux jeunes gens (et sur le reste des musiciens d'ailleurs, car que ce soit les lignés mélodiques ou vocales, on tombe tellement dans le cliché que rester de marbre devant telle insulte au bon goût est criminel).
Parmi ce marasme de médiocrité, on peut sauver quelques pistes. Pour commencer, « Upside Down » n'est pas mauvaise, bien qu'elle semble parfois un peu trop pompée sur Korn. Elle a au moins le mérite d'être accrocheuse. On pensera aussi à « I Don't Believe in Tomorrow » et « Intoxicated » qui, au moins, ont le mérite de se suivre dans la galette. La première citée, si elle échoue sur le refrain, nous propose au moins des couplets avec une Cristina particulièrement présente et charismatique, tandis que la seconde nous offre, de la part de l'italienne, des lignes tirées sur les aigus, dans un registre maîtrisé et agréable. Peut-être l'une des deux plus intéressantes (là ce sera sur le plan vocal car musical, c'est pas du joli). Et puis, aidé par une production léchée, lisse et très « américaine », nul doute que le succès frappera à la porte des italiens. Et puis, ils nous font croire l'espace d'un instant qu'ils sont capables de rejouer un morceau du calibre Comalies sur « My Spirit », hommage à Peter Steele. Mais il s'agit de la piste la moins inintéressante de l'opus, à notre grande surprise, et la seule dépassant les 5 minutes (avec un rythme plus lourd et lent et même un (très/trop) court passage en italien, c'est joli). Par contre, « Against You », « The Army Inside » et « Losing My Religion » sont à éviter d'urgence, niaises et clichées, criminelles contre le bon goût, elles termineraient dans le bagne de la ringardise.
Bilan de la situation ? Un groupe qui stagne, qui peine à se renouveler, qui nous propose un neo metal basique, sans saveur et inspiration et qui, fort d'une fan-base déjà acquise à leur cause, se permet un foutage de gueule monstrueux en nous faisant le coup de l'auto-plagiat (la guitare …). L'attitude du groupe qui voit en les fans des vaches à lait mise de côté, il nous reste une musique pauvre, bourrée de clichés et dont l'intérêt principal c'est d'ouvrir le livret pour avoir la jolie Cristina à l'intérieur (ou alors, utilisez votre pouvoir de consommateurs et dites NON à cette immondice). Ah, et sa voix aussi, car il faut bien avouer que c'est un plaisir d'entendre la belle chanter à nouveau. A part ça ? Dark Adrenaline porte très mal son nom. Tout juste assez sombre pour appâter un public d'adolescentes dégoulinantes de rimmel, et ne procurant nullement de l'adrénaline. Et sinon, c'est le néant, le fossé. « Everything is different today, I do not like it ! », autant terminer en leur faisant un hommage … à un groupe jadis bon, aujourd'hui piégé dans la facilité, fossilisé et sentant le moisi à des kilomètres. Et vous savez quoi ? Ce ne serait prendre des risques que de parier sur le succès commerciale de Dark Adrenaline. C'est bien triste.