L'âge de glace VI
2016 marque les dix ans de la sortie du premier album solo de Vegard Tveitan, plus connu sous son nom d’artiste Ihsahn. Et que de chemin parcouru depuis The Adversary, un album prometteur, mais qui n’était finalement que l’annonciateur de choses encore meilleures à venir. Arktis, son sixième effort, en est une nouvelle illustration.
Cette fois, finies les chansons improvisées plus ou moins réussies de Das Seelenbrechen, Ihsahn a décidé d’écrire cet album dans le format traditionnel du rock : la bonne vieille chanson à longueur variable avec couplet, refrain, solo et consorts… Et ce barbu de norvégien s’en sort diablement bien, avec une cinquantaine de minutes de metal qui respirent la sérénité, dans lesquelles Ihsahn a mis tout son savoir faire de compositeur chevronné. Les chansons sont directes, accrocheuses. Les riffs toujours aussi affûtés. Mais c’est surtout le travail vocal qui retient l’attention sur Arktis, avec des refrains, des mélodies chantées d’une finesse encore plus poussée que sur les précédents albums. On retiendra notamment « In The Vaults » et « Frail », qui risquent d’en faire frémir plus d’un.
C’était une habitude prise depuis le premier album avec notamment la participation de Garm (Ulver) sur « Homecoming », Ihsahn aime collaborer avec des artistes avec lesquels il partage des affinités musicales. Il est remarquable d’observer l’ingéniosité avec laquelle il utilise les capacités particulières de chacun, pour ajouter une épice supplémentaire aux morceaux, que ce soit sur les chœurs épiques de « Mass Darkness » avec Matt Heafy (Trivium) autant que sur la très intense « Celestial Violence », avec la contribution on ne peut plus mélancolique de Einar Solberg (Leprous). Difficile également de ne pas faire mention de la très belle contribution de Jorgen Munkeby (Shining) à « Crooked Red Line », où le saxophoniste norvégien adopte un style beaucoup plus conventionnel qu’à son habitude, mais avec un sens de la mélodie presque insolent, à des années lumières des interventions souvent galvaudées de cet instrument dans le metal.
Enfin, alors que l’album se termine, Vegard ajoute la cerise sur ce beau gâteau avec une chanson bonus de neuf minutes, où ce dernier prouve qu’on n’apprend pas au vieux singe à faire la grimace. Que pouvait-il faire pour aller encore plus loin, pour ne pas se répéter ? Eh bien, avec de la poésie, ma bonne dame ! Sans doute trop humble pour s’en charger lui-même, il utilise les talents de lecture de l’écrivain Hans Herbjørnsru pour lire la poésie de Tor Ulven, pendant que lui se charge de mettre en musique cet assemblage de mots abstraits avec de la guitare et du piano. Et ça sonne. Très bien même.
Soyons honnêtes, Artkis n’est pas l’album le plus ambitieux d’Ihsahn, mais sans aucun doute son plus accessible, sans pour autant être racoleur ou simpliste. Arktis est, tout comme After d’une autre façon, la quintessence de la musique d’Ihsahn, mais dans un style épuré et honnête, sans aucun morceau à jeter. Le norvégien transporte l’auditeur dans un voyage hivernal du début jusqu’à la fin, exactement comme le faisait Emperor à l’époque. Va-t-il se décider à faire un mauvais album un jour ? Impossible de répondre. En tout cas, on peut déjà être impatient d’entendre la suite.
Chronique par Tfaaon (Facebook)