Mammoth Mammoth. Le nom n’évoque pour sûr ni la légèreté, ni la subtilité. Et c’est tant mieux, car comme leurs afficionados le savent, les Australiens sont là pour enfoncer nos tympans dans nos oreilles au moyen de leur gros stoner rock qui tâche. Après leur quatrième sortie en 2015, intitulée Volume IV : Hammered Again, le groupe clôt le cycle de ses albums numérotés en "volumes", et revient au format d’EP, qui avait déjà été exploité sur leur premier effort Volume I : Mammoth Mammoth. Ceci explique le faible laps de temps écoulé depuis leur album précédent, d’autant plus que le présent EP comporte quatre titres, dont une reprise, et une nouvelle version de "Dead Sea", qui était un titre bonus présent sur la version japonaise du Volume III : Hell’s Likely. Penchons-nous donc sur cette sortie qu’on pourrait qualifier d’intermédiaire, et sur son contenu.
Le nom de l’EP, Mammoth Bloody Mammoth rappelle sans équivoque le mythique Sabbath Bloody Sabbath enregistré en 1973 par Ozzy Osbourne, Tommy Iommi et consorts au sein de Black Sabbath. On aurait donc pû attendre un artwork digne du culte album des pères fondateurs du metal, mais il n’en est rien : la jaquette, bien que plutôt agréable à l’œil, déçoit, et on ne comprend pas bien le lien entre le visuel proposé, et l’univers de Mammoth Mammoth. Mais passons.
Fort de 16 minutes au compteur, Mammoth Bloody Mammoth propose plusieurs facettes du groupe. On attaque par "Taste Your Blood" et ses grosses sonorités stoner efficaces, qui font forcément taper du pied, grâce à un riff entêtant et une batterie carrée et groovy. La production est d’emblée assez crasseuse - mais un peu trop crasseuse : même s'il s'agit de toute évidence d'un choix assumé, c’est assez dommageable, puisque les différents instruments s’en retrouvent parfois peu intelligibles. La voix se trouve en retrait et relativement peu mise en valeur, ce qui est bien regrettable, quand on voit ce que sait faire le vocaliste Mikey Tucker sur scène. Malgré ces réserves et une guitare qui alterne entre leads bien sentis et solos inégaux, le tout fonctionne. Si sur le papier, le morceau semble tourner en rond, la mayonnaise prend, et on tient là un titre live en puissance.
Vient ensuite la seconde et dernière composition inédite de cet EP, intitulée "Drugs". Si certains voient en Mammoth Mammoth un hybride barré de Motörhead et Black Sabbath, à l’écoute de cette seconde piste, la balance penche plutôt du côté du regretté Lemmy. Difficile en effet de ne pas imaginer la grosse voix rocailleuse de Kilmister sur le morceau, le thème des paroles ne faisant que renforcer l’envie qu’on a de l’entendre chanter un tel titre. Mais point de plagiat cependant : Tuckey conserve son style bien identifiable, et réhausse encore si besoin un refrain efficace, et un morceau rapide et concis, qui va à l’essentiel.
Plus tard, le curseur se déplace vers Black Sabbath sur "Dead Sea", avec des ambiances planantes et plus lentes, malsaines et occultes. Cette fois, c’est Ozzy qu’on imaginerait chanter par-dessus ces guitares d’outre-tombe, accordées très bas. Le morceau plante une très belle ambiance, et sonne comme une outro réussie, malgré un style assez disjoint du reste de l’EP. Le disque manque donc légèrement de cohérence sur ce point, mais reste fluide grâce à la production constante.
Enfin, comme on l’a écrit en introduction, une reprise de "Kick Out The Jams" bouscule les tempos et apporte une dose d’énergie supplémentaire à l’ensemble. Si l’originale avait déjà remué beaucoup de gens en son temps – il y a 45 ans déjà, nom de dieu ! –, on franchit encore un palier avec cette version. Si l’exercice de la reprise en studio est souvent casse-gueule, Mammoth Mammoth réussit ici parfaitement son essai. C’est brut, sans fioriture, plein d’énergie. Le MC5 ne pourrait que valider le rendu de cet hommage, et l’attitude des musiciens lorsqu’il jouent le morceau sur scène ne peut que confirmer cela : avec un frontman qui vient se joindre au pogos dans le pit, tout en éructant les lignes directes et cultes du morceau et en faisant tourner sa bouteille de Jack, le rendu est on ne peut plus rock’n’roll.
Mammoth Mammoth nous offre donc un disque pas exempt de défauts, mais qui a le mérite d’être honnête et vivant. Le groupe, fidèle aux standards des formations de sa terre natale, ne jure que par la rock’n’roll attitude, et fait ce qu’il sait faire de mieux : brancher ses guitares, monter le son, et envoyer la purée. Vivement le prochain album long format !