Dream Theater au Palais des Congrès (06.03.2016)

Après la prise de risque amorcée par Dream Theater avec The Astonishing, double album concept sorti en janvier dernier, il était tentant de voir comment l’essai allait être transformé sur scène par les maîtres du metal progressif. Ayant choisi de bouleverser leurs habitudes, les Américains ont décidé d’investir pour deux soirs la salle du Palais du Congrès, plus apte selon eux à accueillir la représentation scénique de leur opéra rock. En effet, ce soir Dream Theater a décidé de jouer en intégralité The Astonishing, en mettant également en avant l’aspect visuel pour que l’album prenne littéralement vie sur scène.

Choix peu commun pour Dream Theater, le Palais des Congrès ne présente que des places assises, de quoi renforcer l’immersion des spectateurs dans le côté cinématographique et théâtral de leur œuvre. Outre la présence de sept écrans sur lesquels sont diffusés des animations relatant l’histoire écrite par John Petrucci, des éléments de décors sont également présents, tels ces drapeaux à l’image de la milice rebelle Ravenskill ou encore le logo du Grand Empire du Nord qui trône sur le pied de micro de James Labrie.

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Une fois la salle éteinte, un narrateur plonge l’audience dans le concept en retraçant le contexte de l’œuvre, une dystopie prenant place trois cent ans dans le futur, et où toute forme de musique a été bannie par un gouvernement tyrannique. Un NOMAC (Noise Machine) fait son apparition à l’écran puis les quatre instrumentistes prennent place pour interpréter plus de deux heures de musique.
Dès « Dystopian Overture » le public peut se rendre compte que cette fois-ci c’est le concept et la musique qui seront mis à l’honneur, plus que le groupe lui-même. En effet, les musiciens ne sont que peu éclairés et les images projetées en fond (sous forme de silhouettes ou d’animations 3D) attirent très vite les regards. Dès « The Gift of Music », James Labrie monte sur scène et se fendra d’un « Bonsoir Paris ! » énergique, mais hélas seul échange lancé au public parisien, renforçant une fois de plus la dimension opéra-rock au côté concert.

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Une chose est certaine, le chanteur est en voix, ce qui rassure immédiatement étant donné l’effort que représente l’interprétation de cet album pour lui. En effet, Labrie interprète l’intégralité des parties de chants des différents protagonistes de l’histoire. Alors certes, sur certains passages en question-réponse, sa voix sera samplée, mais le chanteur choisi d’en interpréter les parties les plus complexes vocalement parlant. Sachant convaincre lorsqu’il interprète Nafaryus, un ton dédaigneux dans la voix, ou encore Faythe et sa candeur, le chanteur est vraiment au centre de l’histoire et pleinement dans son rôle de conteur.

Dans le public, l’ambiance est à la contemplation de l’œuvre, même sur les parties les plus enlevées (« Three Days »). Certains titres sont d’ailleurs magnifiquement interprétés et si Dream Theater délaisse quelque peu la technique pour se concentrer sur l’interprétation, les passages tangos (« Lord Nafaryus ») ou jazzy (« Three Days ») sont remarquables. Les Américains prouvent qu’ils sont capables de sortir des sentiers battus avec des titres qui détonnent dans leur discographie, tel le délicat « Ravenskill ».

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Côté son, le mixage n’est pas idéal en début de set, mais les choses seront vites rétablies. Les conditions sonores permettent d’ailleurs de bien mieux profiter des parties de batterie de Mike Mangini que sur l’album. De même, John Myung est bien mis en avant et prouve qu’il fait bien plus que de suivre les lignes de guitare de John Petrucci.

Si l’album comportait de nombreuses ballades (« Act of Faythe », « Chosen »), notamment sur le premier CD, elles passent à merveille le cap de la scène, bien que le public ne montre pas un enthousiasme débordant, ne maîtrisant pas encore l’intégralité des paroles. A ce propos, il faut souligner que le concept de The Astonishing semble tout de même difficile à comprendre pour les spectateurs qui ne se sont pas penchés sur les paroles et l’histoire, malgré les animations projetées.
Malheureusement, l’œuvre repose en grande partie sur les parties orchestrales et si elles sont samplées en live, leur déclenchement en début de titre entraîne parfois quelques blancs longuets entre les morceaux. Jordan Rudess propose tout au long de l’œuvre des parties de piano riches en émotions, mais on se prend à imaginer l’effet qu’elles auraient eu si l’orchestre au complet avait été présent sur la tournée.

Le premier set se termine avec un incroyable solo de guitare de John Petrucci (« A New Beginning »), sur lequel le guitariste fait preuve de plus de communication, s’avançant sur la scène pour recueillir les applaudissements nourris du public, puis avec le festif « The Road to Revolution ». Le groupe s’éclipse alors pendant une quinzaine de minutes.

« 2285 Entracte » est l’occasion de revisiter l’intégralité des thèmes évoqués lors du premier acte et fait office de bonne introduction au second set.  Mais c’est « Moment of Betrayal », peut être le titre le plus proche du Dream Theater de ces dernières années qui met tout le monde d’accord avec ses parties instrumentales plus musclées. James Labrie est une nouvelle fois impérial sur les couplets rapides. « The Path that Divides » et son duel entre deux protagonistes de l’histoire (relaté en ombres chinoises sur les écrans géants) est un nouveau temps fort du second set, sur lequel le public semble beaucoup plus investi et applaudit chaleureusement.

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Avec « Hymn of A Thousand Voices », Dream Theater reprend peu à peu contact avec le public, qui bat des mains (sur tous les temps, alors que Mangini fait signe de taper tous les huit temps). Ce titre assez folk illustre une autre facette du groupe qui décidément bouleverse ses habitudes avec cet opus. Mais c’est vraiment « Our New World » qui déclenche enfin l’hystérie, puisqu’une grande partie du public restera debout, certains s’approchant des barrières pour acclamer le groupe.
Le rappel sera constitué du final de l’album, « Astonishing », qui fait office de bon titre de clôture, reprenant certains thèmes comme celui de « Brother can you Help Me ? ». Les musiciens s’attardent sur scène une fois le concept achevé, saluant vivement le public et allant jusqu’à taper dans les mains des fans des premiers rangs.

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Malgré la densité de l’œuvre présentée par Dream Theater, celle-ci passe très bien le cap de la scène. On regrette cependant l’absence de l’orchestre, bien que cela soit compréhensible pour des raisons logistiques, et on ne peut que saluer la prise de risque des Américains sur cette tournée. Il est clair que les fans ayant été déstabilisés par The Astonishing n’apprécieront pas plus l’œuvre en version live. Mais l’aspect spectacle sied définitivement bien au groupe qui par ailleurs n’a jamais été l’un des plus énergiques en concert.

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C’est une très belle soirée à laquelle ont assisté les amateurs de metal progressif, prouvant que Dream Theater pouvait encore surprendre, conter de belles histoires et entraîner toute une salle dans leur univers. John Petrucci et ses compères ont placé la barre haute et il nous tarde désormais de découvrir la prochaine étape vers laquelle se dirigera le quintet américain.

Setlist :

Acte 1

Descent of the NOMACS (sur bandes)
Dystopian Overture
The Gift of Music
The Answer
A Better Life
Lord Nafaryus
A Savior in the Square
When Your Time Has Come
Act of Faythe
Three Days
The Hovering Sojourn (sur bandes)
Brother Can you Help Me ?
A Life left Behind
Ravenskill
Chosen
A Tempting Offer
Digital Discord (sur bandes)
The X Aspect
A New Beginning
The Road to Revolution

Acte 2

2285 Entracte
Moment of Betrayal
Heaven’s Cove
Begin Again
The Path that Divides
Machine Chatter (sur bandes)
The Walking Shadow
My Last Farewell
Losing Faythe
Whispers on the Wind
Hymn of a Thousand Voices
Our New World
Power Down (sur bandes)

Rappel :

Astonishing

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Merci à Manon de Warner Music et Charlotte de Liveartfactory
Photographies : © Nidhal Marzouk 2016
Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe



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