Avantasia au Trianon à  Paris (08.03.2016)


Second passage après le Hellfest en 2013, le projet de Tobias Sammet revient en France avec un pari osé, tenir trois heures de concert accompagné d'invités présents sur les albums, en balayant l'ensemble de sa discographie. Paris est une des premières dates de la tournée européenne, et complète comme la majorité des concerts, franc succès annoncé pour cette tournée exceptionnelle.

Les portes du Trianon s'ouvrent donc vers 18h30 et la salle se remplit tranquillement, plutôt évident en pleine semaine à cette heure là. On découvre alors un backdrop aux couleurs du dernier album (et le retour du squelette épouvantail) en fond, ainsi qu'un décor en ruine très réussi, supportant claviers et batterie sur deux étages, avec balcon et escalier pour l'arrivée des chanteurs par l'arrière. Mais avant l’arrivée de toute la troupe tant attendue, une dernière épreuve doit être endurée.

Nous devons donc parler de la première partie, car malgré l'annonce d'un show de trois heures sans première partie, c'est un stand de matériel informatique et de platines qui est installé au centre de la scène. Le DJ Blackfeet Revolution a donc la lourde tâche d'assurer une première partie, armé de ses remix électro-industriallo-métalleux qui malheureusement ne feront bouger que lui. Mixer Rammstein, Metallica et le "Gagnam Style" de Psy dans la même demi-heure devant un parterre de métalleux n'aura pas été l'idée du siècle. Autant dire qu'en voyant la solitude du pauvre musicien, on comprend pourquoi le style global appelé "Rock" se doit être joué en live, qui plus est, en tant que première partie.

Après cet intermède plus que dispensable, les lumières s'éteignent pour la traditionnelle intro "Also Sprach Zarathustra" de Strauss et l’arrivée des deux premiers musiciens, Felix Bohnke à la batterie et Michael Rodenberg aux claviers. "Mystery of a Blood Red Rose" sera donc le premier titre pour démarrer en douceur un show de trois heures, Tobias seul au chant au milieu de ses musiciens, et déjà il y a du monde sur scène. Outre la batterie et les claviers en retrait de chaque côté de l’escalier central, on retrouve Oliver Hartmann et Sascha Paeth aux guitares, André Neygenfind à la basse, ainsi que des choristes de rêve avec Herbie Langhans et la seule femme sur scène, Amanda Sommerville.
 


A peine le premier morceau terminé que Tobias est écrasé sous les acclamations du Trianon : le public sera très réceptif ce soir là, balcons inclus. Nous avons droit à quelques mots de Tobias, très heureux de jouer dans ce beau théâtre avec un show de trois heures et avec de nombreux invités, dont le premier à entrer en scène n’est autre que Michael Kiske (en tenue de motard toute la soirée) pour le titre éponyme "Ghostlight" et son refrain si haut perché. Michael est très en voix et visiblement  heureux de faire partie de l’aventure, tenant le morceau comme sur album malgré les notes hautes (bon, en tirant un peu la tronche sinon c’est moins drôle).

C’est au tour de Ronnie Atkins de se présenter pour le titre "Invoke The Machine", peut être le moins en forme de la bande, quelques fois à bout de souffle et en retrait dans le mix. Rien de grave, le morceau passe très bien avec un Tobias servant de guide pour ses invités. La première claque de la soirée survient lorsque Michael Kiske revient sur scène (un peu à la bourre d’ailleurs) pour "Unchain The Light" et son refrain tout simplement monstrueux en live (merci les choeurs), et l’on commence réellement à se rendre vraiment compte que le spectacle ne fait que commencer…
 


Un autre roi de la scène est présent ce soir en la personne de Bob Catley, accompagné de sa prestance anglaise et de sa veste bleue pétard pour la power ballade "A Restless Heart and Obsidian Skies", suivi de "The Great Mystery". Même si ces titres ne sont pas les premiers choix sur album, le souffle donné en live, couplé à une maîtrise parfaite sur scène nous étonnent, aidé par le fait que tout le monde tient son rôle sans faillir. Et le meilleur est encore à venir.

Celui qui, à mes yeux, tient une bonne partie de la discographie d’Avantasia de sa voix se présente enfin, le monstre norvégien Jørn Lande évidemment. Acclamé par le public parisien dès son apparition et décidé à nous en mettre plein la vue,  Jørn sera sans aucun doute l’invité indispensable de la soirée, assommant le Trianon d’une version de "The Scarecrow" absolument dantesque. Sa voix puissante parfaitement restituée enveloppe le théâtre et coupe le souffle de la fosse, achevée avec le titre taillé pour lui, "Lucifer". Si ce titre vous a plu sur album, l’introduction interprétée en live avec force et puissance glace littéralement le sang d’une foule subjuguée. Résultat sans appel, ovation du Trianon, scandant son nom pendant une bonne minute.
 


A ce stade du concert on pourrait s’arrêter là, et considérer avoir passé une superbe soirée, mais nous sommes toujours très loin du compte. Un vocaliste de talent se cache parmi les musiciens, et c’est au tour du guitariste plutôt discret jusque là Oliver Hartmann de pousser la chansonnette sur le titre "The Watchmaker's Dream", sans aucune fausse note. Oliver mériterait une place de choix tant sa voix, plutôt fluette mais lui permettant de monter très haut, se détache de ses compagnons de tournée. Ses quelques solos à la guitare, malgré le rôle central du placide Sascha Paeth, ne sont pas en reste.

Il reste un invité à présenter, une nouvelle voix bien spéciale qui vient terminer un puzzle déjà plus qu’enviable, l’américain Eric Martin. Nouvelle claque avec la ballade "What's Left of Me" et son refrain une nouvelle fois somptueux de puissance et de maîtrise, le duo avec Tobias fonctionnant à la perfection. Il est d’ailleurs temps pour notre maître de cérémonie de quitter la scène (il est présent depuis le début du show), pour l’improbable "The Wicked Symphony", tir groupé de chanteurs composé de Oliver Hartmann, Jørn Lande, Amanda Sommerville, Herbie Langhans et Michael Kiske, rien que cela.
 


Petite pause pour observer le décor, déjà remarquable dans la pénombre, et qui devient franchement magnifique une fois éclairé et envahi de musiciens.  L’escalier central, véritable colonne vertébrale de la scène, sert soit de podium lors des arrivées ou de banc pour les ballades. Le balcon supérieur permet aux choristes de faire partie du spectacle, accrochés aux grilles en faux fer forgé, répondant aux leads plus présents en avant scène. Mais d’ailleurs, ces choristes ne sont pas là seulement en accompagnement.

Tobias revient sur scène pour mettre en lumière quelqu’un qui se devrait d’y être depuis longtemps, une voix hors normes qui a eu droit à son titre sur Ghostlight, le pétrifiant "Draconian Love". C’est donc Herbie Langhans qui s’avance enfin au premier plan, pour un duo majestueux avec Tobias, totalement soufflé par les tonalités graves et les vocalises du chanteur de Sinbreed. Belle révélation ! Au tour de miss Sommerville, époustouflante depuis le début du show avec sa longue chevelure blonde qu’elle s’amuse à faire tournoyer au gré des riffs, de rejoindre Tobias pour "Farewell", vieux titre repris en choeur par une foule plus que conquise.
 


Nouvelle baffe avec un "Stargazers" d’antologie et nouvelle pause pour notre maître de cérémonie. Le fait de quitter la scène lui permet de tenir plus facilement la distance, mais également d’équilibrer le show pour n’oublier personne, chaque invité ayant droit à ses moments de grâce, et le rythme est idéal. Nous en sommes à la moitié du concert, sans avoir vu passer les nombreux titres déjà joués, et nous ne sommes toujours pas au bout de nos surprises. L’enchainement "Shelter from the Rain" (avec Michael Kiske et Bob Catley) - "The Story Ain't Over" (avec Bob Catley) envoie une nouvelle baffe au Trianon qui ne les compte plus depuis longtemps.

Quelques pauses sont les bienvenues entre les titres, et chaque invité profite des échanges avec le public, pour une petite ovation, un échange avec Tobias, quelques provocations (capillaires) amicales, quelques mots en français ("je veux mettre mon jambon dans tes fesses", par exemple, voilà…), des révélations aussi (Oliver doutait pour la longueur du show). On imagine que toute cette petite troupe vit l’aventure à sa manière, et on ne peut que rester admiratif devant l’organisation nécessaire à tout cela. Rien que sur scène, treize personnes prennent place au total, avec tout ce que cela implique en matériel, retours, micros, choix des titres… Et rien que pour cela, tout était parfaitement transparent, bravo.
 


Nouveau grand moment avec la pièce maîtresse du dernier album, "Let the Storm Descend Upon You" qui provoque un renouveau d’énergie dans les premiers rangs, et tout le monde retient son souffle. Les douze minutes de ce titre sont de véritables montagnes russes, et c’est Jørn, Ronnie et Tobias qui en seront les forains. La magie opère, et ce petit quart d’heure transporte, éblouis, et subjugue mes voisins de fosse et moi-même. Rien à voir avec des côtés brouillons qui peuvent apparaître avec quelques lives précédents d’Avantasia, tout est à sa place et les musiciens portent à bout de bras des chanteurs qui n’en avaient pas vraiment besoin. Le résultat de ce titre, et de bien d’autres dans la soirée, est ahurissant d’interprétation.

Il y aurait tant d’autres choses à dire, l’habituel "Promised Land" qui sied tant à Jørn, le combat face à face TobiasMichael sur les aigus de "Reach Out for the Light" qui rappelle de bons souvenirs, un "Avantasia" fédérateur ainsi qu’un "Twisted Mind" en trio MartinAtkinsSammet sans défaut une nouvelle fois. Chaque titre relance la machine avec sa petite part de surprise, comme la version de "Dying for an Angel", Eric Martin en remplaçant de Klaus Meine (et on la préfère largement comme ça).
 


Cela fait près de 2h30 que le train Avantasia file sans s’arrêter, et il est temps d’éteindre les lumières avant le terminus. La fosse martèle le pauvre plancher du Trianon remuant tout le quartier, et cela plaît beaucoup à Tobias. "Lost in Space" annonce fatalement le medley final "Sign of the Cross / The Seven Angels", avec le rappel de tous les invités sur le balcon. La brochette de chanteurs qui se tient face à la salle achèvera le travail dans une harmonie rare ou personne ne prend le dessus sur l’autre, pour un dernier frisson collectif. Tout le monde restera encore quelques minutes sur scène, histoire de serrer quelques mains, prendre une belle photo, recevoir des cadeaux et applaudir une foule franchement méritante après ces trois heures de show.

En conclusion, on ne peut que féliciter Tobias Sammet d’avoir su monter un spectacle complet, cohérent, puissant et sans fausse note. Le pari était loin d’être gagné avec le nombre conséquent de musiciens impliqués, sans parler des soucis d’emploi du temps à gérer pour tout le monde. Les trois heures ont filé comme jamais, et pour tous les fans plus ou moins jeunes d’Avantasia, cette date parisienne restera comme un grand moment qu’il ne fallait absolument pas rater.

Crédit photo: Marjorie Coulin.
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