Eths – Ankaa

Quatre ans après III et après de nombreux changements dans le line-up, les marseillais d’Eths sont de retour avec leur quatrième opus : Ankaa. L’attente fut longue et les questions nombreuses après le départ de Candice Clot et l’arrivée de Rachel Aspe au micro. Rassurez-vous, Eths nous offre avec Ankaa un album incroyablement riche, novateur et tout simplement puissant.

Dernier album avec Candice Clot au chant, III nous faisait voyager dans un monde désertique à l’image de sa pochette. Pour Ankaa, le mot qui symbolise le mieux cet opus serait spatial. En tout cas, si vous n’aimiez pas Eths avant, vous pouvez passer votre chemin parce que le combo nous offre un album très différent bien sûr mais qui reste dans la veine des deux dernier opus. Et si vous êtes aussi impatient – et anxieux - que nous et bien soyez rassurés, Eths ne va pas vous décevoir.


La pochette d’Ankaa est le premier élément qui vient chatouiller notre curiosité. Après le lapin dépecé de Tératologie et la femme tribale sur un fond désertique de III, la simplicité du crâne et de la typographique interloque.  L’écoute de quatrième opus commence avec "Nefas" et c’est une véritable déferlante qui s’abat sur nous. Le morceau est très rapide dans sa construction avec une batterie galopante et pleine de technique et un riff de guitare que l’on peut qualifier de lancinant sur le refrain. La pâte Eths est reconnaissable bien entendu mais ce premier morceau a des bases très hardcore auquel nous n’étions pas habitués. Même si Staif (guitare) est le seul compositeur de la musique et des paroles, ce côté hardcore vient des goûts de Rachel (chant), une manière de comprendre qu’il a pris en compte les goûts et les capacités de celle-ci dans la construction de l’album.

Deuxième titre de l’album "Nihil Sine Causa" est aussi le second extrait dévoilé au public en préambule de la sortie d’Ankaa. Le titre s’ouvre sur un fond musical faisant énormément penser à une musique de film épique au moment de l’ouverture d’une immense porte ou du début d’une bataille. Encore une fois, Eths nous surprend avec l’apparition de Sarah Layssac d’Arkan pour des passages orientaux totalement improvisés lors de l’enregistrement ainsi que des éléments électroniques qui siéent à la perfection à l’ambiance créée. Ce n’est d’ailleurs pas la seule intervention de Sarah puisqu’on la retrouve à d’autres moments de l’album notamment sur "Sekhet Aaru". On retrouve d’autres invités sur cet album et non des moindres puisque la batterie a été enregistrée par Dick Verbeuren (Soilwork) et qu’on retrouve son compère Björn Strid sur "HAR1" notamment. On y retrouve aussi quelqu’un de beaucoup moins connu mais qui est à la co-écriture de trois titres, Faustine Berardo du collectif musical et visuel La Nébuleuse d’Hima.
 


Eths a toujours su utiliser des instruments autres que le trio guitare – basse – batterie dans la création de ces titres. Tératologie notamment mettait le piano très à l’honneur dans plusieurs morceaux, au même titre que le violon ou le violoncelle pour créer des ambiances angoissantes et anxiogènes. Sur Ankaa, c’est "Seditio" qui s’y colle avec le piano en introduction et la contrebasse/le violoncelle pour terminer. Au milieu de tout ça, la superposition du chant clair et du chant crié de Rachel est appuyé par un riff de guitare répétitif et entêtant. "Seditio" signe aussi le retour du chant de Staif qui, après être apparu sur des titres très personnel lors des précédents albums – "AnimadVersion" et "Anima Exhalare" – s’essaye à un autre registre pour une partie qui ramène aux souvenirs de "Proserpina" sur III.

Eths n’a jamais fait l’unanimité et c’est encore plus criant depuis le départ de Candice. Beaucoup n’hésitant pas à qualifier carrément le groupe de « mort » en oubliant que le seul cerveau derrière Eths est Staif, personne d’autre. Comme nous le disions plus haut, Ankaa est le premier album avec Rachel Aspe au chant. Disons le simplement pour que tout le monde comprenne : Rachel est incroyable, elle sait tout faire avec sa voix et elle surpasse tout ce que Candice a pu proposer sur CD à Eths et ses auditeurs, point. Les nuances dans son chant crié sur "Amaterasu", les cris en ouverture et la voix très enfantine sur "Nixi Dii", la rapidité de "Nefas", etc.


Très souvent placée à la fin des albums du combo, le plus long morceau est cette fois-ci dans la première partie. "Nixi Dii" est un titre déstructuré dans la veine de ceux présents sur Tératologie qui pourrait se départager en plusieurs parties pour être mieux compris. On commence avec des énormes cris de Rachel bien aidé par la base rythmique qui met Damien (basse) le plus en avant possible avant de partir vers un chant grégorien en français puis une voix enfantine. Si un titre devait résumer ce qu’est la musique d’Eths en termes de complexité et d’ambiances, ce serait celui-ci.

Ankaa se clôt sur le triptyque "Alnitak" – "Alnilam" – "Mintaka". Nous avions eu la chance d’avoir l’exclusivité sur "Alnilam" donc c’est un titre que le public connaît mais qui prend finalement tout sens, inséré entre les deux autres parties qui permettent de mieux mettre en perspective ce titre.

Lors de notre entretien avec le quatuor juste avant le concert au Petit Bain, Staif nous disait que cet album pourrait très bien être le dernier d’Eths si le succès n’est pas au rendez-vous, qu’il avait donc encore une fois mis tout ce qu’il avait dans la mise au monde de son nouveau bébé. Très sincèrement, la pensée qu’Ankaa puisse être le dernier opus des Marseillais est une pilule tellement difficile à avaler que l’on espère du plus profond de nous que cet album soit une réussite commerciale. Rare sont les groupes à proposer une musique aussi singulière, les voir disparaître est un désastre.
 


La musique d’Eths ne ressemble à celle d’aucun autre groupe sur cette planète et mettre une étiquette sur la musique d’Eths est impossible. Le pari Ankaa est réussi. Rachel s’insère à la perfection dans la mécanique bien huilée, Staif est un compositeur de talent comme il en existe peu, Dick Verbeuren a parfaitement transformé les idées de Staif en une partition de batterie puissante que RUL – le petit nouveau derrière les fûts - prend du plaisir à jouer sur scène et enfin Damien agit en métronome.

Aucun album n’est jamais vraiment parfait mais Ankaa s’approche de la perfection. Eths est vivant, bien vivant même.

NOTE DE L'AUTEUR : 10 / 10



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