Quelques mois avant la sortie du nouvel EP de Gorguts, Pleiades Dust, les Québécois ont sillonné les routes européennes en compagnie de Psycroptic, Dysrhythmia et Nero di Marte pour présenter leur nouvelle pièce (« Pleiades Dust ») en avant-première. Si la tournée n’est malheureusement pas passée par la capitale, nous avons fait le déplacement jusqu’à Evreux pour admirer en live ces nouvelles compositions et découvrir le metal expérimental de Dysrhythmia, l’ambiance torturée des titres de Nero Di Marte et enfin prendre un coup de massue avec les Australiens de Psycroptic.
Nero Di Marte
Le concert du soir se tient à l’Abordage, un lieu particulier qui fait office de gymnase, de salle de concert ou encore de MJC. Certains fans ont fait le déplacement depuis Paris ou Rouen, mais c’est devant un public encore clairsemé que les Italiens de Nero di Marte montent sur les planches pour interpréter quatre de leurs titres.
Une fois sur scène, les musiciens se lancent dans une musique torturée, où les instruments dominent sur le chant. Fortement influencés par Gorguts pour le côté hypnotique de leur art, les Italiens proposent un style également très ambiant.
Avec un temps de jeu réduit, les musiciens doivent faire un choix dans leur set et n’interprètent qu’une poignée de titre, dont « Nero Di Marte » qui se voit ici amputé de quelques minutes (le titre dure initialement 12 minutes). Sean Worrell, le vocaliste de la formation propose un chant à mi-chemin entre voix écorchée et chantée, ce qui colle totalement avec l’ambiance développée par le quatuor dans ses compositions.
Si la musique de Nero Di Marte pousse à l’introspection plus qu’aux mosh pits effrénés, le public applaudit allègrement entre les titres, signe que les compositions font mouche.
Après une petite demi-heure de set, le groupe s’éclipse et le public sent clairement qu'il vient de faire une belle découverte. Espérons que les Italiens iront loin car ils possèdent un talent d’écriture certain.
Setlist Nero di Marte
L'Eclisse
Convergence
Nero Di Marte (excerpt)
Il Diluvio
Dysrhythmia
Colin Marston (basse) et Kevin Hufnagel (guitare), les deux têtes pensantes de Dysrhythmia ne s’économiseront pas ce soir. En effet, les deux musiciens, également membres de Gorguts s’apprêtent donc à jouer deux set, avec deux ambiances différentes. Les Américains démarrent leur set de la manière la plus simple, après avoir effectué eux même leur soundcheck.
Accompagnés de Jeff Eber (batterie), le trio se lance alors dans un show d’une bonne demi-heure, interprétant de nouvelles compositions, encore sans titre. Proposant une musique totalement atypique entre expérimentation et musique atonale, les Américains évoquent par moment Exivious. Kevin Hufnagel n’hésite pas à mettre en avant sa marque de fabrique, avec de nombreuses harmoniques naturelles, tandis que Colin Marston dépasse les limites de la basse en se faisant tantôt agressif, tantôt technique (il maîtrise le tapping à la perfection) mais toujours avec beaucoup de musicalité.
Mais c’est Jeff Eber qui est peut-être le plus bluffant. Sur un kit réduit au strict minimum, le musicien développe un jeu très organique, lorgnant parfois du côté du jazz, tel un Christian Vander (Magma) qui se serait intéressé au metal extrême.
En live, il est toujours risqué d’interpréter une musique aussi complexe et presque intellectuelle mais le public semble totalement conquis par l’expérience qui est proposée par le trio.
Dysrhythmia a qui plus est pris de nombreux risques en jouant des compositions encore inédites mais cela n’augure que du bon pour leur album à venir. Il ne fait aucun doute que ces musiciens ont fait office de très bon opener et ont constitué LA surprise de la soirée.
Psycroptic
Changement d’ambiance avec le death metal plus musclé de Psycroptic. Une bonne partie du public semble s’être déplacée pour écouter le groupe des frères Haley, si bien que lorsque le groupe se retrouve confronté à des soucis pour lancer son set (le sample d’introduction ne démarre pas) une frange alcoolisée et surexcitée du public n’arrive plus à se tenir.
Mais dès « Cold », Psycroptic envoie son death metal puissant et massif. L’audience, qui s’était économisée sur les deux premiers groupes, se lance dans des pogos et des moshpits qui semblent amuser Jason Peppiatt, le chanteur de la formation australienne.
Côté musiciens, les frères Haley sont toujours aussi impressionnants de technique. Joe Haley (guitare) parvient avec un minimum de matériel (une guitare branchée directement dans l’ampli) à obtenir un son écrasant tout en étant propre.
Pendant près d’une heure, les Australiens vont dérouler une partition sans faute, bien que sur la durée la musique du combo puisse paraître redondante. Heureusement, certaines compositions sortent largement du lot, notamment les deux titres de Ob(servant), qui présentent un bel équilibre entre technique et brutalité.
Le public est tout simplement déchaîné et certains montent même sur scène pour effectuer des stage diving hasardeux vu que la foule est encore loin d’être compacte, le tout devant un service de sécurité médusé.
Finalement, Psycroptic fait ce qu’il sait faire le mieux, asséner une musique brutale et directe qui tranche littéralement avec les autres groupes de la soirée. Pas de doute, les Australiens font le job et savent être efficaces en toutes circonstances.
Setlist Psycroptic :
Cold
Carriers of the plague
Forward to submission
The world discarded
Euphorinasia
Observant
Echoes to come
The sleepers have awoken
Initiate
Gorguts
Voir Gorguts en France est toujours un plaisir étant donné leur rareté sur nos scènes. Ce soir, la formation emblématique emmenée par Luc Lemay va privilégier sa récente carrière puisqu’aucun extrait des deux premiers opus du combo, Considered Dead et The Erosion of Sanity, ne sera interprété. Débutant son set par les désormais classiques « Le Toit du Monde » et « Forgotten Arrow », Gorguts prouve une fois de plus que Colored Sands est un vrai chef d’œuvre de composition, puisant son inspiration dans une musique à la fois progressive, dissonante et contemporaine. Repoussant les limites du death metal, le quatuor semble faire fi de toute difficulté technique et plonge le public dans la contemplation de son art.
Luc Lemay est peut être légèrement sous-mixé vocalement, mais cela renforce l’aspect presque ambiant des compostions du groupe québécois. S’adressant en français entre les titres, le chanteur semble réellement heureux d’être présent sur scène, bien que le public ne lui réponde que brièvement.
Colin Marston et Kevin Hufnagel impressionnent une fois de plus, après l’excellent set de Dysrhythmia, et savent totalement s’immerger dans l’univers de leur seconde formation. Enfin Patrice Hamelin (batterie) sait se faire à la fois subtil et brutal, caractéristique rare chez les batteurs de death metal. Bien que certains spectateurs lui reprochent le son de sa batterie au cours du set, Hamelin est impérial tout au long du show, et en particulier sur l’interprétation de « Pleiades Dust ».
Ce nouveau titre constitue d’ailleurs la pièce maîtresse du set, puisqu’il est ici interprété en intégralité et en avant-première. Tous les éléments de Gorguts période Colored Sands sont présents, mais les fans peuvent déceler également des passages rappelant Negativa, l’ancienne formation de Luc Lemay.
Malheureusement, ce titre est entâché d’un problème technique puisqu’en plein milieu Colin Marston casse une corde et doit la changer en urgence laissant le leader improviser des nappes de guitare que n’aurait pas reniées Robert Fripp (King Crimson). C’est dans ces moments-là que l’on admire le professionnalisme du leader de Gorguts, qui ne se laisse pas décontenancer par la difficulté. Le titre repart de plus belle, tantôt ambiant, tantôt brutal et se terminant dans un final bruististe totalement réussi (le concept évoque la prise de Bagdad en 1258 par l'armée mongole et la violence qui en découle).
En raison des soucis techniques, Gorguts doit écourter son set et « Nostalgia », initialement prévu n’est finalement pas interprété. Le groupe privilégie « Inverted » et « From Wisdom to Hate», deux classiques de la discographie des Québécois.Sur ces titres, le public semble se réveiller et le final constitué d’ « Obscura » ne fait qu’enfoncer le clou.
Avec 70 mn de set, Gorguts a su prouver que sa mue n’était pas terminée, progressant encore vers une musique toujours plus atypique, qui ne s’enferme pas dans les carcans du death metal. L’interprétation de « Pleaides Dust » a d’ailleurs constitué le temps fort de la soirée et il nous tarde de pouvoir découvrir la version studio de ce titre, qui sera à n’en pas douter un nouveau chef d’œuvre dans une discographie déjà riche. Chapeau bas les cousins !
Setlist Gorguts :
Le Toit du Monde
Forgotten Arrows
Pleiades Dust
From Wisdom to Hate
Inverted
Obscura
Photographies : © Watchmaker
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Merci à Aurélien et à toute l’équipe de l’Abordage à Evreux pour leur accueil.