Un premier album salué par la critique et une signature chez Season Of Mist pour le second, voilà un début de carrière qui satisferait n’importe quel artiste. Et en étant une femme, seule dans le monde assez fermé du post-black metal c’est même une sacrée performance qui n'est pas sans rappeler une certaine Myrkur. Mais la comparaison s’arrête là pour Sylvaine, la plus française des norvégiennes qui revient cette année déployer son blackgaze ambiant avec Wistful, deux ans après Silent Chambers Noisy Heart.
Premier changement notable : la longueur des titres qui se sont considérablement allongés depuis le premier album. Plus de dix minutes pour l’opener « Delusions » et une durée totale de près d’une heure, comme si Sylvaine avait ressenti le besoin de prendre son temps et de composer des titres plus contemplatifs à la manière d’un Wolves In The Throne Room (l’artwork évoque d’ailleurs Celestite des Américains.)
Musicalement, et c’est le principal reproche que l’on peut faire à la jeune femme, on roule sur un chemin ultra-balisé. Chaque note est prévisible et le black/shoegaze de Sylvaine a une influence principale : Alcest. Quelques notes de « Delusions » et nous voilà parti pour un condensé de Souvenirs d’un Autre Monde. Le combo de Neige est partout (le Français assure même la batterie sur trois titres) et le manque de prise de distance face à cette influence et les autres est parfois dérangeant.
Ces critiques mises à part, on passe plutôt un bon moment à l’écoute de Wistful puisque la Norvégienne sait clairement composer de bons morceaux. Sur des titres comme « Earthbound » ou « In The Wake Of Moments Passed By », des cris très épurés à la Ghost Bath parviennent à transporter l’auditeur sur fond de musique toujours très tranquille, sans aucun blast beat à l’horizon. La batterie en elle-même se fait très discrète, légèrement sous-mixée et parfois absente pendant quelques minutes, à la manière de ce que peux proposer un Burzum depuis quelques albums.
Heureusement, Sylvaine parvient à insuffler une personnalité à ses compositions pour que l’ensemble soit tout sauf monolithique. Si « Earthbound » fait office de croisement entre Les Discrets et Deafheaven, « Saudade » de son côté est une incursion très convaincante dans un post-rock à la Mogwai. On en est presque à se dire que l’on ne s’ennuie pas lorsque retentit l’éponyme « Wistful » qui conclut l’album. Une erreur de casting un peu soporifique, que même l’apparition des violons ne parvient pas à sauver. Dommage puisqu’en se délestant de ce titre, l’opus serait resté d’une longueur acceptable.
Rien à dire en revanche sur le chant de la jeune femme, parfait du début à la fin et qui se prête souvent bien à l’ambiance des morceaux. Que ce soit en chant clair ou en scream, la voix de Sylvaine a tendance à davantage prendre le dessus sur les instruments que dans les autres formations du genre, ce qui n’est pas pour déplaire. Bien sûr, les effets de reverb sur la voix sont toujours très présents et peuvent facilement agacer, mais on évite de peu l’overdose. Quelques compositions s’en trouvent même bonifiées à l’image de « Like A Moth To A Flame ».
Vous l’aurez compris, ce deuxième album de Sylvaine est à réserver aux fans les plus mordus de blackgaze, qui trouveront somme toute de la musique de qualité pour patienter en attendant le prochain Alcest. Pour les autres, Wistful fera un agréable disque ambiant en fond sonore lors d’un diner ou autre occasion, mais certainement pas un disque indispensable à répéter en boucle faute d’une personnalité bien affirmée. Sylvaine a pourtant tout à fait le potentiel pour faire mieux et elle sera attendue au tournant la prochaine fois.
Note : 6.5/10