Si la majorité des événements musicaux ayant lieu en France se passent à Paris, la province n'est pas toujours défavorisée. En effet, contre toute attente, chaque année depuis quatorze ans, un festival local de metal est organisé par l'association Delirium Tremens Prod, à Châlons-en-Champagne. De plus, cette année, celui-ci coïncidait avec le forum L.E.M.M.I, forum de rencontres pour les acteurs du metal français ayant lieu plus tôt dans la journée. Retour sur une journée complète placée sous le signe du metal.
Forum L.E.M.M.I
Dès l'ouverture du forum L.E.M.M.I ayant lieu au gymnase du Contrepoint (attenant à la salle dans laquelle le festival va se tenir le soir même), nous sommes étonnés de voir que peu de monde s'est déplacé pour assister à l'événement. Au moment de l'ouverture, une partie des exposants n'est pas encore là et l'organisation semble pâtir du manque d'indications permettant de trouver la salle facilement. On aurait pu également apprécier des affiches permettant de connaître en détail le programme de la journée et un nombre plus restreints de tables d'exposants (qui étaient principalement vides) pour en faire un lieu d'échange plus chaleureux.
La journée débute par une masterclass de batterie donnée par Gaël Féret (Misanthrope, Argile), professeur à la MAI de Nancy. Quelques batteries ont été déposées devant la scène, mais la masterclass débute sans même un discours d'ouverture du forum.
Gaël Féret se lance alors dans l'interprétation de quelques titres, joués par dessus une bande-son. C'est un moment tout de même privilégié auquel le public assiste, en particulier les jeunes batteurs présents dans la salle qui peuvent prendre tout leur temps pour admirer la technique du musicien, chose souvent peu aisée dans le cadre d'un concert.
Une fois ces quelques titres interprétés, un jeu de question réponse se met en place, au cours duquel le musicien reviendra notamment sur la technique du blast-beat.
Une fois la leçon achevée, c'est l'occasion d'une petite jam entre le batteur et plusieurs participants, qui à coup sûr laissera de bons souvenirs aux participants.
Au sein du gymnase, se trouvent quelques exposants variés, tels un salon de tatouage, le stand de l'éditeur Zone 52, représenté par Jérémie Grima (auteur notamment du livre Metal Bunker) ou encore celui de l'illustrateur Nicolas Dubuisson, graphiste et dessinateur de pochettes d'albums.
Si l'on peut regretter un lieu un peu décalé avec le thème de la journée, la journée se déroule sans accroc, alternant concerts amateurs et tables rondes, et permet de rapprocher artistes indépendants et acteurs de la musique metal en France. Pour la prochaine édition, il serait intéressant de proposer un lieu peut être plus intimiste. Ce forum s'adresse cependant principalement à un public spécialisé, malheureusement minoritaire dans cette petite ville et les exposants ne seront que peu sollicités au cours de la journée.
Delirium Fest
Vers 18h, la plupart des exposants et personnes présentes au forum se déplacent dans la petite salle du Contrepoint qui jouxte le gymnase, pour assister à la quatorzième édition du Delirium Fest. Mettant l'accent sur des groupes issus des scènes locales (alors que l'année passée, Immolation était venu en tête d'affiche), cette soirée nous a permis de faire de très belles découvertes. De plus, l'organisation du festival était parfaitement millimétrée et les spectateurs se sont déplacés en nombre (même si beaucoup n'étaient pas encore présents pour les premiers groupes), ce qui est particulièrement appréciable.
Negative ritual
La soirée démarre avec Negative Ritual, un duo rémois pratiquant une musique à mi-chemin entre le rock gothique et le metal occulte. Musicalement, le groupe fait la part belle aux atmosphères sombres, à travers les parties de claviers et de guitares assurées par Dylan. Ce dernier propose des arpèges de guitare cristallins qui se marient parfaitement avec les nappes de claviers. Concernant les influences du groupe, on navigue entre Type O Negative, Sisters of Mercy, ou encore Ghost pour le goût de la mise en scène. En effet, le vocaliste de la formation, John, est encapuchonné pendant toute la première partie du set de 25 mn qui leur est accordé. Alternant entre chant mélodique et parties de percussions, le frontman est pleinement dans son rôle, d'autant plus lorsqu'il propose au public de boire dans un calice ne contenant "que de bonnes choses dedans", selon lui-même.
Toute théâtralité mise à part, le duo assure un show carré, peut être handicapé par le carcan du sample qui semble brider le jeune guitariste, occupé à déclencher toutes les parties enregistrées.
Avec seulement 25 minutes de set, les Rémois ont fait forte impression, proposant une musique accrocheuse et très intéressante, devant un public encore malheureusement trop clairsemé.
Setlist Negative Ritual
I.N.R.I.
God from the Stone
Demon Pact
Black mass of winter
Resurrection
Sons of the Pentagram
Spetrum of the Past
Adrenaline
Au moment où le deuxième groupe de la soirée foule les planches du Contrepoint, la salle est un peu plus fournie. Et si les spectateurs souhaitent de l'énergie, ce n'est pas ce qui va manquer au cours de ce set survitaminé, Adrenaline portant plutôt bien son nom. Officiant dans un hardcore, somme toute classique, le combo va faire mouche avec des titres efficaces et directs.
Vinz, le frontman, est une vraie pile électrique, qui n'hésite pas d'ailleurs à interpréter un morceau entier dans la fosse. Arpentant le devant de la scène tel un lion en cage, il éructe ses textes en français, bien épaulé par les riffs groovy de ses comparses. De plus, entre les titres, le leader se permet de blaguer avec le public, notamment au sujet de ses textes, comme "A deux doigts du Bonheur", qu'il avoue regretter devoir interpréter devant sa mère présente dans la salle, en raison du caractère lubrique de ce morceau.
Les musiciens sont également tous carrés, et si le hardcore est loin d'être le sous-genre favoris de votre serviteur, il faut reconnaître que le groupe est clairement une bombe en live. "Redemption", le dernier titre du set permet de laisser un public ruisselant, qui s'est même essayé au moshpit dans une ambiance festive.
Setlist Adrenaline
L'armée des clones
Smash
Encore une histoire
A deux doigts du Bonheur
Demain nous appartient
Overcome
Redemption
Visceral Dissection
Après un set aussi intense, place au brutal death de Visceral Dissection. Le groupe, formé au milieu des années 90, vient tout juste de sortir son deuxième opus, malgré près de vingt ans d'existence. Sur scène, on sent un groupe expérimenté, qui maîtrise la violence des riffs à la perfection, le tout aggrémenté des hurlements porcins de Vincent le vocaliste.
On peut malgré tout regretter que les guitares de Sam et Max soient légèrement sous-mixées pendant la durée complète du set. D'autant plus que Visceral Dissection annonce un nouveau titre inédit, "Acid Rain", interprété en live pour la seconde fois seulement. Ce titre permet d'ailleurs d'apprécier quelques rythmiques thrash qui mettent un peu de diversité dans le brutal death à la Dying Fetus pratiqué par le combo champenois.
Une bonne découverte en live, qui donne clairement envie de se pencher sur les versions studios.
Setlist Visceral Dissection
Slashers
Feasting on Your Rotten Flesh
Vomitarian
Orgy in Autopsy
Acid Rain
Urge to Kill
Scars of Perversions
Absurdity
Le quatrième combo à accéder à la scène est Absurdity. Fondé en 2001 à Strasbourg, il propose un death metal moderne à tendance deathcore. Misant tout sur des compositions efficaces, le groupe semble bénéficier de la ferveur du public. Ricardo, le chanteur, affublé d'un tshirt à tête de tigre, parvient à bien chauffer la salle, et les premiers slams de la soirée se mettent en place.
Si les compositions des Strasbourgeois évoquent par moment Gojira, on peut cependant leur reprocher une certaine linéarité qui rend les titres parfois redondants. De plus, le groupe pâtit de l'absence de son bassiste, retenu pour raisons familiales, ce qui se ressent en terme de groove.
L'efficacité est bien là, la prestation est honnête mais il manque quelque chose aux titres d'Absurdity pour réellement séduire.
Locomuerte
Avant dernier groupe de la soirée, et cocktail détonnant au programme. Les Parisiens de Locomuerte balancent un hardcore fortement inspiré de la culture hispanique. Bandanas sur la tête, les musiciens semblent tout droit sortis d'un film de gangster se passant dans la communauté mexicaine de Los Angeles. Mais une fois les instruments en main, c'est un set solide et carré qui nous est proposé, entraînant dans leur danse folle une bonne partie du public qui semble s'être déplacée pour eux.
C'est d'ailleurs le moment que choisissent certains spectateurs pour monter sur scène, partager le chant avec Stormy, vocaliste du groupe avant de repartir en slammant. La bonne humeur du groupe est d'ailleurs clairement contagieuse et les circles pits sont légions dans la fosse. Nico, bassiste de Locomuerte se permet de nombreuses interventions dans un mélange de français et d'espagnol à l'accent forcé, mais qui a le mérite de mettre l'ambiance et d'instaurer une vrai communication entre le groupe et les spectateurs.
Avec un peu moins d'une heure de jeu, les Franciliens ont su convaincre grâce à l'efficacité de leurs compositions mais également un jeu de scène parfaitement rodé.
Setlist Locomuerte
Manera Violenta
Pa mi Gente
Tiro pa'matar
Barrio
LM Vitamina
Rumble
Traicion Bendicion
Calle Muero
Celoso
Ranfla
En la calle Vivo
Mi Familia
Depraved
Si l'heure tardive est certainement responsable du départ d'une partie du public, les présents auront eu raison d'être resté jusqu'au bout à ce quatorzième Delirium Fest. Si l'ensemble des formations qui se sont succédées n'ont pas démérité, Depraved est venu montrer qu'il n'avait pas usurpé son statut de tête d'affiche de la soirée. Officiant dans un grind teinté de brutal death, le groupe nancéen est composé de vétérans qui foulent les scènes françaises depuis 1992.
Et dès le premier titre, "Human Meat Scraps", l'expérience de Depraved se ressent. Balançant un grind hyper efficace, les musiciens maîtrisent le genre sur le bout des doigts. Les deux guitaristes, Gilles et Cédric, n'ont pas peur des cassures rythmiques inhérentes au style pratiqué. De son côté, Frank, le batteur présent depuis les débuts du groupe, fait preuve d'une endurance remarquable et doit bien perdre plusieurs litres de sueur malgré la faible durée des compositions.
Mais c'est bien le leader, Kristoff, qui impressionne le plus, par son chant hurlé qui tranche totalement avec la timidité avec laquelle il annonce les titres. Tel un Napalm Death français, Depraved met le public sur les rotules, malgré un son un peu hasardeux sur certains titres pour lesquels le chant est malheureusement sous-mixé. Cinquante minutes plus tard, la dernière note de "Asylum" résonne et le groupe épuisé par une telle prestation se retire.
Cette quatorzième édition du Delirium Fest a ainsi tenu toutes ses promesses, permettant de mettre en avant la scène locale à travers des artistes aux styles divers et variés, montrant ainsi le professionnalisme de la scène underground. On regrette cependant que le forum L.E.M.M.I n'ai pas connu un tel succès, mais ce dernier n'en est encore qu'à sa seconde édition. Bravo cependant pour avoir réussi le pari d'organiser un tel événement dans une aussi petite ville. A l'année prochaine pour la quinzième du Delirium Fest.
Setlist Depraved
Human meat scraps
Psycho Torments
Bones pulverized
Broken Life
One Shot
I'm War
Violence Breeds Violence
Between life and death
Retaliation in Blood
Mental Illness
The Mask of Terror
Asylum
Merci à Delirium Tremens Production.
Photographies : © Watchmaker
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