"Shiraz Lane [...] [aurait eu sa place] dans la flopée de groupe de sleaze et hard FM du début des années 90 – avec tout ce que cette formulation peut avoir de positif ou de négatif"
Shiraz Lane, comme son nom ne l’indique pas, joue dans la cour du sleaze, en dégainant la carte du hair metal à cheval sur les années 80 90, selon les standards de leurs idoles que sont les Guns N’ Roses, Mötley Crüe ou encore Europe. Il y a plus, mais…
Ce qui frappe en premier lieu lorsqu’on glisse ce premier album des Finlandais dans sa platine, ce sont le son et la production des titres, qui semblent nous transporter à travers le temps. Tout, depuis le traitement de la voix, jusqu’aux sons lissés de guitare, et surtout en passant par une batterie typique du hard FM américain des 90's, vraiment tout nous replonge dans l’âge d’or des groupes sus-cités. Tel est l’objectif avoué et assumé du groupe, et il faut reconnaître qu’il est atteint.
Mais, parce qu’il y a un mais, s’il y a bien une époque de l’histoire du hard dont une partie de la signature sonore a mal vieilli, c’est bien celle-ci. La faute principalement aux effets alors expérimentés, ainsi qu’à la surenchère de production : ce n’est d’ailleurs pas pour rien si les albums du genre qui ont traversé les années sans perdre de leur superbe sont souvent ceux au son le plus brut de décoffrage. On pense par exemple à Appetite For Destruction, ou encore Too Fast For Love, pour ne citer que les plus illustres.
Bref, à première vue, Shiraz Lane nous propose ce qui ressemble être le travail d’un jeune groupe vivant dans le passé, et menant à bout de bras le sursaut d’orgueil d’un genre à bout de souffle… un peu comme votre tonton Jojo qui s’évertue à garder son mulet depuis son premier tatouage fait avec de l'encre et une aiguille. Ce ressenti est particulièrement saisissant sur le second titre, "Momma’s Boy", qui au fil de ses 4’34 nous aligne une succession de références à peine masquées aux maîtres du genre. La diction des couplets rappelle alternativement Vince Neil et Steven Tyler, sur fond de riffs Slash-esques à souhait, et le début du refrain résonne comme les cris de Joey Tempest chez Europe.
Il y a pire comme références me direz-vous, et d'ailleurs tout n’est pas noir, loin s’en faut, à commencer par la voix du frontman Hannes Kett, qui assure méchamment, admettons-le. Par rapport à ses illustres prédécesseurs, il sait ajouter des passages en voix de tête suraigüs, un peu à l’image de Justin Hawkins (The Darkness), ce qui apporte de la variété et de l’énergie. On ne peut qu’apprécier la polyvalence du vocaliste, et son énergie qui doit tout emporter sur son passage sur scène.
Au rayon des bonnes surprises, quelques compositions tirent leur épingle du jeu, le plus souvent dans un registre décalé du style prédominant de l’album. Ainsi "Same Ol’ Blues" ferait une ballade radio parfaite, avec sa lente progression larmoyante bien sentie. La palme revient à "Behind The 8-Ball", dont l’ambiance bluesy fait mouche, et révèle une nouvelle facette de Shiraz Lane. Le guitariste lead Jani Laine est bien mis en avant sur une intro pleine de feeling, puis se lance avec son compère Miki Kalske dans un riff lancinant et entêtant qui fera taper du pied même le plus endormi des auditeurs. L’univers feutré est maintenu jusqu’à la fin du titre, qui reste sans doute possible le moment fort de ce For Crying Out Loud.
Un album qui divisera donc, et dont près des trois quart sont constitués de titres qui auraient eu leur place dans la flopée de groupe de sleaze et hard FM du début des années 90 – avec tout ce que cette formulation peut avoir de positif ou de négatif selon le lecteur. Mais plusieurs pépites sont nichées dans ce disque, avec des incursions dans des styles étonnants et moins formatés, et ce sont elles qui confèrent son intérêt à For Crying Out Loud. Peut-être que ces facettes de Shiraz Lane seront mieux exploitées dans un second opus plus mature ?