Après le Catacombs of Black Vatican Tour, qui l’avait amené avec son groupe Black Label Society à Paris, Lyon, aux Eurockéennes de Belfort (!) et à l’Xtreme Fest, Zakk Wylde revient en contrée gauloise. Mais pas dans la configuration habituelle : le plus chevelu de tous les guitaristes a en effet un nouveau disque solo dans sa besace, après son adulé Book Of Shadows il y a plus de vingt ans. Sobrement intitulé The Book Of Shadows II, ce nouvel opus inattendu avait bien convaincu dans la rédaction, sur un créneau radicalement différent de ce que peut proposer Black Label Society. Il est à présent temps de juger cette copie sur scène, au Cabaret Sauvage de Paris.
Jared James Nichols
On l’avait découverts au Palais des Sports, en ouverture de Lynyrd Skynyrd il y a quelques mois : Jared James Nichols embarque à présent sur la tournée de Zakk Wylde pour chauffer les salles européennes. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le job est fait : sorte de Ted Nugent moderne, le guitariste assure le show, et fait bouger le public, qui le lui rend bien.
Le set début à 19 heures précises, et contient huit titres aux sonorités variées. D’entrée de jeu, c’est la qualité de la balance qui frappe, avec un équilibre très agréable quelle que soit la position choisie sous le chapiteau du Cabaret Sauvage. Certes, la formation ne comporte que trois musiciens, ce qui facilite le travail du sondier, mais tout de même, un tel rendu est devenu très rare !
Les compositions blues rock sentent le Texas et le bitume à plein nez, et s’appuient sur de solides fondations qui reposent sur une basse groovy à souhait et une batterie carrée et pleine de nuance. Le frontman James Jared Nichols est bien sûr extrêmement mis en avant et mène sa troupe à la baguette, avec une facilité déconcertante. Il dégage une vraie aura rock’n’roll, et impressionne par son jeu fluide et débridé, tantôt au médiator, tantôt aux doigts. Il faut le voir dérouler des plans ravageurs en chicken-picking, dans une transe communicative !
Seule fausse note du set, les chœurs du bassiste reste trop en retrait et un peu trop bruts, mais il serait déplacé d’en tenir rigueur. Le public ne s’y trompe pas et acclame le groupe comme il le mérite, avec de véritables ovations entre le titres, et une participation massive pendant ceux-ci. Mention spéciale sur "Baby Can You Feel It", où l’échange avec le public est puissant et authentique : le chanteur en profite pour pousser sa voix, et nous rappeler le jeune Robert Plant, rien que ça.
En définitive, c’est un échauffement de choix que nous a proposé Jared James Nichols, qui a encore parcouru du chemin depuis sa prestation au Palais des Sports : le groupe arrive réellement à capturer et restituer l’énergie des groupes américains des années 60 comme le MC5 – un vent de fraîcheur sur le paysage musical actuel, avec de nombreux élément retro : quel cocktail détonnant !
Zakk Wylde
L’annonce avait surpris avant la tournée : si c’est Zakk Wylde en solo que les gens sont venus voir ce soir, c’est bien avec tous les membres de Black Label Society qu’il effectue la tournée. L’entrée de la salle ne trompe d’ailleurs pas à ce sujet, puisque le merch est exclusivement composé d’articles à l’effigie du combo.
Après une trentaine de minutes à patienter, et à se demander pourquoi des boîtes de préservatifs XXL sont posées sur les retours droit de la scène – le mystère reste toujours entier – la salle est plongée dans le noir, et Zakk Wylde entre sur scène, affublé de son chapeau noir. Le set débute sous les acclamations du public, avec "Sold My Soul", et un son malheureusement trop brouillon : la basse est baveuse et vient ronger sur tous les autres instrument, si bien que même la guitare de Wylde est inaudible en dehors des solos… un comble ! Le solo arrive et part dans tous les sens, voyant le chapeau voler, la guitare de Zakk passer derrière sa tête, et être jouée du bout des dents : le décor est planté d’emblée.
Rapidement, le reproche récurrent de la soirée apparait. Si les morceaux du Book Of Shadows II fonctionnent sur le disque, c’est par leur ambiance intimste, feutrée, et le fait qu’elles constituent une véritable mise à nu du guitariste viril. Dans cette configuration, les morceaux perdent donc de leur profondeur, et semblent jouer la carte de la facilité, tout en se ressemblant beaucoup trop, la faute à des arrangements pour groupe trop linéaires. On regrette particulièrement de ne pas avoir vu Zakk Wylde passer quelques morceaux seul en scène, guitare acoustique à la main, dans une ambiance plus proche du showcase. Même le morceau qu’il interprête seul au piano, "The King", est gâché par des nappes graves et sourdes qui viennent retirer tout le charme des mélodies.
L’un des moments forts de la soirée, et un des rares où la magie a vraiment opéré, c’est justement lorsque Zakk se saisit de sa guitare électro-acoustique sur "Dead As Yesterday", et pousse sa voix dans un registre moins grave qu’à l’accoutumée : difficile alors de ne pas ressentir des frissons, et le public le confirme avec une réaction très conséquente.
Quelques éléments sont très plaisants pour leur part, comme l’utilisation de l’harmonica sur "Between Heaven And Hell", qui donne toujours ce petit côté Neil Young imparable, d’autant que l’intéressé maîtrise le petit instrument, et se lance dans un solo plus que réussi. Au rang des influences inattendues pointe le solo de "Autumn Changes", complètement revisité à l’occasion du passage à l’électrique, et qui ne peut que rappeler Brian May.
Globalement, le concert semble trop calme, mais est bien sûr ponctué de quelques moment forts, comme cette descente du frontman dans le pit pour un solo sans aucune limite. Sans aucune limite temporelle d’ailleurs, malheureusement, puisqu’après un premier passage joué sur scène, et un second dans le côté droit du pit, il faudra patienter le temps d’un dernier volet côté jardin. C’est le prix à payer quand on veut l‘équité entre tous les spectateurs ! Ce solo au milieu de la foule est en tout cas une belle image, et dénote une certaine proximité avec les fans, tout en compensant un manque de communication entre les morceaux.
Mais quand Zakk parle, il le fait bien et non sans humour : s’il aura fallu attendre le dernier titre et premier single de Book Of Shadows II, "Sleeping Dogs", pour l’entendre adresser plus de cinq mots au public, le discours en vaudra la chandelle ! A la manière d'un maître de cérémonie de catch, il présente ses musiciens, vantant leurs carrures d'armoires, les douze (!) abdominaux de son guitariste, et on en passe. Ce moment de dérision apporte une touche de second degré, et tout le monde apprécie !
Concert assez décevant au final, tant l'identité forte du dernier opus de Zakk Wylde y est dénaturée par la transposition vers le format groupe : les morceaux perdent au passage en intérêt et paraissent par moments tristement insipides. Mais l'ambiance générale et la claque technique assénée par les solos du maître de l'harmonique artificielle rattrapent cette déception et rendent la soirée agréable malgré tout. Tout de même, à quand un concert seul en scène avec guitare acoustique et piano, comme les Américains ont eu la chance d'en avoir il y a quelque temps ?
Setlist :
Sold My Soul
Tears of December
Lay Me Down
Road Back Home
Autumn Changes
Yesterday's Tears
Between Heaven and Hell
Darkest Hour
Throwin' It All Away
Dead as Yesterday
Eyes of Burden
Way Beyond Empty
The King
Lost Prayer
Sleeping Dogs
Photographies : © Nidhal Marzouk 2016
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