Mike Portnoy n'est plus le batteur de Dream Theater et ceci n'est désormais un scoop pour personne. Il n'est plus, non plus, dans le groupe Avenged Sevenfold, mais cela est déjà bien moins important... Non, le crazy drummer américain ne reste pas inactif, bien au contraire, multipliant les projets en cours et à venir. Les deux premiers albums de ses deux nouveaux groupes sortent ainsi ce mois-ci: l'éponyme de Flying Colors le 23 mars prochain et Omertà d'Adrenaline Mob ce lundi 12 mars. Deux projets bien différents sur lesquels Mike revient lors d'une entrevue téléphonique donné à La Grosse Radio.
Ju de Melon : Tout d'abord merci de répondre à nos questions Mike. Dis-moi, quelles sont tes occupations musicales en ce moment en dehors de la promo pour Flying Colors et Adrenaline Mob ?
Mike Portnoy : C'est difficile car en ce moment même jamais je n'ai autant été occupé par la promotion, c'est certainement la première fois que je dois ainsi parler aux journalistes de deux albums à la fois et c'est assez prenant niveau temps. Mais en parallèle je travaille sur d'autres choses, je finalise par exemple le Drum Cam DVD des deux albums, je me prépare également pour un gros show qui aura lieu le mois prochain aux Etats-Unis : le Metal Master 3 qui se tiendra le 12 avril avec entre autres Kerry King, Dave Lombardo, David Ellefson, Charlie Benante et Francky Bello. Ensuite, deux jours après ce show, je pars au Brésil pour jouer avec Fates Warning et ce sera le début d'une nouvelle aventure. Bref, je dois jongler entre plusieurs projets, comme toujours, mais c'est ainsi que j'aime vivre ma musique.
Commençons par Flying Colors, un super projet créé par Steve Morse, Neil Morse, David LaRue, Casey McPherson et donc toi. Quand et comment est née cette idée ?
C'est une idée de Bill Evans qui date d'il y a quelques années désormais. Il avait envie de réunir les deux compères Morse avec moi derrière les fûts, une grande partie du line-up est née dans son esprit. Ce fut long en mettre en place par rapport à nos emplois du temps, mais nous y sommes enfin parvenus en janvier de l'année dernière. Ensuite Steve et Neil ont recruté David LaRue à la basse et j'ai ramené Casey McPherson pour le chant.
Pourquoi ce nom ? Peut-être un lien avec l'arc-en-ciel qui apparait après l'orage ? (référénce à "The Storm" sur l'album)
Pourquoi ce nom ou pourquoi pas un autre (rires) ? Tu sais c'est toujours ce qu'il y a de plus difficile : trouver un nom à un nouveau groupe. Cela est même plus dur que de créer sa musique. Je crois qu'ici on a hésité entre une douzaine de noms, et notre producteur Peter Collins a trouvé que cette idée de Flying Colors serait pas trop mal en écoutant la chanson "The Storm". Au final, nous étions chacun d'accord sur ce nom, nous avons de suite aimé et donc opté pour ce choix.
On apprend en lisant la bio que l'album a été écrit en 9 jours, cela parait plutôt irréel...
Alors que l'enregistrement a duré des mois (rires) ! Irréel oui et non, c'est ce qui se passe quand des musiciens concentrés et talentueux travaillent parfaitement ensemble dans une excellente atmosphère, du coup les choses vont plus vite et de manière très fluide.
As-tu personnellement écrit quelques chansons sur cet opus ?
Pas exactement, disons qu'on a vraiment écrit ensemble en se concertant pendant une bonne semaine et demie. Evidemment il y a quelques titres qui ont été composés en amont et proposé par certains membres, mais on les a bien retravaillés ensemble avant d'être certains du résultat final. D'autres morceaux sont par contre nés de cette concertation commune. Au final, il n'y a pas un seul titre de l'album qui n'a pas été passé en revu par le groupe dans son ensemble.
Comment ça s'est passé au niveau des paroles ?
Pour cette partie ce sont surtout Casey et Neil qui ont longuement travaillé ensemble. Une nouvelle expérience pour eux qui d'habitude travaillent leurs textes individuellement.
Quel serait le morceau que tu préfères sur cet opus et pour quelles raisons ?
Je ne pense pas en avoir un en particulier, en fait je n'ai jamais eu de morceau préféré dans chacun des albums sur lequel j'ai pu jouer et collaborer. Je suis toujours très attaché à ce que je fais, tous les morceaux sans exception, et j'essaye en tant qu'artiste et musicien de ne pas trop choisir. Sur cet album, il y a plusieurs atmosphères, chaque chanson a son histoire et sa tonalité, cela va de la pop au prog en passant par le rock alternatif ou même le hard rock. Je ne veux pas donc réduire Flying Colors à un titre en particulier, surtout que ça peut changer au jour le jour.
Un mot sur la chanson finale, "Infinite Fire". Etait-elle destinée à durer ainsi 12 minutes ?
En fait c'est la première chanson qui a été travaillée avant même que le groupe ne se forme vraiment, elle a été écrite par Steve et Neil. La base était déjà là quand nous nous sommes réunis et c'est de là que nous avons commencé le travail commun. Un morceau typiquement progressif comme Neil Morse sait les composer, ensuite Casey a apporté sa patte et on l'a un peu faite évoluer vers une autre direction mais elle garde cette longueur assez caractéristique du style.
Tu chantes aussi sur cet album puisque tu es la voix principale du morceau "Fool in My Heart". Un moment de plaisir pour toi de te lâcher ainsi tout seul ?
Je ne pense pas que "plaisir" soit le mot, je dirais plutôt "pression" (rires) ! Certes j'ai déjà chanté dans Dream Theater, quelques back vocals et harmonies, j'ai aussi donné de la voix pour Transatlantic, mais là c'était assez effrayant. C'est une idée de Neil en fait, il m'a présenté la chanson en me disant qu'elle était faite pour que je la chante... il voulait que ce soit une sorte de "With a Little Help from My Friends" chantée par Ringo Starr des Beatles. Il m'a tellement encouragé à la faire que j'ai finalement trouvé l'énergie et l'envie nécessaire, sans ça je ne pense pas que j'aurais choisi moi-même d'aller au bout.
On pourrait rester des heures à parler des influences... Si cet album devait être un hommage à certains artistes ou groupes qui vous ont marqué, qui citerais-tu ?
C'est un peu comme si on prenait Queen et The Beatles pour les mélanger avec Coldplay, Muse et les Foo Fighters. Ensuite tu saupoudres le tout avec du Yes et du Kansas, pour au final obtenir ce beau melting pot qu'est Flying Colors.
Quelques mots sur le chant de Casey McPherson, comment le qualifierais-tu personnellement ?
Un chant très moderne qui serait à mi-chemin entre Chris Martin (Coldplay) et Matthew Bellamy (Muse), on pourrait aussi rajouter Thom Yorke de Radiohead et on a un peu son univers musical personnel dans ces influences.
Est-ce que des dates live et une tournée mondiale est prévue avec Flying Colors ?
Franchement oui, je l'espère de tout coeur et c'est ce que nous souhaitons. Il faut juste réussir à bien aligner nos emplois du temps, ce sera le plus difficile, pour le reste on a déjà quelques contacts et des promoteurs prêts à nous aider. ca se fera, mais quand je ne sais pas encore...
Une tournée avec Adrenaline Mob ce serait amusant non ? Mais tu serais fatigué chaque soir ! (rires)
Oh je ne pense pas que ça poserait un problème, j'ai déjà fait ça avant avec Dream Theater et Transatlantic entre autres.
Y aura-t-il une suite un jour ou vous ne vous posez pas cette question encore ?
Il y aura une suite, ça aussi c'est certain. Et on a déjà hâte que cela se fasse.
Passons à Adrenaline Mob, l'album Omertá sort très bientôt après un EP paru l'an passé. Que peut-on en attendre ?
Du gros heavy metal mais pas seulement, il y a deux ballades sur cet opus ce qui rajoute une certaine variété au résultat final. Par contre, ceux qui auront écouté Flying Colors avant seront surpris, car il est totalement différent dans son approche. Et tant mieux car il est important que les gens puissent entendre différents aspects de ma personnalité musicale... J'aime tellement de styles très différents que cela me permet de jouer avec tous ces éléments. Je suis rendu à un point de ma carrière où je ne veux me fixer aucune limite, je veux exploiter tous mes horizons musicaux et y exercer mon jeu. Adrenaline Mob représente le côté "metal" de Mike Portnoy, j'ai grandi en écoutant des groupes comme Black Sabbath, Iron Maiden, Judas Priest, Van Halen et ensuite j'ai évolué vers les Pantera, Black Label Society ou Stone Sour : voici un peu ce que représente ce groupe en quelque sorte.
Tu viens de parler de ton côté metal, je sais aussi que tu n'as rien contre la musique plus extrême... est-ce qu'un jour on pourrait retrouver Mike Portnoy dans un groupe de death par exemple ?
Oui, pourquoi pas après tout ! Tu sais, j'ai un ami qui fait de la bonne musique dans ce style : Mikael Åkerfeldt du groupe Opeth. J'ai toujours voulu faire un truc avec lui un jour et c'est toujours dans mes projets personnels.
S'il revient au metal... c'est pas gagné vu ses dernières déclarations et son dernier album !
Franchement je ne sais pas, à mon avis il y reviendra. En ce moment il explore d'autres horizons mais je pense qu'un jour il réécrira quelque chose dans un style plus metal.
Revenons à Adrenaline Mob. Paul Di Leo et Rich Ward ont participé à l'enregistrement de cet album mais ne sont désormais plus dans la groupe, pourquoi ce changement soudain ?
Le problème était surtout au niveau des emplois du temps de chacun. On a adoré travailler avec Rich et Paul sur cette tournée l'an passé, mais ils sont déjà pris dans d'autres groupes à l'actualité riche. Rich est dans Fozzy, son groupe avec Chris Jericho, et ceci restera une priorité pour lui. Quant à Paul, il joue aussi avec Fozzy mais il est également très occupé en tournée avec Nena, autant d'obstacles qui rendaient leur présence dans Adrenaline Mob impossible. Nous avons besoin de personnes qui peuvent se donner à fond dans le groupe, tout simplement à cause de la tournée à venir.
Beaucoup présentent Adrenaline Mob comme un véritable hommage à Black Sabbath, est-ce que ça va plus loin en ce qui te concerne ?
Oh mon dieu oui ! Bien sûr que nous avons des influences Black Sabbath, nous avons même repris "The Mob Rules" sur l'EP, mais cela va plus loin. Il suffit d'écouter l'album, des morceaux comme "Hit the Wall" ou "Angel Sky" n'auraient jamais pu figurer sur un album de Black Sabbath, elles sont très mélodiques. Pour moi cet opus est entre hard rock et metal direct avec plusieurs influences.
As-tu composé quelques morceaux sur l'album ?
Non, les morceaux sont globalement chapeautés par Mike Orlando et Russell Allen et ils l'étaient presque tous avant même qu'ils ne me contactent, cela fait bien deux ans qu'ils travaillent ensemble dessus d'ailleurs.
Une tournée est-elle prévue en dehors des Etats-Unis ?
En mai nous jouons aux Etats-Unis mais dès juin/juillet nous allons venir en Europe pour quelques festivals estivaliers : le Sweden Rock, le Gods of Metal, le Grasspop... et j'en passe !
Un seul mot sur ton passé, un seul... Aujourd'hui, sans expliquer ce qui s'est passé car t'en as déjà parlé un peu partout, regrettes-tu de ne plus être dans Dream Theater ?
Je suis très satisfait de là où j'en suis aujourd'hui. En 2012, je fais plein de choses qui me permettent de m'épanouir vraiment musicalement, je n'ai absolument pas à me plaindre. J'ai 5 ou 6 projets en cours qui me rendent heureux, alors je ne veux même pas regarder derrière moi. Je préfère me concentrer sur le présent et l'avenir.
Est-ce que Liquid Tension Experiment fait partie du passé pour toi également ?
Pas forcément, j'aimerais vraiment beaucoup refaire des albums avec ce projet. J'adorerais retravailler dessus avec John Petrucci et Jordan Rudess, ce sont des personnes que j'apprécie beaucoup et ils me manquent. Maintenant c'est à eux de voir, la balle est dans leur camp. Pour être honnête je ne sais pas ce qu'ils en pensent, mais moi je suis totalement ouvert.
Ce serait bien que tu reprennes contact avec eux... le temps d'une tournée ou d'un concert commun avec Flying Colors par exemple ?
Non, je ne pense pas que ce genre de concert puisse avoir lieu.
Selon toi aujourd'hui quel est le batteur en activité qui t'impressionne le plus ?
Difficile de rester objectif là dessus... Mes préférés à vie restent Ringo Starr et Keith Moon, mais ce n'est pas une question de technique ici ni de performance pure. Après aujourd'hui, dans le monde du metal, un gars comme Chris Adler (Lamb of God) m'impresionne beaucoup... si on va chercher du côté plus rock et jazzy, j'opterais pour Gavin Harrison de Porcupine Tree. D'autres comme Zoltan Chaney me plaisent pas mal... En tout cas pour moi ce n'est pas une question de technique, de puissance ou de rapidité. Mes batteurs préférés ne sont pas forcément les meilleurs au monde, c'est plus sur leur côté charismatique et personnel que je vais les choisir.
Merci beaucoup pour cette entrevue Mike, as-tu quelques derniers mots à rajouter aux fans français ?
J'adore la France et les fans français ont toujours une place très importante dans mon coeur. J'ai vraiment très hâte de venir jouer chez vous avec mes deux projets, et même d'autres à venir. Je vous encourage vivement à découvrir ces deux albums afin que vous puissiez entendre les deux visages de Mike Portnoy, et vous pourrez ainsi vous rendre compte d'où il en est en 2012. Deux pièces maîtresses d'un immense puzzle musical.