Kill Devil Hill – Kill Devil Hill

Sortie prévue : 27 mars 2012

Il me faut le reconnaître, quand notre cher rédac’ chef Ju de Melon m’a proposé la chro de ce premier album éponyme de Kill Devil Hill, qui sort à la fin du mois chez SPV (distribution Season of Mist), je n’ai pas tout de suite sauté de joie. Pas encore remis du traumatisme du ‘split’ de Heaven and Hell peut-être, je ne pouvais me résoudre à imaginer une collaboration du puissant batteur Vinny Appice (dont le nom est à jamais inscrit dans l’Histoire comme « le » marteleur de fûts de Monsieur Ronnie James Dio - en solo sur ses albums les plus emblématiques et au sein du clan Sabbath…) à un autre projet, surtout après le semi-ratage que constituait le premier album de 9 Chambers sorti dans l’intervalle, auquel il avait également participé.


Pour ne rien gâcher, le concours de Rex Brown (ex-bassiste de Pantera et de Down) à ce qui serait alors un nouveau « supergroupe » (un de plus…), ainsi que la vue des premières photos promotionnelles n’étaient pas faites pour me rassurer : comment ne pas craindre en effet une réunion de « gros bras » braillards et aussi fins qu’un Mike Tyson en manque d’oreille confite, au service d’une musique plus lourdingue et graisseuse qu’un menu de chez ‘KFC’ ou un « fish n’ chips » à Plymouth de mauvaise mémoire ?

N’étant pourtant pas spécialement sectaire, je me plaisais simplement à penser qu’il y avait des choses qu’il valait mieux laisser en l’état, et qu’on ne pouvait pas ressusciter la grandeur d’un Pantera aujourd’hui enterré au Panthéon universel du « power-metal » à l’américaine, ni même l’impact initial d’un DamagePlan malheureusement avorté dans l’œuf avec l’assassinat du guitariste Dimebag Darrell dans les conditions que l’on sait…

Pour achever de me rassurer, on annonçait que le producteur Warren Riker (l’homme derrière les manettes de Down et de Corrosion of Conformity) serait également de la partie.

Bon, quand faut y aller, faut y aller…. Hé bien, croyez-le ou non, y’a que les cons qui ne changent jamais d’avis !! Et si comme le préconisait notre cher Audiard ils avaient été mis sur orbite, je n’en aurais point eu fini de tourner…

KILL DEVIL HILL band pic

Car les Kill Devil Hill ont dû avoir le même raisonnement et n’ont pas cherché à reproduire les schémas musicaux de leurs illustres prédécesseurs. De power-métal US il n’est nullement question ici, si ce n’est dans la production ENORME et "sur-heavy" de ce disque et les lignes de basse de Brown, cinglantes à souhait ! La formation, complétée par le brillant guitariste Mark Zavon (ex-guitariste ‘live’ chez RATT après avoir contribué au projet solo de Stephen Pearcy, puis futur-ex-guitariste ‘live’ de W.A.S.P. en 2006 après quelques essais non concluants) et l’« inconnu-au-bataillon » Jason ‘Dewey’ Bragg (également chanteur de Pissing Razors), a préféré taper dans un métal plus ‘old-school’ mais sonnant toujours très actuel et dynamique, conjugué à un hard rock tendance "stoner" et une dimension « grunge » des plus décapantes, auxquels on aurait rajouté une petite pincée de ‘doom’, le tout indéniablement drapé de la "bannière étoilée" amerloque.


D'une lourdeur au marteau-pillon (on retrouve enfin la frappe inégalable d'un Vinny Appice impérial!) puisant évidemment ses racines du côté de chez Black Sabbath, autant d'ailleurs celui d'Ozzy (la pesanteur de "Gates of Hell" ou d'un "Hangman") que de la période 'Dio' voire 'Martin' ("Rise from the Shadows", "Gates of Hell" encore...), nos gaillards finissent en définitive par réussir une fusion parfaite des trois ("We're All Gonna Die", "Time + Time Again"). Mais à une sauce moderne, tout en puisant dans des influences bien plus récentes...

En effet, en se servant également d'un soupçon de folie "glam" (mais burnée!) et surtout d'une bonne dose de désinvolture "grunge" (l'excellent numéro d'équilibriste du vaporeux "Hangman", ou encore ce sublime "Voodoo Doll" - renforcé qui plus est par de superbes envolées mélodiques dignes d'un Whitesnake et un "riffing" aussi expressif qu'un Led Zeppelin des temps modernes!), les Kill Devil Hill nous ressuscitent ni plus ni moins que la fin des 80's et plus encore la décennie 90 dans toute leur splendeur!
 

A ce titre, d'écouter la performance hallucinante au micro de Dew Bragg, sorte de synthèse parfaite entre les "Sabbathiens" précités,  la facette torturée du défunt Layne Staley (Alice in Chains), la nonchalance de 'wanker' d'un Eddie Vedder (Pearl Jam), et la gouaille maniérée (en moins extravertie, quand même!) du Skid Row ou des essais solos de Sebastian Bach  - enfin, quand ce dernier, véritable spectre musical sur pattes, ne s'envole pas dans les "hauteurs"!!... -, l'auditeur en viendrait presque à se prendre pour le témoin anachronique de la voix qui aurait sommé à Lazare de se lever, tant on ne s'attendait plus en 2012 à voir ressurgir d'entre les morts le fantôme d'autant de styles qu'on croyait aujourd'hui enterrés et même déjà déféqués par les vers!

Et pourtant l'ensemble ne sonne nullement décrépit, il y a au contraire là-dessous comme une posture vindicative sans avoir l'air d'y toucher, et des contours plus malsains qu'il n'y paraît dans ce 'heavy' aux relents "boueux" quand même, pas si éloigné finalement des racines de l'Amérique profonde d'un Down... Même si les Kill Devil Hill n'ont jamais recours aux mêmes artifices qu'Anselmo & co (qui a dit "sous-accordage"?!) - c'est tout juste si Dew se risque à quelques petites vociférations 'clin d'oeil' heureusement furtives et toujours bien senties...
 


 


Seule petite parenthèse pour respirer un peu au milieu de ce délicieux "coupe-gorge" musical, ce "Mysterious Ways" acoustique aux accents 'folk' et sudistes qui rappellent dans le travail vocal et les harmonies les douceurs d'un Aerosmith, ou les pièces épurées et "baba-coolisantes" de Led Zeppelin (pour les connaisseurs...), tandis que le dernier (et bien mal-nommé) titre "Revenge" déteint un peu de par ses sonorités trop délibérément "modernes" cette fois, qui passent un peu à côté du sujet pour le coup.

On ne souhaite donc aux Kill Devil Hill aujourd’hui que de prendre leur envol (leur nom faisant référence à une localité de Caroline du Nord où eut lieu plusieurs vols des frères Wright … - bon, pour l’anecdote il faut savoir que ‘kill-devil’ était aussi un nom que l’on donnait au rhum de Jamaïque!), mais nul doute que l’entreprise ne sera pas périlleuse et que ces ‘décapeurs’ de haute voltige n’ont pas franchement besoin d’un plan de navigation… On attendra juste du prochain escadron peut-être davantage de 'hits' plus expéditifs à Mach 3 de la trempe du 'speedé' "War Machine" introducteur ou de "Old Man", car il ne faudrait pas qu’à peine le ‘Rafale’ lancé l’équipage n’enclenche le « pilotage automatique » de "Y’a-t-il un pilote dans l’avion ?"… Mais ce n’est là qu’un petit bémol somme toute dérisoire au regard de la très haute tenue de cet album.

Au final, une bonne droite à la face de ceux qui pensaient que le futur du métal US passait forcément par des Lamb of God, Trivium et autres Killswitch Engage ou que sais-je encore…

La bande-son de ce début d’année, rien de moins.


LeBoucherSlave

8,5/10

 

KILL DEVIL HILL - band promo pic


KILL DEVIL HILL  band logo

 
 

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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