Jörg Michael au charbon pour Devil's Train
Alors que le tout premier album de Devil's Train est sorti, Jörg Michael nous a accordé cette interview pour défendre son groupe. Entre deux références à ses idoles, le batteur allemand parle du but du groupe, de ses retrouvailles avec Jari Kainulainen et revient sur son récent départ de Stratovarius, groupe pour lequel il a tenu les baguettes pendant 16 ans.
Vyuuse : Bonjour Jörg et merci d’accorder cette interview à La Grosse Radio. Tu as récemment rejoint The Devil’s Train, qui vient de sortir son premier album. Comment s’est formé le groupe ?
Jörg : Tout vient du chanteur RD Liapakis, il y a quelques années. Après avoir contacté le guitariste Laki Ragazas, il m’a approché. C’était quand j’étais encore dans Stratovarius, quand Mystic Prophecy a fait notre première partie en 2009/2010, lors de la tournée de Polaris. A l’époque il parlait d’un "projet rock n’roll". Ca m’a tout de suite plu, parce que j’ai fait pas mal de rock n’roll avant, même si peu le savent. Il se souvenait quand je jouais dans Laos et House Of Spirits et ce genre de trucs. Je ne fais pas que du power-metal à double-pédale comme Stratovarius ! Quand on a avancé avec le groupe, avec les chansons composées et mes parties de batterie posées, c’est progressivement devenu un groupe à part entière.
D’où vient le nom du groupe ?
Il vient du diable ! On ne s’est pas trop creusé la tête pour le nom. Comme c’était devenu un groupe à part entière, on ne pouvait pas l’appeler "album solo de Liapakis" ! C’est comme ça que c’est sorti. On ne veut pas réinventer le rock n’roll, ni apporter un message philosophique ou intellectuel. On fait juste du rock n’roll, on remonte le temps jusque là où on a commencé, on s’amuse, on a tout produit nous-mêmes. On voulait quelque chose de fun, et aussi de cliché, et le nom "Devil’s Train" contient tout cela. Je me souviens que Liapakis n’était pas très sûr du nom à prendre, il m’a envoyé un mail avec ces 4-5 possibilités de nom sans être très convaincu. Je lui ai dit que la première proposition était celle qu’il fallait ! Quand on pense à des titres de chansons comme "Room 66/64" ou "Roll The Dice", c’est Devil’s Train ! Tu ne peux pas trouver de meilleur nom ! En plus j’avais déjà l’idée de la pochette en tête, avec le train qui arrive vers toi. Alors je lui ai dit "pourquoi on perd du temps à parler de ça, on prend des bières et on attaque ça !" Voilà comment est venu le nom du groupe.
Parlant de la pochette, c’est donc vous qui l’avez créée ? Y a-t-il un sens derrière ?
L’idée vient de nous, mais nous ne l’avons pas dessinée nous-mêmes. Sinon, comme le projet en lui-même, c’est un voyage dans le temps où on revient vers nos racines, on conduit le train, et on donne le ticket aux fans pour qu’ils nous accompagnent. C’est un peu un moyen de vivre notre rêve. Après d’autres idées viennent se greffer sur la pochette, comme les strip-teaseuses. Après, les cornes du diable viennent naturellement dans le design. Tous ces détails viennent de nous, mais pas la réalisation.
Ca faisait sept ans que tu n’avais pas travaillé avec Jari Kainulainen après son départ de Stratovarius. Qu’est-ce que ça fait de revenir ensemble ?
Ca a fait beaucoup de bien. Quand on s’était séparés de Jari, c’était une décision de M. Tolkki (ex-leader de Stratovarius), mais c’est vrai que le groupe n’était pas très content de lui. Je ne pense pas que cela a été fait au bon moment et de la bonne manière, mais en même temps je comprends. Il arrivait qu’il m’énerve, à cause de son manque d’implication au sein du groupe. Mais ensuite, il m’arrivait de le rencontrer en tournée, comme je suis aussi tour manager pour d’autres groupes, on l’a revu avec Stratovarius, quand il jouait avec Evergrey, et c’était différent. Il est plus mûr maintenant, il est père de famille. Après avoir fini mes parties de batterie pour l’album, et après avoir mis la guitare, je me suis dit que la musique qu’on faisait avait besoin d’un vrai bon bassiste. C’est un instrument très sous-estimé dans la musique en général, parce qu’on le ressent plus qu’on ne l’entend. Liapakis ne s’en inquiétait pas beaucoup au début, mais après avoir fait quelques essais, il m’a rappelé en me disant que ça coinçait avec les bassistes. Je lui ai dit que le seul gars qui pouvait le faire comme je le voulais, c’était Jari. Je pense honnêtement qu’il est le meilleur bassiste de metal et de rock n’roll du monde. Je ne dis pas ça parce qu’il joue avec nous en ce moment, je l’ai toujours pensé. Il y a des musiciens, comme Lauri Porra (Stratovarius) et Jens Becker (Grave Digger) qui sont capable de varier les genres. Mais, pour ce genre de musique, Jari est un génie. Quand on l’a appelé, il était très enthousiaste, et quand on a joué avec lui, les autres gars du groupe l’ont adoré, et depuis il est resté.
Est-ce que Devil’s Train a un rapport avec ton départ de Stratovarius ?
Non. C’est une coïncidence que tout ça tombe au même moment, mais, ça n’a rien à voir. Les raisons étaient personnelles. Je ne veux pas non plus en faire trop sur ce départ. Je suis toujours ami avec Timo Kotipelto et Jens Johansson, on travaille toujours ensemble, même sur Stratovarius, sur le management, le booking et plusieurs aspects logistiques. Un entraineur de football allemand a dit « Il faut onze amis sur le terrain pour gagner un championnat ». Je pense que tu n’atteins jamais les onze amis sur toute une vie. Et quand je dis que ce sont des amis, c’est que c’est une relation très forte qui s’est développée pendant seize ans. Si tout ceci est fait pour rester, ce sont d’autres choses qui m’ont donné envie d’arrêter d’être dans Stratovarius. Je veux m’arrêter au bon moment. C’est un point très important pour moi, que je me suis fixé quand j’ai commencé ma carrière de musicien professionnel.
Intéressons-nous plus à l’album maintenant. Vu que la musique est très différente des groupes dont vous venez, est-ce que vous avez travaillé différemment ?
Maintenant que j’y pense, c’est vrai que nous avons travaillé différemment ! On n’a pas beaucoup répété avant d’entrer en studio, pour mieux rendre l’effet de spontanéité. Ca manque donc d’un peu de soin au niveau technique, mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus important pour ce genre de musique. Ce n’est pas comme un album de thrash, où la technique est très importante pour l’interprétation des chansons. Ici, c’est le feeling qui prévaut. On a aussi adopté des son plus "trashy". Par exemple, j’utilise des cymbales cassées sur cet album. Comme ça, je sonne comme si je jouais dans une espèce de bidonville en Amérique. Je suis aussi accordé différemment, bien que je joue avec la même configuration de batterie. Et cela s’applique à tout le groupe. Le son de guitare a par exemple été pensé spécialement pour Devil’s Train. Si Laki a un grand talent de guitariste, c’est Liapakis qui a pensé le son de guitare. Malgré notre identité rock n’roll, l’accordage est bas, et il y a toujours des éléments de metal dans le son, surtout celui des années 80, qui sont nos racines. Tout ceci a été pensé dans le but de servir le groupe.
Comment définirais-tu la musique de Devil’s Train ?
J’appelle ça du "blues n’metal" ! On combine les influences des années 60, avec des groupes comme Led Zeppelin, Deep Purple, et The Who. Mais il y a aussi des influences de Judas Priest qui font ce qu’est cet album. Il y a aussi des influences de metal plus moderne dans le son et la production. Cet album est donc la somme de toutes ces époques.
Y a-t-il d’autres groupes qui ont influencé cet album ?
Il y a Hendrix, The Who, Deep Purple, surtout l’album In Rock, que je considère comme le tout premier album de metal. Il y a aussi une petite touche allemande avec Scorpions. On a aussi le côté boogie-woogie de Thin Lizzy. Terry Reed nous a aussi influencés. Il n’est pas très connu, mais sans lui, les Beatles n’auraient peut-être jamais existé. Il y a donc cette époque, mais aussi tout ce metal anglais qui nous a tous influencés, comme les premiers disques d’Iron Maiden, des chef d’œuvre de l’histoire du rock. Il y a aussi Screaming For Vengeance de Judas Priest, Ace Of Spades de Motörhead. Je ne dois pas non plus oublier que l’ombre d’AC/DC plane au dessus de l’album. On joue peut-être plus vite, plus dur, mais AC/DC a toujours quelque chose à voir quand on parle de rock.
Est-ce que le côté américain de l’album est voulu ?
(rires) C’est drôle, on parlait à l’instant de groupes anglais pour la plupart, alors que, c’est vrai, on a un album qui rappelle les Etats-Unis. Je ne sais pas d’où ça vient, mais je ressens ce feeling américain aussi. Les américains jouent du rock n’roll beaucoup plus facilement, et c’est bien plus normal d’être musicien aux Etats-Unis par rapport à l’Europe. C’est beaucoup mieux vu par les gens en général. Mais je n’arrive pas à voir d’où vient cette influence américaine, vu que le gros de nos influences est en Angleterre. Peut-être parce qu’on a un côté pop qui se rapproche de groupes comme 3 Doors Down. L’image redneck vient aussi de là-bas.
Peux-tu nous parler de votre reprise d’American Woman ? Qu’est-ce qui vous a motivés à l’enregistrer ?
Avant tout, c’est parce qu’on aime cette chanson. Cela semble normal de ne pas reprendre une chanson qu’on n’aime pas ! (rires) C’est un peu comme un voyage dans le temps. L’originale, faite par Guess Who (et non Lenny Kravitz), a ce côté très hippy blues. Krokus l’ont reprise dans les années 80, avec une version plus metal, et Lenny Kravitz en a fait une chanson plus pop et accrocheuse. Et maintenant c’est à notre tour de la reprendre, avec notre gros son. C’est donc notre manière d’interpréter la chanson en 2012, on aime bien l’idée d’une chanson qui traverse les époques.
Comment s’est passé le tournage du clip de cette chanson ?
Le clip, malgré son aspect américain, a été tourné en Grèce, dans les environs d’Athènes. On avait pas mal d’amis là-bas, vu que deux membres du groupes sont grecs. On avait pas un gros budget pour cette vidéo. Tous ceux qui s’y trouvent sont des amis, les filles comme le gang de motards. Le réalisateur est aussi un ami du groupe, et l’a fait pour presque trois fois rien. Le clip est aussi une sorte de trailer. Il présente le groupe au public, et attire l’attention vers nous. Il faut dire que les gens connaissent, en principe, mieux la chanson que le groupe. C’est aussi une idée de notre label, Ear Music, de mettre en avant cette reprise. Au début, nous étions un peu réticents, on voulait présenter notre musique avec notre propre son. Le label a pensé que cette chanson était notre son, et ne ressemblait à aucun autre groupe. On est finalement tombés d’accord. Cette vidéo a été faite à côté du vrai clip de l’album, "Sweet Devil’s Kiss", qui a capté le plus gros de notre attention.
Peux-tu nous parler des paroles de l’album ?
Le message du groupe n’a rien de profond et d’intellectuel. C’est juste du rock n’roll. Le but premier est que les paroles sonnent bien. Pense à AC/DC, "Giving The Dog A Bone" (il mime une fellation), le titre est répété huit fois, le message n’est pas si important, mais ça sonne bien ! On y met aussi quelques anecdotes drôles, comme la première visite de Liapakis dans un bordel, et ce qu’il a ressenti quand il en est sorti. Il y a aussi "Coming Home", qui parle du retour d’un soldat chez lui. On n’a plus de guerre en France ou en Allemagne, mais pense quand même au sentiment que cela peut procurer de rentrer au bercail. C’est une des chansons sérieuses, comme "The Answer", dans laquelle on se demande pourquoi on existe, ce qu’on fait là. Mais le principal message de ce groupe, c’est qu’après une longue journée de boulot, tu rentres chez toi et tu veux oublier tout ça un moment, tu mets Devil’s Train, tu prends ton ticket et tu t’amuses pendant une heure ou deux. C’est simple, c’est facile, mais on a aussi besoin de ça. Si j’avais quelque chose de vraiment important à dire, j’écrirais un livre.
Qu’en est-il d’une éventuelle tournée ?
Rien n’est prévu pour le moment. Le disque vient de sortir. On adorerait jouer nos chansons en concert, sachant qu’on a un vrai bon album, avec des chansons qui rendraient très bien sur scène. Mais il faut d’abord dire au monde qu’on existe, et c’est à ça que servent les interviews qu’on est en train de faire. Mais on compte bien jouer nos chansons sur scène, le rock n’roll est fait pour être joué en live, sinon on est comme un enfant handicapé.
Un dernier mot pour les fans français ?
Je dirai aux fans de ne pas s’arrêter au fait que je joue autre chose que du Stratovarius, mais donner une chance a cet album, qui risque de leur botter le train ! J’en suis sur à 100%, même si c’est pas le metal épique qu’ils ont l’habitude d’entendre. Alors préparez-vous à ça, et j’espère vous voir tous si on passe à Paris.