Heliantha – Manea

Offrir une première œuvre à un public n'est souvent pas chose aisée, et c'est souvent là-dessus qu'un groupe sera jugé. En provenance de Lille, les français d'Heliantha, après quelques perturbations dans le line-up (départ de la précédente chanteuse, remplacée par Audrey, puis du membre fondateur/claviériste Jérôme), nous livrent une demo composée de 3 titres, comme première mise en bouche.

Dès les premiers instants de l'écoute, les choses se gâtent et ne nous laissent pas un goût particulièrement plaisant. Pire, c'est à la fois la déception et la frustration qui arrivent à notre oreille. Ce mélange plutôt amer est le résultat de plusieurs éléments qui fusionnent et pénalisent lourdement Heliantha, et l'un de ces problèmes majeurs est si flagrant qu'il va falloir le corriger le plus rapidement possible : la production, beaucoup trop faible. Le son est bien trop amateur, et le mixage sur la batterie à la limite du catastrophique (insupportable sur « Deceitful Memories »). Du coup, on se retrouve en face d'un marasme assez dégoûtant qui ne permet nullement aux français de mettre en valeur les différents ingrédients présents dans leurs morceaux. La formation est jeune et acquérir un son décent n'est pas toujours chose aisée, mais dans le cas présent, c'est une bouillie inaudible qui, dans un style comme le metal symphonique, fait énormément de mal. C'est dommage, car sur le fond musical, il y a quelque chose.

Les compositions tirent, elles, vers le progressif, ce qui se ressent par les nombreuses cassures, variations dans la rythmique. Ces influences prog' sont très loin d'être inintéressantes, donnant ainsi une certaine modulation et une aération de bon aloi à des titres qui, par leur structure, évitent ainsi la linéarité et l'auto-pompage. Par contre, ce côté n'est pas encore complètement maîtrisé, dans le sens où Heliantha se prend dans son propre piège, en nous livrant des morceaux qui, s'ils sont structurellement plutôt recherchés, manquent encore cruellement de ce point d'orgue qui permettrait à l'ensemble de prendre une nouvelle tournure et de décoller. On ne peut que constater une certaine maîtrise mais qui ne s'accompagnera jamais d'une certaine admiration, voir même, et cela est dur à dire, de plaisir. Il est vrai que la production n'y aide en rien, mais les pistes sont trop froides et dénuées d'une quelconque émotion. Pourtant, quelques sympathiques effets jonchent les titres (que ce soit un piano qui instaure une certaine ambiance sur « Demented Insanity » ou l'apparition d'une guitare sèche sur « Deceitful Memories »), mais ces derniers sont utilisés avec encore trop de parcimonie pour que la démarche soit pleinement convaincante. A l'avenir, les lillois pourraient retravailler ces points-là afin d'ajouter un peu plus d'épices et de saveurs à leur musique, qui n'a encore pas la maturité nécessaire pour se démarquer.

Cependant, Manea est plutôt délesté des influences qui peuvent être un point gênant pour des formations qui débutent. Bien sûr, on identifiera une ombre des vieux Nightwish par-ci par-là, un léger côté lorgnant sur Epica, mais rien de très grave. Sans aller jusqu'à dire qu'Heliantha fait preuve d'une réelle personnalité, ils ont au moins le bon goût et le mérite de ne pas proposer quelque chose d'entièrement pompé sur les grands noms du genre pour se concentrer sur une écriture somme toute plus personnelle, même si ne sortant pas encore vraiment des sentiers battus du metal symphonique/progressif. Là est encore tout le challenge d'un sextet qui semble être sur la bonne voie. Seulement, il va encore falloir travailler sur les titres car outre le manque d'accroche flagrant, les refrains sont pauvres. Manquant d'envolées, ces parties méritent d'être plus creusées et, ainsi, faire décoller l'ensemble. C'est réellement le point qu'il manque à Heliantha pour se parfaire dans son art.

Heliantha

Un autre point qui aura du mal à convaincre, c'est le chant lyrique d'Audrey. Si le timbre n'est pas désagréable, la jeune femme peinera à satisfaire, du fait d'une voix encore trop hésitante et n'étant pas vraiment à l'aise lors des montées, ou au contraire lorsqu'il s'agit d'explorer des tonalités plus graves. Et comme elle s'y aventure peu, cela jouera en même temps en son avantage, mais se tournera encore en défaut rédhibitoire. Les lignes de chant cantonnent la chanteuse dans un domaine qu'elle maîtrise, certes, mais le manque de modulations dans la voix de la frontwoman ne permet pas de conférer l'intensité voulue, ni même quelques émotions. Là où la musique en est encore trop souvent dénuée, la voix aurait pu en apporter mais, malheureusement, ce n'est pas encore tout à fait ça, pénalisant davantage cette demo plutôt que de la tirer vers le haut, malgré un potentiel réel dans la voix de la chanteuse.

Ainsi nous parvient une odeur d'inachevé, là où pourtant, il y aurait eu quelque chose à dire. « Demented Insanity » est sans aucun doute la piste la plus aboutie et la plus construite de cette demo, et somme toute, on retrouve de belles choses, comme cette introduction qui nous plonge dans une ambiance intrigante, l'arrivée des guitares qui nous met immédiatement dans le bain, mais patatras, le rythme s'écroule, la mollesse s'installe et le chant, vacillant et fragile, n'aide pas à remonter le niveau. On sent malgré tout une certaine atmosphère, et un travail sur les harmonies, qui aurait du encore être poussé, ainsi que de donner un peu de majesté au refrain. « Deceitful Memories » et « Neverending Search », elles, souffrent vraiment de ce manque d'intérêt, s'enfermant encore un peu trop dans un style et ne se permettant pas d’extravagances. Pire, la confusion dans « Deceitful Memories » laisse pantois. Où le groupe voulait-il aller ? On ne sait pas trop au final … Alors que « Neverending Search » se veut mélodique à souhait en proposant une guitare au premier plan, qui délivre des lignes plutôt satisfaisantes, le tout manque encore d'une réelle consistance et les autres instruments sont éclipsés.

Le potentiel et les bonnes idées sont là, mais la réalisation est encore beaucoup trop laborieuse et confuse pour convaincre. Le groupe est encore très jeune et cela est un paramètre à prendre en compte, mais ce brûlot doit leur servir de point de repère, afin de ne plus commettre les mêmes erreurs par la suite pour ne pas s'empêtrer dans une médiocrité qui ne leur irait pas. Il y a quelque chose chez Heliantha et le combo est capable de bien faire, mais il faut mettre le pied à l'étrier et gagner en professionnalisme et en maturité, et, surtout, investir dans une production qui pourrait donner de la valeur aux compositions. La route sera peut-être longue, mais le résultat final peut en valoir la chandelle ! Courage à eux, bon travail et affaire à suivre !
 

NOTE DE L'AUTEUR : 5 / 10



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