Dans un genre comme le heavy metal, il est en ce moment difficile de se faire une place et de creuser son trou. Il faut souvent y arriver par le talent, ou par le petit truc qui fait que l'on se démarque du reste de la scène. Le heavy « à chanteuse » est à la mode en ce moment, mais on retrouve des groupes très talentueux qui méritent leur (début de) réputation (citons Crystal Viper, Sister Sin ou Shadowside). En France débarque Elvenstorm et son premier skeud du nom de Of Rage and War. Réussiront-ils à nous prouver leur valeur ?
Quand on fait du heavy metal, surtout en ce moment, il est difficile de s'attendre à quelque chose de particulièrement original, qui révolutionnerait le metal, et tout ce qui va avec … Et dans le cas de notre charmant petit combo français, l'originalité, on peut tout simplement s'asseoir dessus. Prenez un peu de Crystal Viper, de Running Wild, d'Helloween, mélangez le tout en gardant la sauce influences et vous obtenez un peu le somptueux mélange qui se retrouve tout au long de ce premier brûlot Of Rage and War, tout un programme. Le nom de l'opus en dit long sur ce qui va vous attendre lors de l'écoute, d'ailleurs, puisqu'évidemment, le heavy traditionnel est, dans le cas présent, un style respecté dans tous ses codes par Elvenstorm. Donc si, parfois, vous reconnaissez un petit air d'un tel ou tel illustre groupe ayant marqué le genre, petit travers qui apparaît chez de nombreuses formations, ce n'est pas forcément une tare. Le quatuor s'inspire de quelques modèles réputés dans le milieu, et des influences, ils tentent d'en tirer le meilleur.
Et le pari est globalement réussi. Le cocktail proposé par nos français est détonnant, sans pour autant être étonnant. Un aspect intéressant vient du découpage des pistes qui composent l'album, plutôt bien pensé : l'alternance entre hymnes véloces aux guitares tranchantes et morceaux moins power metal, plus posés et s'appuyant davantage sur la voix fonctionne bien, empêchant la lassitude, tout comme la linéarité car les morceaux, eux, se suivent mais ne se ressemblent pas forcément. Et, contrairement à ce que l'on pourrait penser, les titres en retenue ne sont pas noyés dans l'ensemble face à ceux qui lâchent les dames à cordes. Il suffit de prendre l'exemple de « Rebirth » qui fait mouche par la profondeur de son refrain et sa mélodie assez entêtante, où la voix, dans son registre, fait des merveilles. C'est souvent comme cela que ça se passe et, par conséquent, nombreuses sont les pistes qui retiennent l'attention et parviennent à sortir du lot.
Cependant, on a quand même quelques défauts un peu rédhibitoires, et le premier vient d'une production acceptable, mais qui gagnerait à être affinée encore davantage, pour mettre bien plus en valeur toute la hargne et la fougue du heavy/speed de nos chers amis français. Ici, on perd donc en ampleur (enfin déjà que c'est puissant avec cette prod', alors avec une bien meilleure, on peut déjà imaginer le fort impact de la musique d'Elvenstorm !). L'autre point qui laisse à désirer, c'est la présence de deux morceaux assez dispensables et faisant office de remplissage face au reste : la compétition est rude, et on laissera de côté « Kill the Deceiver » où Laura tombera malheureusement dans l'excès et, à force de vouloir trop en faire, elle échouera à déployer toutes ses capacités (la montée périlleuse qui sonne désagréable au possible, alors que ses graves sont eux très bons). De plus, la mélodie semble un peu bateau et on ne retiendra rien. L'autre, c'est « Raven in a Blackened Sky » qui souffre des mêmes travers : plus calme mais tout aussi oubliable, expérimentations inutiles du côté de la voix et, cette fois-ci, un aspect poussif qui n'aide pas le morceau à décoller. Il est rare de s'ennuyer sur Of Rage and War, c'est pourtant le cas ici.
Regrettable, ces quelques couacs concernant le chant, surtout que Laura Ferreux chante (très) bien, pas si éloignée de la Doro que l'on retrouvait à l'époque Warlock, quand elle était encore jeune. Si l'accent français est très prononcé, il est cependant gommé par deux points qui font de Laura une voix du heavy très convaincante : une puissance contrôlée, mais également une conviction perceptible dans son chant. Ses passages agressifs sont impeccables, et sa prestation reste suffisamment variée pour se fondre à merveille sur toutes les pistes. Le registre heavy/speed lui sied comme il se doit, mais petit bémol dans les montées très haut-perchées, comme sur « Kill the Deceiver » où elle souffre, et là, ce n'est pas très beau.
Le professionnalisme se fait pourtant ressentir, et il semblerait que nos musiciens aient de l'expérience. Il faut dire que leur batteur Felix a été dans le combo Lonewolf. Mais le résultat ne sonne pas du tout amateur, bien au contraire, alors que cette crainte était justifiable par la jeunesse de la formation. La musique est carrée, bien exécutée et ne souffre pas de défauts techniques majeurs, avec d'intéressants solos qui donnent encore de la pêche et de la maîtrise à l'art d'Elvenstorm, résolument puissant et infatigable. Quelques guests viennent carrément apporter leur grain de sel au niveau des solos, ainsi on retrouvera Alexander Guth sur (Stormwarrior) sur « Legions of Steel » et Damien Capolongo (ex-Lonewolf) sur « Black Visions ». Ces ajouts d'épices pimentent encore la sauce bien relevée, et élèvent les pistes à un niveau encore un peu plus élevé. Et surtout, l'un des deux morceaux ci-dessus est particulièrement marquant, car une grande force d'Elvenstorm, c'est sa capacité à pondre des hymnes.
Ce titre qui nous fait de l’œil, c'est « Black Visions », speed dans le rythme, où la voix de Laura fait encore un très bon travail. Mais c'est tout l'ensemble qui donne envie de taper du pied, avec les chœurs masculins épiques qui viennent soutenir un refrain dantesque qui évite la surenchère et l'excès. C'est à la fois guerrier et simpliste, sans l'être trop. Quand Elvenstorm dose justement sa mixture et parvient à de tels résultats, l'engouement est grand. Et surtout, la guitare est excellente sur le morceau. Véritable hymne, elle se démarque vraiment par rapport aux autres, qui sont d'un très bon niveau également. On appréciera « Winds of War » qui pose les bases tout de suite : pas d'originalité, certes, mais du talent et une envie décelable immédiatement, une sincérité qui fait du bien à entendre dans le paysage metallique actuel. « Struggle Within » possède un petit côté rock sympathique, qui tranche un peu avec le reste. Les chœurs se retrouvent aussi sur « Stand Thy Fall », au refrain dévastateur et qui rentre en mémoire tout de suite. Ils soutiennent encore une fois la frontwoman et son charisme. « Witchhammer » et « Legions of Steel » sont deux morceaux speed de bonne qualité, mais on préférera le second au premier, qui semble un peu moins percutant, la faute au refrain qui peine parfois à décoller.
Attention tout de même : à force de sonner un peu revival, Elvenstorm pourrait en perdre son âme. Ce n'est pas le cas pour ce premier brûlot d'une qualité certaine, mais cette mise en garde doit être profitable au quatuor, afin de l'aider à affiner son propre style et sa personnalité, car le talent, lui, est bien présent. Les compositions sont puissantes et n'ont rien à envier à nos voisins d'outre-Rhin, et le chant, même si plutôt classique dans son registre heavy, est bon, et transcende les différents titres. Of Rage and War aurait pu être encore meilleur avec une production à la hauteur, mais la suite des événements laisse présager quelque chose d'attrayant et, surtout, le potentiel scénique des français est très conséquent. A surveiller dans l'avenir.
Note finale : 7,5/10