Soulfly perd ses ailes
Alors que la bande de Max Cavalera fête ses 14 ans, le huitième album, Enslaved, fait sa sortie. Après un Omen chancelant, Soulfly se gaufre réellement. En combinant pilotage automatique, compos pataudes et mauvaises idées, l’album boursouflé n’en est que plus désagréable. Une déception notoire pour un groupe qui avait su faire voyager ses auditeurs vers des destinations improbables autrefois.
Max Cavalera sait-il s’arrêter ? C’est la question qu’on peut se poser au regard du rythme effréné avec lequel il abat les albums depuis la formation de Cavalera Conspiracy. Rappel chronologique : 2008 : sortie de Conquer (Soulfly) et d’Inflikted (Cavalera Conspiracy). 2010 : sortie d’Omen (Soulfly). 2011 : sortie de Blunt Force Trauma (Cavalera Conspiracy). 2012 : sortie d’Enslaved, l’album qui nous intéresse.
Cette boulimie du travail pourrait contenter les fans, toujours plus impatients d’une nouvelle sortie de leur musicien préféré. Mais le dernier album attriste car la quantité a pris le pas sur la qualité. Au fur et à mesure des sorties peu espacées, la rage comme l’inspiration de Max arrivent inexorablement à la baisse. Le résultat avec Enslaved se montre consternant.
Dans cette galette de death metal primaire d’un peu moins d’une heure, le pilotage automatique côtoie le n’importe quoi. Riffs quelconques en pagaille, rythmiques basiques et rarement groovy, chant peu inspiré et solos abscons sont légion. Le single de l’album, "World Scum", annonçait déjà la couleur. Ce titre sans relief aligne riffs vite oubliés, un refrain banal et des couplets d’une triste platitude, malgré la participation vocale de Travis Ryan, boucher chez Cattle Decapitation, qui ne sauve pas ce titre de l’abattoir.
Pourtant, quelques morceaux moyens surnagent dans la fange d’Enslaved et peuvent se révéler plaisants. C’est le cas de "Plata O Plomo", chanté en portugais. Groovy à souhait, il contient des inspirations latines fort intéressantes. Dans les morceaux taillés pour le live, on retrouve également "Legions" et "American Steel", qui, sans briller par leur originalité et leur fraicheur, sont efficaces. Ce sont malheureusement les seuls morceaux qui sont à sauver du nauffrage, et qui ne sont guerre brillants comparés aux précédents exploits de Soulfly.
Dans cet album, le soin apporté aux compositions est quasi-nul. Les transitions sont inexistantes, les parties sans queue ni tête se succèdent sans raison. "Intervention" en est l'exemple. Ce titre part dans tous les sens sans qu’une bonne idée pointe le bout de son nez. Certaines chansons, comme "Gladiator" ou "Treachery", sont prometteuses, mais s’embourbent avec des breaks à répétition qui plombent les morceaux.
Autre point alarmant de cette sortie : Jamais le guitariste lead Mark Rizzo n’a été aussi sous-employé. Extrêmement discret dans les parties rythmiques, où il se contente de doubler les riffs peu inspirés de Cavalera, ses solos ne l’aident pas à briller. Autrefois flamboyant de mélodie, il se contente ici de singer Kerry King ("Intervention", "Chains"), ou de se noyer dans des effets inutiles ("Gladiator").
Côté personnel, deux nouveaux font leur entrée. Il s'agit de Tony Campos (ex-Static X) à la basse et David Kinkade (ex-Borknagar) à la batterie. Ces deux nouveaux se montrent efficaces dans leur travail. Malheureusement, peu de fantaisies sont accordées au batteur, et la compression extrême du son dessert fortement le bassiste. La faute à une production trop "in your face" qui, à force d’augmenter le volume sonore et de charger les effets, ne met pas en valeur le travail des musiciens.
Visiblement fatigué, Max Cavalera ne fait plus voyager avec Soulfly. Finis les accents reggae sur Prophecy ou les inspirations ethniques de Conquer. A force d’avoir voulu durcir la musique de son projet, il en a fait un ersatz de Cavalera Conspiracy. Une bien triste métamorphose pour une alternative fort inspirée au metal, dont l’avenir est bien sombre.