Samedi – 01h00 – Warzone
Cet étrange concept a fait couler beaucoup d’encre dans les semaines qui ont précédé l’édition du Hellfest 2016. Tout ce qu’on savait de ce show atypique, c’était qu’il s’agirait d’un ciné concert, avec Henry Rollins en tant que maître de cérémonie. Un simple mais appétissant trailer a également fait mousser les fans, sans plus de détails. C’est donc avec beaucoup de curiosité que nous courons vers la Warzone, alors que l’hommage à Lemmy et le speech de Phil Campbell sur la Mainstage 1 viennent de s’achever.
La configuration s’avère assez conforme à ce qu’on devinait, avec toutefois une jolie surprise bien pensée : l’écran est sur l’avant de la scène, et le groupe joue derrière. Ainsi, on n’est pas perturbés par le jeu des musiciens, et on peut bien se concentrer sur les images. Mais, par intermittence, on aperçoit certains membres du groupe par transparence à des moments choisis : astucieux, et super bien rendu ! Le set est sinon constitué intégralement de reprises, qui retracent plus ou moins fidèlement l’histoire du rock et du metal, en ratissant aussi large que Black Sabbath, Metallica, Slayer ou encore Nirvana et Jefferson Airplane.
D’un point de vue musical, c’est très carré, bien interprété et fluide, et on apprécie tout particulièrement les qualités du vocaliste, qui est aussi polyvalent que talentueux. Mais le centre du spectacle, c’est bien le film qui est projeté, et dont les grandes lignes de l’intrigue tiennent en quelques mots. Dieu a réussi à sauver l’humanité du pêché en leur retirant le Graal du Diable, à savoir une guitare. Mais un démon aux allures de punk, campé par Iggy Pop lui-même, s’ennuie et renvoie l’instrument diabolique sur Terre.
Toutefois, le défaut majeur du long métrage, c’est son contenu un peu trop spirituel et élitiste, qui en casse le potentiel impact sur les spectateurs. La nouveauté du contexte est déjà une grosse étape à franchir pour les métalleux, et un tel contenu métaphorique, assez peu lisible au premier abord, reste un gros obstacle. Pour preuve, les nombreux départs de la Warzone pendant la projection. Warzone qui, il faut le préciser, offre un cadre parfait à une telle expérience, avec son décor flambant neuf. Par ailleurs, l’horaire tardif limite les capacités de concentration des festivaliers sur un sujet aussi complexe et conceptuel : un visionnage à tête reposée serait probablement le bienvenu ! Notons également les passages en allemand non sous-titrés, qui laissent sur la touche de nombreux spectateurs non germanophones.
A l’écran, le casting fait rêver, et on se prend vite au jeu de reconnaître toutes les légendes qui apparaissent : en vrac, Slash, Lemmy bien entendu, Josh Homme, Grace Jones, Jesse Hughes, Tom Araya, Nina Hagen ou encore Michael Poulsen et Rob Caggiano de Volbeat. Chaque apparition lance une clameur dans le public, de même que certains morceaux cultes qui ponctuent le film : on pense entre autres au "Battery" de Metallica ou bien à l’introduction de "Raining Blood", malheureusement tous deux amputés. Henry Rollins apparait, lui, à plusieurs reprises sous les traits d’un prêtre démoniaque, jouant certaines scène en parfaite synchronisation du film, ce qui apporte une meilleure immersion.
La fin du show traîne un peu en longueur, avec un scénario qui stagne, mais la bande-son permet de raccrocher les wagons. Alors que tout le monde croit que la prestation est finie, comme l’annoncent les mot "The End" à l’écran, le groupe s’avance en bord de scène pour jouer trois morceaux, un peu à la manière d’une jam, dont le "Territorial Pissings" de Nirvana, assez peu à sa place, et une nouvelle occurrence de "Ace Of Spades", déjà joué 30 minutes plus tôt (!).
C’est assez partagés qu’on quitte la Warzone : le concept de Gutterdämerung est assurément novateur et prometteur, et la réalisation plutôt réussie. On regrette en revanche certains petits détails, et surtout un scénario trop conceptuel qui brouille les pistes et perd certains spectateurs en cours de route : avec un contenu plus terre à terre, le show gagnerait certainement en impact et en force live. Malgré tout, cela reste un coup d’essai concluant, et on est curieux de voir comment une suite pourrait émerger, en tenant compte de toutes ces erreurs de jeunesse.
Setlist :
Hey Man Nice Shot (Filter)
War Pigs (Black Sabbath)
Black Sabbath (Black Sabbath)
Motor City Madhouse (Ted Nugent)
Ace of Spades (Motörhead)
Rammstein (Rammstein)
White Rabbit (Jefferson Airplane)
Sad Man's Tongue (Volbeat)
My Own Summer (Shove It) (Deftones)
Battery (Metallica)
Raining Blood (Slayer)
Run Pig Run (Queens Of The Stone Age)
Dazed and Confused (Jake Holmes)
I Put a Spell on You (Screamin’ Jay Hawkins)
The End (The Doors)
Carmina Burana (Carmina Burana)
Ace of Spades (Motörhead)
Territorial Pissings (Nirvana)
Photographies : Romain Lhuissier © 2016
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