Warm-up
La veille du début du festival, l’équipe Prophecy prod nous invitait à un warm-up organisé par le petit label Trollmusic, spécialisé dans le metal qui fleure bon le houblon et nostalgique des temps anciens. Au programme, deux concerts de formations jumelles car partageant plusieurs musiciens : Mirna's Fling / The Good Hand (deux groupes avec le même line up) et Alvenrad.
Pour la petite histoire, le warm-up n’était pas organisé sur les lieux du festival, mais dans une maison culturelle de la ville, située à une demi-heure à pied du site. Les festivaliers n’ayant pas de voiture devaient donc rejoindre l’évènement par une ballade bucolique au milieu des champs de maïs et de blé. Une expérience bien loin des standards de la plupart des festivals ! Et on se fera la remarque plusieurs fois pendant le week-end.
L’entrée dans la salle se fait au son du dernier Ulver : Trollmusic sait recevoir ! Clairement, peu de gens ont répondu à l’appel pour cette mise en jambe musicale. C’est donc en petit comité qu’on peut profiter du concert de The Good Hand / Mirna's Fling , dans un premier temps. Le son est globalement bon, quoique trop généreux en basse. Le groupe déploie des compositions qui rappellent autant le Pink Floyd période Meddle que Hexvessel. Avec un trombone, une sorte d’oud et une flopée de pédales d’effets, ça expérimente sec. Ceci associé à un très bon chanteur, on passe un bon moment avec eux.
C’est nettement moins le cas avec Alvenrad. Leur metal progressif mélangeant autant Unexpect que Deep Purple est handicapé par un son beaucoup trop fort et vraiment brouillon. Du coup, difficile de s’y retrouver. Et la voix vraiment particulière du chanteur a de quoi laisser perplexe. Ceci dit, c’était le premier concert de la formation, on peut donc gager qu’ils ont une nette marge de progression.
Jour 1 du Prophecy fest
Hekate
Voilà un groupe bien difficile à ranger dans une case, quelque part entre néo-folk, musique classique et médiévale. La formation allemande a préparé un set spécial pour leur concert au Prophecy fest, délaissant les aspects les plus modernes de leur musique pour mettre l’emphase sur la nostalgie et des sonorités d’antan. Rapidement, il est difficile de ne pas associer Hekate avec Dead Can Dance, non seulement parce qu’ils sont menés par un duo chanteur/chanteuse, mais surtout parce qu’on sent une nette influence du duo australien sur leurs compositions.
Le chant est majoritairement en allemand, mais passe aussi parfois par l’anglais. Les neufs musiciens déploient des compositions denses, avec une multitude d’instruments allant de la vielle au vibraphone, en passant par les trombones, sans oublier le yangqin, qui renvoie une fois de plus à Dead Can Dance, période Toward The Within.
Certes, le groupe n’invente pas l’eau chaude, mais les chansons sont bien ficelées et avec un son excellent, difficile de ne pas se laisser emporter dans leur univers. Cela est d’autant plus vrai que Hekate est un des groupes de l’affiche pour lesquels cette grotte constitue un écrin presque providentiel. Une bonne entrée en matière.
Setllist :
Die Sonne im Geiste
Ritualsong
Dos Kelbl
Fatherland
Ascension Day
Seelenreise
Montségur
Serpent Day
Morituri te salutant
House of God
Die Sonne im Geiste
Germ
On change radicalement de registre avec les Australiens de Germ. Cette fois encore, Prophecy nous sort une grosse exclusivité, puisqu’il s’agit du premier concert de la formation en Europe, et cinquième concert en tout. Et ce sentiment d’assister à quelque chose d’exceptionnel est affermi quand on voit Audrey Sylvain (Peste Noire / Amesoeurs) monter sur scène pour chanter sa partie sur « Butterfly ». Bien que courte, son apparition fait son petit effet, grâce à sa présence scénique et son style vocal unique.
Germ étant un one-man band en studio, son chanteur/compositeur Tim Yatras a recruté des musiciens pour la scène, avec notamment Eklatanz (Agrypnie / Heretoir) à la guitare. Et c’est là que se crée le décalage : les instrumentistes semblent ici bien plus à l’aise et impliqués que la tête pensante du groupe, qui a vraisemblablement du mal à se lâcher. Certes, le principal est assuré, puisque sa voix est excellente, à la fois puissante, déchirante et plaintive, rappelant celle de George Clarke (Deafheaven). Mais avec ce charisme inexistant, difficile de faire une vraie impression sur scène.
Les compositions de Germ évoquent un blackgaze assez particulier, par des riffs atypiques et l’utilisation d’éléments électroniques. Il est cependant dommage que ces derniers soient joués par des samples, car l’authenticité de la musique s’en retrouve amoindrie. Même chose pour certaines parties de guitare claire, à quoi bon recruter des musiciens de renom si c’est pour sampler par-dessus ? Bref. Le concert atteint cependant un second climax pour la dernière chanson, puisque le groupe joue « Just For a Moment », reprise d’Austere, ancien groupe de Tim aujourd’hui séparé. Et il est difficile de ne pas se faire prendre par ces riffs et mélodies mélancoliques. Un concert inégal, mais qui sous-entend un certain potentiel.
Setlist :
Butterfly (avec Audrey Sylvain)
The Stain of Past Regrets
Asteroid of Sorrow
I'll Give Myself to the Wind
Flowers Bloom and Flowers Fall, but I'm Still Waiting for the Spring
With the Death of a Blossoming Flower
Withering in Hell
Just for a Moment (reprise d'Austere)
Les Discrets
On continue à surfer sur la rareté avec ce concert des Discrets, unique apparition du groupe prévue pour 2016. Ils doivent à cette occasion nous jouer quelques extraits de Prédateurs, leur troisième album à paraître l’année prochaine. On notera enfin que Fursy Tessier était auteur des visuels du festival cette année, en plus d’avoir droit à une exposition d’une vingtaine de ses travaux dans la grotte de Balver Höhle.
Conformément aux standards du shoegaze, les Discrets jouent très fort, et malheureusement, avec une batterie bien trop mise en avant, et avec un jeu étonnamment agressif et metal pour la musique jouée. Ceci dit, il est vrai que certains des nouveaux titres sont plus rentre-dedans et directs. Le son s’éloigne assez franchement d’Alcest, alors que les deux formations avaient une orientation musicale très similaire auparavant.
Les harmonies vocales entre Fursy et Audrey Hadorn fonctionnent toujours bien, et c’est d’ailleurs une part non négligeable du charme de leur musique. Malgré tout, quelque chose n’accroche pas. Les musiciens jouent bien, et il est appréciable que le groupe ait adopté une direction musicale un peu plus originale, mais chaque passage convaincant est toujours contrebalancé par un autre qui l’est nettement moins. Il est donc très difficile d’entrer dans le concert. Les Discrets ayant d’ailleurs eu un bon quart d’heure de retard sur le planning, on peut gager que le set a été écourté, privant donc le groupe d’une chance de corriger le tir en fin de set. Un jour sans, soit pour le groupe, soit pour l’auteur de ces lignes.
Iron Mountain
Cette fois, c’est le folklore irlandais qui s’invite dans la grotte de Balver Höhle. Iron Mountain a sorti cette année un premier album très prometteur, et il y avait beaucoup à attendre de ce premier concert hors d'Irlande et des Royaumes Unis. C’est une formation assurément atypique, mêlant post-rock, rock psychédélique et musique folk irlandaise. Aussi incongru que peut sembler ce mélange sur le papier, l’association fonctionne à merveille, sans tomber dans les clichés des styles respectifs. Non justement, par la construction de ses compositions, Iron Mountain arrive à créer une vraie dynamique sur scène. Et la magie fonctionne sans le recours à un chanteur.
La cornemuse irlandaise, le low whistle et la flûte traversière sont autant de moyens pour le groupe de nous faire voyager dans les plaines vertes de leur région d’origine, pendant que le guitariste Damien Mullane arrive à se montrer très versatile avec sa guitare. Que ce soit pour envoyer des gros riffs, ou pour accompagner les instruments à vent pour des harmonies du meilleur effet, il frappe toujours juste. On remarquera que parfois, Iron Mountain va clairement pencher du côté du stoner, avec certains passages qui auraient presque pu se retrouver sur Welcome To The Sky Valley de Kyuss, ou sur un album de My Sleeping Karma (cf : le morceau « Enthralldom »).
Sauf erreur, l’album a été joué en entier, et le temps est passé diablement vite. Si souvent, folk et metal sont associés à toute une scène festive qui parle de houblon et de ripaille à gloire de Wotan, Iron Mountain nous prouve qu’heureusement, il n’y a pas que ça. Les Irlandais ont intelligemment dosé leur musique pour la rendre très personnelle et addictive. On ne peut qu’espérer qu’ils arriveront à continuer sur cette bonne lancée sur leurs prochains albums, mais aussi à tourner en Europe.
Secrets of The Moon
Aux rangs des belles promesses du Prophecy fest, le set acoustique de Secrets of The Moon promettait d'être un moment très particulier. Comment transposer ce black metal tranchant et tordu en acoustique ? Malheureusement, l'échéance a été repoussée, le départ de leur bassiste peu de temps avant le concert ayant pris le groupe de court. Les Allemands avaient donc recruté Steffen Kummerer (Obscura) en bassiste de session, leur permettant de jouer leur dernier album en entier. Loin de faire l'unanimité parmi les fans, c'était un pari osé.
De fait, SUN s'inscrit dans la suite logique de Seven Bells, et marque une distanciation assez nette avec leur début de carrière. Les structures alambiquées ont laissé la place à des riffs plus directs, et une approche vocale incantatoire et clamée. On sent une influence considérable de Triptykon, ce qui n'est guère surprenant sachant que Tom Warrior avait produit Seven Bells. Qu'on aime cette nouvelle orientation musicale ou non, cette volonté de ne pas stagner est à saluer. Le set les révèle fidèles à eux mêmes, avec une exécution précise et un son qui l'est tout autant. Sg, le charismatique chanteur/guitariste du groupe, est complètement habité sur scène.
Ceci dit, on peut regretter que Secrets of The Moon emploie des samples sur scène. On comprend l'intention de vouloir reproduire l'album, mais quand le line-up ne le permet pas, à quoi bon ? A noter que ce sont surtout les guitares acoustiques qui sont samplées. Ironiquement, tout dans cet album évoque l'obscurité, la noirceur, alors qu'il est titré "sun". De toute évidence, le groupe joue sur cette ambivalence. Le tout est parfois très doom dans l'esprit, avec des riffs massifs et lents. On aura quelques fulgurances, notamment sur "Man Behind The Sun" et "Mark of Cain", seule chanson rappelant le passé de Secrets of The Moon dans le set. Comme de nombreux groupes pendant ce Prophecy Fest, ils nous quittent sans avoir parlé du concert. Malgré une interprétation presque irréprochable, il est tout de même dommage que le groupe ne se soit pas plus mouillé pour marquer les esprits. Gageons qu'avec un line-up stable, la formation retrouvera ses aises.
Setlist :
No More Colours
Dirty Black
Man Behind the Sun
Hole
Here Lies the Sun
I Took The Sky Away
Mark of Cain
Helrunar
Pour terminer cette première soirée en beauté, la place était laissée à Helrunar, groupe de black metal allemand. Leur prestation était très attendue, étant donné que c'était leur premier concert depuis trois ans. Très franchement, on a du mal à le croire quand le set commence. Les musiciens sont affûtés comme des rasoirs, à tel point qu'on aurait pu les imaginer être en tournée depuis plusieurs semaines. Helrunar développe un black metal abrasif et dévastateur, avec des riffs rapides et martiaux. Si le thème de prédilection de la formation est le paganisme germanique, les compositions ne laissent pas vraiment transparaître d'éléments pagan. Leur son est très propre et moderne, un peu comme celui adopté par Kampfar sur leurs albums récents, en plus testostéroné ceci dit.
Le chanteur Skald Draugir a un charisme indéniable, et son growl très puissant a de quoi impressionner. Le chant est d'ailleurs majoritairement en allemand, accentuant son caractère martial. Les autres musiciens ne sont pas en reste, que ce soient les guitaristes ou la section rythmique, mention spéciale au batteur et son jeu de cymbale particulièrement riche. Dans la fosse, le public est complètement possédé, malgré l'heure tardive. Il faut dire que le chanteur est particulièrement bon pour pousser les spectateurs à participer, et ces derniers répondent au centuple.
Tout cela fait que cette heure passe vraiment vite. Après avoir joué un set réparti équitablement sur leur discographie, ils concluent avec "Landsknecht",une longue pièce de plus de dix minutes. Celle-ci retient vraiment l'attention avec l'emploi de trois voix en chant clair, pour un choeur épique à la Bathory période Hammerheart. Une performance vraiment remarquable, qui laisse espérer que le groupe se fera moins rare sur scène. A quand un nouveau passage en France ?
Setlist :
Niederkunfft
Unten und im Norden
Devils Devils Everywhere!
Unter dem Gletscher
Ich bin die Leere
Magdeburg brennt
Nebelspinne
Wein für Polyphem
Landsknecht
Photos : Arnaud Dionisio / © 2016 Deviantart
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