Prophecy Fest 2016 : Jour 2 (30.07.2016)


Après une première journée de haute volée, la deuxième édition du Prophecy Fest faisait monter la pression avec des concerts spéciaux de grosses poitures du label que sont Alcest et Sol Invictus, sans oublier des outsiders comme GlerAkur, Völur et les ovnis du darkjazz que sont Bohren und der Klub of Gore.

 

Völur


Encore une formation atypique : un trio basse - batterie - violon électrique, qui joue un black assez primitif mais pas dénué de charme. Une nouvelle fois, le Prophecy a fait voyager ses artistes, Völur étant un groupe canadien. A l'écoute, on peut remarquer que le tout sonne bien mieux que sur album.
 

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Le chanteur a un bon growl, mais les harmonies au chant clair sont nettement moins convaincantes. La puissance de la batterie avec les lignes de basse fonctionnent bien, pendant que la violoniste se charge de la ligne mélodique avec des soli à la fois dissonants et mélancoliques. De quoi bien commencer cette dernière journée.
 

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Setlist :

Breaker of Skulls
Es wächst aus seinem Grab
Breaker of Silence
Breaker of Oaths
 

Bohren und der Klub of Gore

La venue de Bohren und Der Klub of Gore démontrait une double marque d'ouverture dans la programmation du Prophecy fest : D'une part, c'était la première fois qu'ils faisaient jouer un groupe non signé chez eux, et d'autre part, le dark jazz de Bohren faisait clairement ovni sur l'affiche. Dans la grotte, il y avait de quoi s'attendre à quelque chose de spécial. Le lieu est d'abord plongé dans le noir complet, auquel est ajouté d'épais nuages de fumée, rendant les musiciens quasiment invisibles quand ils montent sur scène. Comment décrire la musique de Bohren ? Imaginez vous assis dans la blacklodge. Là, Audrey Horne s'approche de vous au ralenti et vous embrasse. En effet, cette musique est "lynchéene", ou plutôt, évoque semble avoir une parenté les bandes originales d'Angelo Badalamenti. C'est sombre, mélancolique et très très lent.
 

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On remarque qu'il n'y a pas de batteur à proprement parler, chaque musicien commandant une percussion à distance avec une pédale. La caisse claire est d'ailleurs placée au centre de la scène et, par un mécanisme ingénieux, tourne sur elle même. Avec le petit projecteur braqué sur celle-ci, elle diffuse une lumière façon boule à facettes : ambiance garantie ! Dans cette atmosphère de recueillement, le public est muet. Certains oscillent lentement au rythme de la musique, pendant que d'autres ferment les yeux.
 

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Le vibraphone s'allie parfaitement au piano et à la basse généreuse, un peu trop généreuse d'ailleurs. Parfois, le vibraphone est remplacé un saxophone, et la musique prend une autre dimension, sans pour autant perdre sa charge émotionelle. Cette noirceur est vraiment admirable, créant des ambiances assez indescriptibles. Entre les chansons, un des musiciens prend le micro et fait rire le public avec des blagues de bon aloi, en décalage complet avec la musique. Etant en allemand, les non germanistes n'ont pas pu en profiter. Toujours est-il que Bohren und der Klub of Gore a donné un concert mémorable, à la hauteur de leurs performances studio. Une expérience unique et recommandée.

 

Antimatter
 


C’est avec vingt bonnes minutes de retard que les Anglais montent sur scène. Au menu, un set spécial consacré aux sorties du groupe entre 2000 et 2007, soit le répertoire le plus apprécié des fans. On remarque d’entrée de jeu que Mick Moss est très en voix aujourd’hui. Son chant à la fois profond et délicat fait son petit effet, d’autant plus que les harmonies sont parfaitement gérées par le deuxième guitariste.
 

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De fait, cette pop sombre et mélancolique tombe à point nommé entre deux déflagrations black metal. Antimatter joue la carte du minimalisme dans ses compositions, et cette approche est payante. En effet, à quoi bon surcharger quand quelques arpèges ou une poignée d’accords dépouillés peuvent faire l’affaire ?
 

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Les bruitages électroniques et autres effets d’échos qui font partie de la signature d’Antimatter sont également présents. Rappelant Portal (le groupe américain), on peut cependant regretter qu’ils ne soient pas de temps en temps plus mis en avant. Cela pourrait aider à rendre le tout moins linéaire. Ceci dit, il faut reconnaître que le groupe parvient à rendre sa musique moins froide, pour ne pas dire plate, que sur album. La distorsion fait aussi de rares apparitions quand le guitariste lead fait quelques soli, sans que cela sonne hors de propos.
 

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Le dernier morceau est l’occasion pour Mick Moss de dédier ce concert à Piotr GrudziŠ„ski, le guitariste de Riverside  décédé cette année à la quarantaine. Il vient marquer un concert sobre mais très maîtrisé de la part d’Antimatter. On peut aussi dire que le créneau était bien adapté, car des signes d’essoufflement commençaient à se montrer en fin de set : il n'est pas évident que le groupe aurait réussi à capter l'attention plus longtemps.

 

GlerAkur
 


Pour sûr, la scène black metal islandaise est en ce moment en pleine ébullition, avec des formations comme Misþyrming ou Naðra qui font beaucoup parler d’elles dans l'underground. Cette fois, c’était à GlerAkur de faire entendre son interprétation du genre, pour un premier concert sur le continent. De prime abord, la formation se fait remarquer par sa composition atypique : deux batteurs, un bassiste et pas moins de cinq guitaristes sont sur scène ! Autant dire qu’il y a beaucoup de puissance qui se dégage de leurs compositions.
 

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Quand les cinq guitaristes jouent à l’unisson, il n’est presque plus possible d’entendre le riff joué, lui donnant un côté drone. De fait, la répétition des riffs crée une sorte de transe dans l’écoute. C’est un effet assez particulier qui semble former un clivage net entre ceux qui apprécient ou non dans le public. Si la musique de GlerAkur est majoritairement instrumentale, elle est parfois ponctuée de chœurs aériens, chantés à trois voix masculines. Enfin, la progression et les montées en intensité des compositions se rapprochent de ce qu’on entend en post-rock.
 

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De façon évidente, on a affaire à un groupe qui a trouvé un son qui lui est propre, et c’est un véritable plaisir à entendre. Si certains passages peuvent sembler manquer de maturité, il y a de quoi parier qu’on risque d’entendre parler de GlerAkur dans un futur proche. A suivre !

Setlist :

Polycide
Willocide - Part 1 & 2
Can't You Wait
Strings - Part 1 & 2

 

Alcest
 


En voyant le nombre de t-shirts liés aux différents projets de Neige, il n’y avait aucun doute sur le fait qu’Alcest était le groupe le plus attendu de cette deuxième édition du Prophecy Fest, fait confirmé par l’affluence au concert. La formation française allait, pour la première fois, jouer son album phare Ecailles de Lune en entier, avec certaines chansons qui n’avaient jamais été interprétées sur scène jusqu’à présent. Le set commence donc sur « Ecailles de Lune Pt. 1 », et révèle Alcest au meilleur de sa forme.
 

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La précision de l’interprétation est vraiment impressionnante de la part de chaque musicien. Zero est impeccable en chant clair, y compris pour les parties les plus aigües. Neige est quant à lui peu audible en début de set, mais cela sera corrigé pendant le concert. Globalement, il est évident que le groupe n’a rien laissé au hasard dans la préparation de ce concert, qui par ailleurs allait être suivi par un concert au Wacken.  Mais là où le concert surprend en bien, c’est au niveau du son. Alcest est souvent handicapé sur scène par un son brouillon, notamment pour les guitares saturées mais ce n’est pas le cas cette fois-ci. Il y a, certes, trop de basses, mais le reste du mix est excellent. Le public peut donc apprécier comme il se doit « Ecailles de Lune Pt. 2 », qui est sans aucun doute le climax du concert. Cette chanson laisse en effet entendre ce qu'Alcest fait de mieux, que ce soit les envolées éthérées façon shoegaze, les guitares claires cristallines et les cris de Neige, toujours aussi perçants et plaintifs.
 

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L’enchaînement avec « Percées de Lumière » est, comme sur album, très efficace, et assure une bonne dynamique au concert. Après « Solar Song » et « Sur l’Océan Couleur de Fer » d’excellent aloi, c’est maintenant l’heure du set best-of comme l’avait annoncé Prophecy. En fait d’un véritable concert en plus, il s’agit plutôt d’un rappel avec deux chansons des Voyages de l’Âme et « Délivrance » en final. Et malgré la qualité de ces chansons, on ne peut que regretter l’absence de titres de Souvenirs d’un Autre Monde, qui comporte lui aussi son lot de pépites. 
 

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Mais cessons d’être mauvaise langue : Alcest a assuré ici un concert exemplaire, dans des conditions exceptionnelles, et c’était un réel plaisir à entendre. Sans doute le concert le plus mémorable du festival, ce coup d’éclat ne présage que du bon pour la tournée à venir d’Alcest avec Mono.

Setlist :

Écailles de lune - Part 1
Écailles de lune - Part 2 (première en concert)
Percées de lumière
Abysses (sur bandes)
Solar Song
Sur l'océan couleur de fer
Autre temps
Là où naissent les couleurs nouvelles
Délivrance

 

Sol Invictus
 


Le groupe pionnier du néo-folk mené par Tony Wakeford étant plutôt rare sur scène, il était également très attendu par les fans, d’autant que ce concert était joué par une formation augmentée de leur collaborateur occasionnel Matt Howden, la violoncelliste Jo Quail et… Don Anderson d’Agalloch.
 

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Instrumentalement, ça ne fait pas un pli, les musiciens arrivent à donner une nouvelle vie aux chansons de Sol Invictus sur scène, ponctuée par les moulinets d’archet de Matt et l’énergie débordante de Don. Il faut dire que ce n’est pas tous les jours qu’on peut jouer avec un de ses groupes préférés.
 

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Cependant, un gros bémol vient gâcher ce concert : la voix de Tony Wakeford. Si elle n’a rien perdu de sa mélancolie, la justesse est loin d’être au rendez-vous, et c’est problématique dans un genre qui est tant axé sur le chant. Ca devient particulièrement criant quand vient le temps de la dernière chanson « Kneel to The Cross » rendue célèbre par la reprise d’Agalloch. Vocalement à la rue, c’est ironiquement le frontman de Sol Invictus qui aura empêché ce concert d’être aussi marquant qu’il promettait de l’être.
 

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Setlist :

We Are the Dead Men
Media
Sawney Bean
Stay
Fall Like Rain
An English Garden
The World Shrugged
In Days to Come
Old London Weeps
The Killing Tide
The Hill of Crosses
Twa Corbies
Blackleg Miner
Black Easter
Kneel To The Cross

 

Vemod
 


Après Helrunar, c’était encore à un groupe de black metal de conclure la soirée. Ayant impressionné tout le monde avec leur performance habitée lors de la première édition du Prophecy Fest, les organisateurs avaient décidé de retenter l’expérience, avec un set spécial pour le festival.  Le début  de la performance est marqué par un passage de chant a capella délicat signé Åsli. Bourré d’écho et aérien, il contraste nettement avec la furie qui va suivre.
 

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Le crescendo est savamment orchestré avec la guitare claire qui fait son entrée progressivement. Et brusquement, le coup tombe, et le public se retrouve comme entre marteau et enclume. La puissance des compositions de Vemod se démarque, déjà par une interprétation très personnelle du riff de black metal norvégien, mais aussi grâce à la voix rauque et non saturée d’Eskil Blix, deux points qui forment un contraste net avec les standards du genre.
 

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Avec de superbes projections sur l’écran derrière les musiciens, l’assaut de Vemod d’une rare intensité a l’effet d’une claque qui réveille après une journée musicale relativement calme. Servis par un son massif et old school, les musiciens ont été à la hauteur de leur réputation : surprenants et vindicatifs. On ne peut qu’espérer les voir faire un détour par la France prochainement. Une belle conclusion à ce festival remarquable !
 

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Setlist :

Intro I
Intro II
At First Light
Der Guder Dør
Venter på stormene
Ikledd evighetens kappe
Interlude
Og Vinden Sang Mitt Navn

Photos : Arnaud Dionisio / © 2016 Deviantart
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.

 



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