Quelques jours avant la sortie de son nouvel album sous le nom de Devin Townsend Project, la Grosse Radio a pu s'entretenir avec le géniteur du projet. C’est un Devin enrhumé mais néanmoins enthousiaste qui nous parle de son nouvel album Transcendence qui sort le 9 septembre via InsideOut Music.
Bonjour Devin. Tout d’abord quelques questions concernant votre nouvel album Transcendence qui sortira le 9 septembre prochain. Si on regarde la définition du mot « transcendance » on trouve le sens d’aller au-delà. Dans quelle mesure êtes-vous allé au-delà de vous-même pour créer cet album, que ce soit sur le plan personnel ou le plan musical ?
Devin Townsend : La réponse la plus directe que je puisse faire à cette question c’est que j’ai récemment réalisé en écrivant cet album que mon besoin de contrôler les choses au niveau musical était tel que cela commençait à m’apporter des problèmes. Je ne faisais que me répéter. Musicalement parlant, je peux dire que j’ai pu atteindre un niveau de transcendance en incluant plus les membres du groupe et tous les gens impliqués dans la création de cet album. Je les ai sollicités pour qu’ils me donnent leurs différentes opinions et cela m’a ouvert les yeux sur le fait que je ne savais pas tout. Je n’ai pas la science infuse. Et éditer cet album en tenant compte de l’avis de gens qui savaient peut-être mieux les choses que moi est une chose positive. C’est à partir de là qu’est venu le nom de cet album. Il correspond tout à fait à sa ligne directrice qui est le lâcher prise.
En parlant de lâcher prise, on peut entendre beaucoup d’émotions différentes tout au long de cet album.
Devin Townsend : Avant de parler d’émotions, je tiens à m’excuser. J’ai vraiment un rhume carabiné et si je donne l’impression d’avoir la cervelle qui marche au ralenti, c’est que c’est vraiment le cas !
Mais pour en revenir aux émotions, je ne pense pas parvenir à lâcher prise dans la vie de tous les jours. Je garde toujours tout pour moi. Avec la musique, je peux extérioriser les choses. C’est le moyen que j’ai trouvé pour pouvoir lâcher prise. Et ça ne m’étonne pas que les gens puissent ressentir cet album comme une libération émotionnelle, car c’est le cas. Alors que dans la vie de tous les jours, je reste toujours quelqu’un de très neutre.
Quel message vouliez-vous faire passer à travers cet album ?
Devin Townsend : J’hésite à dire que je veux faire passer un message car cela inclut un sentiment d’importance que je n’ai pas voulu y mettre. Mais ce que j’essaye de dire avec cet album est que nous vivons dans un monde qui a tendance à être très sombre. Et en ce moment, il est vraiment très sombre sous plusieurs aspects. Mais la beauté et les belles choses valent la peine que l’on se batte pour elles. S’abandonner au côté sombre n’est pas le camp que je choisis et j’espère qu’un album comme celui-ci, qui a une énergie positive, pourra être une aide pour les gens en ces temps difficiles. Je voulais faire quelque chose de sympa à écouter, quelque chose qui n’était pas noir et lourd. Je n’avais absolument pas envie de dire aux gens : « allez tous vous faire voir, ce monde craint ». Je voulais donner une autre alternative plus éclairante.
Et quelle a été votre partie préférée dans la création de cet album? Le composer? L’enregistrer? Ou êtes-vous impatient de pouvoir le jouer en live ?
Devin Townsend : Vu mon état actuel l’idée de partir en tournée pour six semaines d'ici deux jours ne m’enchante absolument pas, pour être tout à fait honnête ! L’enregistrement de chaque album est toujours quelque chose d’éprouvant. Ce n’est jamais facile, et pour cet album il n’a pas eu de différence, cela a été difficile. Du coup, je pense que composer est ma partie préférée. C’est celle qui est la plus proche de la source, la plus proche de votre inspiration. J’aime la sensation d’avoir une bonne idée, d’être inspiré et d’être productif. Créer est quelque chose de fantastique. Quand l’inspiration vous frappe c’est tellement bon de pouvoir participer au processus de création. Tout le reste n’est que du travail.
Comme vous l’avez dit, votre tournée commence dans deux jours (Le 2 septembre), et trois de vos shows canadiens font déjà salles combles.
Devin Townsend : Vraiment ! Il va vraiment falloir que je me soigne et que ça aille mieux ! [rires]
Cela va être une très longue tournée. D’abord six semaines au Canada et aux USA avec un petit détour par Londres, puis deux mois de tournée en Europe. Comment appréhendez-vous ces longs mois sur les routes du monde ?
Devin Townsend : Je me sens un peu hésitant, parce que cela fait quelques années que je ne suis pas parti en tournée sur un aussi long laps de temps. J’avais demandé à passer plus de temps chez moi ces dernières années car je partais très souvent en tournée avant. Cette tournée sera la première depuis ce break. Cela me laisse un goût aigre-doux dans la bouche. Il y a une partie de moi qui apprécie le fait de pouvoir partir et jouer devant un public, et une autre qui jette un œil attendri sur ces quelques années de pauses où j’ai pu réorganiser ma vie, écrire, enregistrer et aussi être à la maison. En fait, 50% de moi sont très impatients de partir, et les 50% restant redoutent cette tournée.
Et quelle est la chose la plus folle qui vous ayez faite en tournée ?
Devin Townsend : Je ne bois pas, je ne me drogue pas, je suis marié… Je suis un chanteur de métal totalement ennuyeux. En fait, quand je suis en tournée, je suis étonnée quand j’arrive enfin à dormir parce que je fais de terribles insomnies la plupart du temps. C’est tellement fou que je puisse m’endormir en tournée que je me rappelle précisément de la dernière fois où je me suis endormi ! C’était il y a cinq ans. Je me suis endormi dans le bus, sans somnifère, rien. Je me suis endormi et j’ai dormi huit heures. Je me suis réveillé frais comme un gardon et ça, c’était vraiment fou ! Est-ce que cela fait de moi un sacré fêtard ? Ouais, hein ?
Carrément ! Et si je reformule ma question. Quelle est la chose la plus folle que vous ayez faite sur scène ? Et sinon quelle serait-elle ?
Devin Townsend : Je pense qu’on peut toujours apporter un peu de folie à un show avec les décors, les jeux de lumière, le son, etc. Mais pour moi, le truc le plus fou qu’on ait fait c’est jouer au Royal Albert Hall, mais dans le futur, il y a plein de choses que j’aimerais faire mais ce n’est pas vraiment le genre de choses sur lesquelles je me concentre. La musique est bien plus importante que le rendu sur scène. Tout ça coûte énormément d’argent et je ne suis pas sûr que cela apporte plus de choses à la musique en elle-même. C’est une question difficile pour moi je suis désolé. Rien de très fou dans tout ça.
Vous nous avez dit que vous préfériez composer. Avez-vous d’autres projets en cours ?
Devin Townsend : Oui j’ai vraiment plein d’idées. Cette dernière année et demie a été intéressante. C’est un temps qui m’a permis d’analyser les choses et je pense être prêt à accoster sur les côtes du changement. Je parle d’un réel changement pour moi. Je ne sais pas encore dans quelle direction cela va me mener. J’écris beaucoup de chose, c’est un peu comme une symphonie. Je ne sais vraiment pas où je vais mais ce changement attend peut-être cette tournée ou de nouveaux développements dans ma vie personnelle pour éclore. Mais cette prochaine phase va être très angulaire. Je ne sais pas encore exactement ce que cela sera mais j’ai des idées sur ce que cette symphonie pourrait être, de ce que je pourrais faire avec d’autres musiciens. Mais le mieux est d’attendre la fin de la tournée pour pouvoir me replonger dans un nouveau processus de création. Il faut faire une chose à la fois et ne pas se disperser. Mais j’ai vraiment plein, plein, plein, plein de choses en tête. J’attends juste le bon moment pour leur donner vie.
Pour Transcendence, vous avez écrit une soixantaine de chansons. Comment avez-vous fait pour choisir celles qui seraient sur l’album ?
Devin Townsend : En fait, j’ai amené toutes les chansons aux membres du groupe. On les a vues ensemble une par une, et on a gardé celles qui nous plaisaient le plus dès le début. Et pour moi c’est un nouveau procédé. Je n’avais jamais fait ça avant. En général, je présentais les douze chansons qui seraient sur l’album au groupe et ils devaient jouer ce que je leur demandais de jouer. Pour Transcendence, on a affaire à un choix collectif, ce qui fait que cet album est bien plus réfléchi grâce à la collaboration de tous les musiciens.
Et si vous deviez choisir un mot pour définir le Devin Townsend Project, quel serait-il ?
Devin Townsend : « Maladroit ». Je pense que chacun des membres du groupe est maladroit à sa façon. Et je pense qu’on est tous tellement différents que le fait que ça marche tient du miracle ! Nous ne sommes pas une formation de gens qui pensent et aiment les mêmes choses et qui ont décidé de faire un groupe. On s’entend tous bien mais nous sommes tous complétement différents. On a dû travailler d’arrache-pied pour que ça marche. Beaucoup de gens parlent d’âmes-sœurs. On entend souvent des personnes dire qu’ils ont quitté leur mari ou leur femme parce qu’il ou elle n’était pas leur âme-sœur mais je pense que sur le long terme, le concept d’âme-sœur est une idée fausse. On doit travailler dur pour créer une relation qui marche. Cela n’apparait pas comme par magie. Cela peut arriver, mais concernant le Devin Townsend Project, on a travaillé dur pour que les choses marchent, et il y a quelque chose d’attendrissant là-dedans. Mais par conséquent, tout le processus est totalement maladroit.
Une dernière question un peu plus personnelle. Qu’est-ce que vous écoutez et lisez en ce moment?
Devin Townsend : J’ai du mal à lire. J’ai tendance à commencer un livre et ne pas le finir. Je lis des livres de développement personnel et souvent après avoir lu quelques chapitres, je me dis que l’auteur a déjà tout dit dans le premier. Je ne lis rien en ce moment. Oh… si ! J’ai relu les Calvin et Hobbs et les Tintin. En fait, j’aime bien ce genre de lecture. Mon esprit est toujours tellement actif que quand j’ai besoin de me relaxer je ne veux pas être stimulé par mes lectures. J’ai besoin d’un truc divertissant mais pas trop stimulant. J’aime regarder des vidéos aussi. Il y a une chaine sur Youtube que j’aime regarder. Ça s’appelle Channel Cheese. C’est une femme qui voyage et fais des fromages. Je ne sais pas pourquoi, mais j’aime ça !
Concernant la musique, j’aime écouter de la musique sans parole. Sur Spotify je reçois des recommandations par rapport aux dernières choses que j’ai écoutées. J’aime beaucoup les trucs un peu new age, j’aime le dub. J’aime beaucoup Tycho, John Hopkins. J’aime les musiques qui me procurent un fond sonore. J’adore Rapoon. C’est vraiment mon artiste préféré. Et je vous conseille d’écoute l’album Darker By Light. Les sons sont à la fois très lugubres mais réconfortants. J’aime vraiment les fond ambiant un peu sombre et sans parole.
Interview : Eloïse Morisse