Attention à toutes et à tous : vent de fraîcheur en provenance de l'Australie et plus particulièrement de Sydney avec Opera Oblivia, troisième album en trois ans de Hellions. Au programme, un opéra hardcore où Queen rencontre Rage Against The Machine pour un résultat incroyable qui nous aura laissé sans mots. Si pour vous la nouvelle génération manque d'ambition et de folie, jetez vos deux oreilles sur cet opus qui bouffe à tous les râteliers pour nous proposer l'offrande la plus ambitieuse de 2016, rien que ça.
Alors que le précèdent opus Indian Summer se terminait sur le titre "23", Opera Oblivia s’ouvre avec "24". Toute ressemblance avec une façon de nommer un album avec son âge proposée par la chanteuse Adèle sera bien entendu totalement fortuite et pourtant on ne peut s’empêcher d’y penser, surtout quand le chapitre final de cet album se nomme sobrement "25". Autour des dix pistes présentes sur Opera Oblivia, Hellions nous offre un voyage en terre inconnu pour n’importe qui serait à la base un adepte du monde du hardcore. Nous allons être propulsés face à ce qu’on peut considérer comme un véritable OVNI de la scène qui ralliera les fans du genre comme ceux qui peuvent en être allergique tant la richesse de l’album est insensée. Hellions est la preuve que l’Australie est avec l’Angleterre le pays sur lequel il faut compter pour découvrir des groupes sortant des sentiers battus dans la masse de nouveautés hebdomadaire dans le hardcore et ses dérivés. Revenons maintenant plus en détail sur ce qui fait de Opera Oblivia une œuvre majeure de 2016.
En préambule, nous vous parlions de cet album comme d’un mix entre Queen et Rage Against The Machine ayant fortement lorgné vers la nouvelle vague hardcore parce que c’est exactement de cette manière que les membres de Hellions définissent leur musique et plus principalement cet album. Queen parce qu’on y retrouve une certaine grandiloquence, une théatralisation de la musique et une forte propension à utiliser des parties de gang vocals comme pouvait le faire l’illustre groupe anglais. Rage Against The Machine parce que le phrasé de Dre Faivre (chant) rappelle parfois fortement celui de Zach de la Rocha, tout comme son déhanché scénique d’ailleurs. Il y a pire comme influence. Surtout si on y rajoute des arpèges de guitare à tomber, une base rythmique qui s’entend du début à la fin – quel bonheur d’entendre la basse dans un album de nos jours, des instruments encore inédits dans la scène et un travail de fourmi pour nous proposer des mélodies et ambiances tout au long de l’opus.
Il est parfois redondant de parler individuellement et dans l’ordre de chaque titre d’un album et pourtant avec Opera Oblivia, c’est quasiment la seule alternative qui s’offre à nous car le côté théatrale de cet opus nous compte une histoire. Et une histoire ne peut se lire et se comprendre que page après page. C’est donc "24" qui ouvre les hostilités avec son riff mélodique, un Dre Faivre qui fait étalage de tout son répertoire vocal, la mise en avant d’un instrument que l’on n’aurait jamais cru entendre dans un album du genre : le xylophone et une fin à capella qui nous fera penser à une chorale gospel. En un morceau, Hellions annonce la couleur et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Premier extrait dévoilé (et aussi seul clip disponible), "Quality Of Life" est un message d’espoir, une ode à la vie et au respect de chacun de réaliser ce qu’il veut de sa vie. Cela peut souvent paraître bateau et pourtant la sincérité suinte de tous les pores de l’album. Il nous suffira d’écouter le poignant "He Without Sin" séparé en deux parties pour s’en rendre compte.
L’intro de "Tresher" met la puce à l’oreille, Hellions est un groupe inclassable qui navigue entre des eaux opposées. Tube rock, où seul le chant éraillé empêcherait ce morceau de passer à la radio parce que pour le reste tout y est, même le piano que n’auraient pas renié Freddy Mercury et Queen. C’est un temps fort de l’album qui se profile face à nous ensuite avec "Lotus Eater". Arpège et harmonies de guitare entament un morceau qui nous berce par sa grandiloquence que n’aurait pas non plus renié un My Chemical Romance à l’époque The Black Parade notamment. Après le xylophone, c’est avec un duo violon – violoncelle que Hellions continue sa quête pour surprendre l’auditeur avant qu’un pont instrumental nous amène vers la fin du morceau.
Le déluge de qualités que nous écrivons sur Opera Oblivia n’est pas terminé puisque se profile maintenant les titres "He Without Sin – Halation" et "He Without Sin – Heels of the Hands". Divisé en deux, ce n’est au final qu’un seul et unique titre qui traite de la religion et plus précisément de la pédophilie dans l’église catholique avec, sur la deuxième partie, des extraits d’interviews de victimes. C'est peut-être à cause du thème mais l’influence des américains de Defeater pointe le bout de son nez sur ces deux morceaux qui bénéficient encore du coup de maître à la guitare du duo Matthew Gravolin – Josh Campiao. Compositeur principal de la musique de Hellions, Matthew Gravolin a pour albums de chevet Toxicity de System Of A Down et Three Cheers For Sweet Revenge de My Chemical Romance, des influences qui ont forgé la patte du musicien qui arrive à nous en offrir quelques bribes tout au long de ces dix titres.
Au fur et à mesure que l’album et que le temps passent, Hellions continue de nous surprendre et évite le fameux coup de mou que connaissent bon nombre d’artistes dans le choix de la tracklist notamment. Après ce duo poignant, c’est "Bad Way" et son intro festive qui s’offre à nous. Ecouter "Bad Way" et regarder la pochette de l’album offre une petite idée de ce qui est passé par la tête du quintet australien tant ce titre nous offre l’image d’une salsa endiablée comme les deux protagonistes présents sur celle-ci. "Nightliner Rhapsody" (la coincidence est trop belle pour être vraie) sera peut-être le titre le moins marquant de cet album bien qu’il nous offre le breakdown le plus hardcore qui soit.
Pour clôturer Opera Oblivia, la tâche est dévolue à "Nuestra Culpa" et "25". "Nuestra Culpa" est à l’instar de "Lotus Eater", la plus belle forme théatrale que l’on peut donner à la musique. Intro au piano puis voix distante derrière des accords tout simples de guitare avant que Dre Faivre nous lance un quasi slam dans le visage qui ne sera apaisé que par la présence du violon, des percussions puis du piano pour achever le titre. "25" est une représentation de l’album comme si, pour clore son livre, Hellions avait décidé de nous offrir un prologue retraçant l’histoire au travers d’éléments du futur. Le parallèle avec la littérature est intéressant, nous venons de vivre le chapitre 24 de l’histoire de Hellions et "25" est en quelque sorte le teaser d’une prochaine étape de vie.
Opéra, théatre, littérature et musique, nous aurons parlé de ces quatre éléments culturels pour décrire Opera Oblivia parce que cet album aura réussi à nous chambouler – ou du moins à me chambouler profondément. Opera Oblivia est un album unique dans une discographie, l’album qui doit permettre à Hellions d’exploser sur la scène internationale. Parfois on aime pouvoir garder jalousement et secrètement des petites pépites mais il serait cruel et égoïste de vouloir garder celle-ci pour nous.