Le vil périmé...
Si Venom ne gardera jamais la même estime de la part de la majorité des 'hardos' (notamment dans nos contrées) que ses compatriotes et confrères désormais rangés à la même enseigne des "dinosaures", Black Sabbath et Deep Purple en tête, on peut dire qu'ils auront au moins eu en commun leur parcours tout aussi chaotique et un line-up des plus instables.
Aujourd'hui, alors que le 'Venin' (désormais mené à la baguette par le "survivant" Conrad "Cronos" Lant...) se contente de vivoter en tentant vainement de faire perdurer la légende, alternant semi-succès (comme on n'est plus trop difficiles les concernant, citons le dernier que nous a chroniqué Katarz il n'y a pas si longtemps...) et francs ratages (le reste...), de leur côté les dissidents Jeff "Mantas" Dunn (guitariste originel et membre fondateur) et Tony "Demolition Man" Dolan (bassiste/chanteur 'remplaçant' de Cronos sur trois albums à l'orée des 90's) ont quant à eux mis sur pied un nouveau projet d'abord appelé Primevil (nom choisi par les fans et clin d'œil au premier album qu'ils enregistrèrent ensemble pour ce qu'il fallut bien appeler Venom), puis Empire of Evil, ré-orthographié "Mpire (of) Evil" afin de bien garder quand même une partie de l'anagramme les rattachant à l'histoire ancienne (à moins que ce ne soit pour faire plus 'djeunz' mais j'ai quand même "un peu de doute"...). Il ne manquait alors plus à l'appel qu'un troisième petit rejeton 'venimeux' pour parfaire le mimétisme et l'illusion, et nos bougres le dénichèrent en la personne d'Antony "Antton" Lant, frère de Cronos et avant-dernier batteur de l' « autre » groupe, donc (qui avait certes entretemps rejoint Dryll, le précédent groupe de Mantas - vous avez suivi ?!...).
Bref, après avoir publié à l'automne 2011 un anecdotique EP, Creatures Of The Black, constitué de reprises de Motörhead, Kiss, Judas Priest, AC/DC, ainsi que de deux titres inédits qui avaient eu au moins le mérite de nous mettre l'eau à la bouche, les virils sont déjà de retour avec dans leur besace enfin un album entier, ce Hell to the Holy donc, sorti en mars, toujours chez Scarlet Records.
Si l'on n'évitera pas la comparaison avec Venom ("il n'y a pas de mauvaise publicité" comme on dit...), le timbre rugueux et le placement toujours aussi 'punchy' de la voix de Dolan me rappelle de PRIME abord le phrasé des premiers Annihilator puis celui, tout aussi rocailleux, d'un bon vieux Lemmy (refrain de "Waking up Dead" et surtout le titre éponyme avec son final ravageur agrémenté en outre de lignes de guitare dignes de Mercyful Fate - pas si étonnant pour un morceau dont l'intro chœurs/tonnerre/cloches puis pleurnicheries aurait certainement bien plu à King Diamond!) .... On continue dans les bons souvenirs avec un "Metal Messiah" et ses clins d'œil au "Rapid Fire" de Judas Priest, qu'on aurait préféré en premier titre en lieu et place de ce "Hellspawn" qui fait immanquablement bouger la tête et le cheveu avec ses faux airs par moments au "Master of Puppets" de Metallica cette fois (si, si, écoutez bien les riffs rapide!), mais dont on attend pourtant déjà impatiemment la fin tant même les trente dernières secondes paraissent interminables...
On oscille ainsi en ce début de galette entre du Venom (c'est surtout cette exécution délicieusement instinctive et animale ainsi que cette batterie tout ce qu'il y a de linéaire qui nous y fait penser, à vrai dire...) et plus étrangement le 'thrash' d'une école plutôt américaine (qui certes leur doit tout autant qu'à la NWOBHM dans son ensemble...) d'un bon vieux Testament ou Overkill, avec une pointe de 'speed' renvoyant aux premiers Metallica ou Exciter, en passant par les pionniers que nous avons déjà cités : Priest et Motörhead.
Pas désagréable en soi (si l'on n'est pas allergique à ce type de son « brut de décoffrage » et brouillon - on a de qui tenir ou pas, hein!) mais rien de bien novateur...
L'album se poursuit et s'achève heureusement mieux qu'il n'avait commencé. "Snake Pit" serait une sorte de Motörhead hybride encore une fois (notamment la diction sur le refrain) mêlé avec les grosses guitares de Pantera (pensez à un "Walk" 'speedé'...), dont on retrouvait déjà des prémices 'groove metal' dans "Hell to the Holy". Batterie et guitares auraient quand même gagné à bénéficier d'un traitement plus soigné et l'ensemble reste certes un peu poussif (avec même sur un break un micro-clin d'œil au pont de "Painkiller" de Priest -once again...- , des fois qu'on ne s'en rendrait pas compte...).
"All Hail" de son côté est la grande réussite de cet opus, avec de nombreux ponts où les solos en imposent au lieu de simplement jaillir comme du dégueulis, et le titre portant une certaine classe en tirant vers le 'stoner', avec même quelques sons clairs de guitare rappelant le 'grunge' d'antan. Notons les chœurs "Venomesques" au possible, une constante prévisible mais réussie de cet album.
Le "Devil" qui suit reste dans la même lignée avec cette fois un feeling 'hard-blues' « endiablé » (voire même "sudiste" avec un paquet d'effets 'slide'!) sur fond de guitares modernes (une petite larme émue pour se remémorer le défunt Rebel Meets Rebel, tombé avec Dimebag Darrell...), sentant donc en cela déjà moins la naphtaline que les derniers Venom.
Au final, ces derniers auront d'ailleurs davantage gardé pour eux la touche 'punk' et même l'esprit originel de la Légende dans les rythmes de batterie, le jeu de basse et de gratte mais surtout le chant plus "effronté" de Conrad Lant, moins offensif et rocailleux - plus vieillissant surtout - que le grondement ininterrompu de Dolan sur cette offrande des Prime...pardon, des Mpire of Evil !
Lesquels devraient donc maintenant peut-être lâcher cette volonté certes subliminale mais encore bien trop présente de rattachement à la bande à Cronos, car les deux groupes sont au final désormais bien plus distincts qu'on ne voudrait bien le dire.
Disons-le tout net, ce n'est donc ni la suite du Venom de Prime Evil (sauf peut-être dans l'esprit le "Hellspawn" introducteur, si l'on pense à des titres de l'époque comme "Parasite"), ni un retour aux vieux albums, ni une concurrence à la formule actuelle du 'Venin' de Cronos...
Au niveau de l'impact "in-your-face" produit, on pencherait davantage ici du côté de Resurrection (même si ce dernier m'évoquera toujours un retour façon "la dernière tournée de Spinal Tap" version Venom quand bien même je n'arriverai jamais à m'expliquer pourquoi... reste que la suite m'aura donné en partie raison) mais stylistiquement parlant il en est pourtant très éloigné (le tranchant 'palm-mute' très "thrashy" des guitares cette fois relativement absent - sauf sur le pont d'un "Hellspawn", encore lui ! - pour laisser place à toujours de gros riffs mais plus inventifs tout de même ; reste toutefois la frappe puissante d'Antton - peut-être l'un des meilleurs batteurs que le groupe aura eu dans se rangs - qui explique peut-être cette réminiscence... tout comme un titre comme "Firelight" aurait vraisemblablement pu trouver sa place ici!). On n'est pas non plus comme nous le disions dans la continuité directe du Prime Evil ni du reste de la trilogie discographique avec Tony Dolan que ce disque de transition a initié, avec un heavy/thrash 'punchy' et tout de même plus policé. Le groupe ayant souhaité conserver un son plus "cradoque" mais pas 'evil' ou 'necro' pour autant, on penserait davantage peut-être aux meilleurs moments (les moins 'indus' disons...) du Cast in Stone de 1997 qui marquait le retour (bien éphémère) du line-up original d'Abaddon, Cronos et Mantas. Ce dernier y aura peut-être retrouvé l'inspiration au niveau des riffs les plus bestiaux et incisifs.
On repart donc dans des contrées plutôt éloignées des géniteurs de Black Metal avec un "Shockwave" décapant et duquel se dégage une pure fougue "live", voire une énergie collégiale et fraternelle de 'rehearsal' (on imagine donc l'ambiance en studio!). "The 8th Gate", gros titre 'doom', quant à lui doit beaucoup à Black Sabbath et à ses héritiers, évidemment... L'atmosphère est bien bonne, les lignes de guitare également mais vocalement Dolan s'embourbe un peu derrière à trop vouloir suivre la musique, sans grande inventivité. Mais n'est pas Cathedral qui veut ... Et surtout, en terme de longue pièce épique et sombre on est bien loin du "At War with Satan", du "Buried Alive" (auquel on retrouve un petit clin d'œil sur l'intro) ou du "Seven Gates of Hell" d'antan, et même du "Fallen Angels" éponyme des frères ennemis plus récemment... Reste ce pont apocalyptique où pendant 2 minutes la lead mélange des gammes néo-classiques et des plans plus "arrache" ... Une curiosité, quoi!
"M-Pire (Prelude)" (en fin de disque?) ajoute une petite pointe de 'stoner/sludge' au 'doom'... parce que pourquoi pas?!...
L'album donne ainsi malheureusement l'impression que le groupe se cherche encore, à force de vouloir bouffer à tous les râteliers et rendre hommage à tous ses Pères et pairs, même s'il semble animé d'une flamme et d'une muse autrement plus ardentes et en tout cas ravivées que le Venom actuel...
Toutefois, même un tel 'uppercut' (qui ne saurait pas au final quelle partie viser...) ne peut effacer les nouveaux disciples du genre qui ont aujourd'hui établi leurs propres repères en "blackisant" eux aussi leur heavy/thrash : citons Aura Noir qui, en piochant dans Celtic Frost - infâmement affilié à Venom via l'indigne rejeton non reconnu Hellhammer - autant que dans Sodom, Darkthrone ou Mayhem, relègue toute entreprise des Patriarches du "black metal" à un simple "metal black" (sans mauvais jeu de mot ou allusion...), à du "vil périmé" en somme, si ces Messieurs veulent rester dans les anagrammes!
Ah, et puis petit coup de cœur personnel également pour le dernier Secrets of the Moon récemment chroniqué par Lionel, qui reprend également un peu tout ça (pas Lionel, hein!...) mais en incluant aussi en partie dans son black-métal l'école scandinave et le 'thrash' autrement plus dévastateur de chez Slayer! S'il ne doit en rester qu'un, ce ne sera donc vraisemblablement pas Mpire of Evil qui sera appelé à régner.
LeBoucherSlave
6,5/10
PS: début janvier 2012, Antton a annoncé son départ du groupe pour des raisons personnelles peu claires. Il a été remplacé pour la tournée par le batteur britannique Marc Jackson, dont on ne sait encore à l'heure où nous publions ces lignes s'il restera dans le groupe une fois la tournée achevée.