Six albums seulement en presque 30 ans de carrière, et pourtant... Armored Saint est un groupe qui compte dans l'histoire du heavy américain. N'ayant jamais connu le succès d'estime qu'ils auraient certainement mérité, les californiens n'ont pourtant jamais abdiqué même lorsque John Bush est parti quelques années chanter avec Anthrax. Les frères Sandoval et Joey Vera ont toujours tenu à garder la flamme active, et bien leur en a pris car cette année la formation se produira enfin en France pour deux dates exceptionnelles : au Sonisphère et à La Maroquinerie de Paris début juillet. L'occasion était trop belle pour ne pas converser avec le charismatique chanteur de la bande, un John Bush toujours en forme qui nous parle de l'actu d'Armored Saint, de son passé et de son avenir, tout en revenant sur quelques souvenirs plus personnels avec Metallica et Anthrax.
Ju de Melon : Bonjour John, j'espère que tout va bien... Es-tu chez toi à Los Angeles ?
John Bush : Tout va très bien en ce samedi matin, et en effet je suis à la maison tranquille.
Alors la première question, ou première exclamation oserais-je dire... Enfin ! Armored Saint va se produire pour la première fois en France sur deux dates en juillet prochain, le 8 au Sonisphere France à Amneville et le 10 à Paris. Pourquoi avoir attendu tant de temps pour venir chez nous ?
C'est exactement la question qu'on se pose ! Sauf que ça n'a jamais véritablement dépendu de nous. On avait récemment essayé de booker quelques dates en France mais cela n'a jamais pu se faire, d'après notre agent personne n'était véritablement intéressé à nous faire jouer. Nous avons donc attendu que quelqu'un croit enfin en nous, nous ne pouvions pas nous lancer sur un coup de dé sans avoir quelques garanties. C'est finalement arrivé grâce à Olivier Garnier (Replica Promotion), il a fait marcher ses contacts et passé quelques coups de téléphone pour au final réussir à nous avoir un show en France. C'est donc par son biais que le show à Paris est devenu possible, ce n'est qu'après presque par hasard que nous avons également obtenu une place au Sonisphere France ! Un évènement unique et l'un des plus grands festivals en France, nous sommes excités à l'idée de nous y produire.
Justement, jouer au Sonisphere un an après le Big Four et aux côtés d'artistes comme Faith No More ou Marilyn Manson, est-ce enfin le signe d'un accomplissement pour le groupe jusque là assez peu médiatisé en Europe ?
Nous sommes en tout cas très honoré qu'on nous ait proposé de jouer là-bas, un gros concert qui réunit non pas seulement la crème du metal mais également de très bons groupes plus typés rock. Et c'est amusant car en quelques nous sommes passés de "jamais aucun concert en France" à "deux dates bookées sur un espace réduit de trois jours"... encore plus drôle, nous hésitions entre le Sonisphere England et le Sonisphere France qui se déroulent le même weekend, nous avons finalement fait le bon choix car récemment l'édition anglaise a été annulée. Enfin une bonne nouvelle dans l'histoire du groupe ! (rires)
C'est un excellent signe !
Oui, et ça change car nous avions plutôt l'habitude de nous prendre des mauvaises nouvelles dans la figure à ce niveau auparavant, nous n'avons pas toujours pris les meilleures décisions dans notre carrière et ce malgré nous. Tant mieux si la chance est enfin au rendez-vous.
As-tu des attentes spéciales concernant le show à Paris en compagnie du groupe Collapse ? Pas mal de gens attendent déjà cette prestation avec impatience...
J'essaye justement de ne pas trop m'avancer sur le sujet et de laisser venir les choses. Car je n'ai aucune idée d'à quel point nous pouvons être populaires et si oui ou non on ramènera beaucoup de monde, cela restera un mystère jusqu'au jour du show pour moi. Tu sais, nous ne sommes pas un groupe comme un autre, dans le sens où nous ne sortons pas d'album tous les deux ans avec une période de longue tournée entre les deux, nous n'avons pas les habitudes de ces grosses formations qui tournent presque comme des entreprises. Nous faisons tout cela pour le fun avant tout, nous ne nous mettons aucune pression particulière et, lorsque nous prévoyons des concerts, nous essayons toujours d'être raisonnables en choisissant des salles pas trop grandes afin d'être sûr que le public soit au rendez-vous. Il s'agira ici d'une première à Paris, il y a beaucoup d'excitation mais aucune certitude ! Ce sera en tout cas quoiqu'il arrive très intéressant comme évènement.
Le dernier album à date d'Armored Saint est sorti il y a deux ans. Quel regard portes-tu sur La Raza avec un peu plus de recul ?
J'en suis plutôt fier encore aujourd'hui, je pense qu'il s'agit d'un disque honnête sur lequel nous ne nous étions mis aucune pression particulière. Nous ne l'avons pas abordé avec le stress du "comeback album", loin de là, on l'a composé tranquillement en prenant notre temps et en laissant venir les choses afin qu'il soit prêt au moment adéquat, sans se fixer de deadline au préalable. Nous avons écrit un peu au jour le jour, au départ nous n'avions pas comme optique finale de sortir l'album, ce n'est qu'après un certain nombre de chansons que les choses se sont mises naturellement en place. La Raza est ce qu'on appelle un opus très humain, très organique, réalisé entre potes. J'y ai écrit pas mal de paroles sur des sujets qui me touchaient beaucoup à l'époque. C'est un CD qui aurait pu sortir à la fin des années 70 tant son approche me fait penser à des albums comme Obsession de UFO ou Sin After Sin de Judas Priest.
Le groupe fête cette année ses 30 ans, est-ce qu'une surprise spéciale est prévue pour fêter cet anniversaire ?
Pour te dire la vérité nous n'avons pas trop réfléchi à cela, c'est vrai qu'au fond nous sommes fiers de cette longévité malgré le fait qu'on ait eu une période vide dans les années 90 lors de notre séparation. Nous avons commencé à jouer ensemble à l'âge de 19 ans, cela ne date pas d'hier, et c'est vrai qu'à l'époque on avait un peu ce rêve de jouer des mega concerts et de gagner énormément d'argent... mais ça n'est pas arrivé ! Cependant nous avons réalisé un objectif plus important à nos yeux aujourd'hui : nous avons laissé une trace dans l'esprit des gens et dans la petite histoire du heavy metal avec des albums, je pense, qui restent encore très marquants aujourd'hui pour pas mal de personnes. Surtout si on prend les exemples de March of the Saint et Symbol of Salvation. En soit c'est déjà une réussite.
Sur une note plus triste, est-ce que la disparition de Dave Prichard il y a 22 ans déjà reste encore dans les mémoires ? Quels souvenirs avez-vous gardé de lui ?
On y pense constamment, c'était vraiment quelqu'un d'important pour nous. Un véritable passionné avec un tempérament de feu, à l'image de sa chevelure rousse, un guitariste à part qui avait sa propre personnalité. Son talent était très certainement sous-estimé, il avait un jeu unique bien à lui et il a fait le son d'Armored Saint. En un sens il est toujours parmi nous et fera à jamais partie du groupe, nous sommes tous très soudés autour de sa mémoire. D'ailleurs, je pense que c'est sur ce point que nous pouvons être les plus fiers, nous avons gardé pratiquement le même lineup depuis le début du groupe et c'est franchement devenu très rare dans le monde de la musique ! Il y a pas mal de formations dont le lineup nous est presque inconnu aujourd'hui alors qu'ils ont débuté il y a des dizaines d'années... Je suis heureux que cela ne soit pas notre cas, nous gardons la même base avec Joey Vera, les frères Phil et Gonzo Sandoval, et même Jeff Duncan qui a remplacé Dave mais qui traînait déjà beaucoup avec nous avant. C'est quelque chose de spécial, Armored Saint est comme une famille.
Parlons de l'avenir du groupe... 9 ans entre Symbol of Salvation et Revelation, 10 ans entre ce dernier et La Raza, est-ce que les fans devront attendre 2021 pour le prochain opus ? (rires)
Franchement ce serait un peu dommage car nous serions très très vieux (rires) ! Et je ne pense pas que ça jouerait à notre avantage, enfin... (rires) ! Je pense que nous ferons un autre album, ce sera quelque chose de sympa, mais nous n'avons rien prévu encore dans ce sens. Il n'y a aucune chanson d'écrite, j'ai bien quelques idées en tête mais nous en sommes pour le moment à des balbutiements de direction musicale disons, certaines choses que j'aimerais bien exploiter avec le groupe mais nous n'en avons pas encore véritablement parlé ensemble en profondeur. A vrai dire je n'en ai parlé qu'avec Joey, à lui de voir les chansons qu'il a envie d'écrire à partir de là, de toute façon nous prendrons notre temps et nous verrons bien quand les chansons naîtrons et lorsqu'elles seront dignes de figurer sur un nouveau disque. Maintenant il est vrai que tu soulignes un point important : Armored Saint n'est pas un groupe qui sort énormément d'albums... Mais nous pensons qu'il n'est pas nécessaire de sortir un CD pour partir en tournée et faire quelques shows, nous faisons en quelque sorte ce que nous voulons sur ce point et c'est bien mieux ainsi. Nous laissons venir l'inspiration à nous, nous fonctionnons bien mieux comme cela, il faut que ce soit naturel et passionné.
Peut-on espérer un album Live ou DVD pour patienter par exemple ?
C'est en effet une forte possibilité, nous en avons déjà parlé. Nous aimerions pouvoir sortir un Live avec un bon son, avec un concert sympa enregistré où nous jouerions tous les grands classiques d'Armored Saint. C'est quelque chose que nous n'avons jamais vraiment pu faire, quelque chose de qualité sur un seul show filmé en continu. Bien sûr nous avons sortis quelques VHS et DVD mais il s'agissait plus de bootlegs ou d'enregistrements au hasard... Voici ce qui pourrait être un objectif pour une sortie pourquoi pas en 2013, qui sait ? Ce serait une bonne occasion de fêter nos fameux 30 ans par exemple.
Sur une note plus personnelle, est-ce qu'il t'arrive parfois de regretter de ne pas être devenu le chanteur de Metallica comme James Hetfield te l'avait proposé avant et même après Kill 'Em All ?
Tu sais, avec le recul, je me rends compte que ce n'était pas mon destin. Je n'étais pas destiné à devenir le chanteur de Metallica. Le pire c'est que si j'avais accepté, cela aurait tout changé, peut-être même l'histoire du metal... C'est bien pour cette raison que je pense finalement avoir fait le "bon choix", d'autant plus que James était totalement fait pour être et rester le seul et unique chanteur de Metallica. Il a énormément progressé et gagné en charisme avec le temps, jamais un Master of Puppets ou même un Black Album n'aurait pu être aussi fort sans lui au micro. Il y fait des performances extraordinaires. Après certains me disent que je n'aurais jamais dû rejoindre Anthrax et choisir Metallica avant, mais je leur réponds qu'au contraire cela aurait été une énorme erreur pour moi de ne pas devenir le chanteur d'Anthrax. A cette époque j'avais besoin d'un break, de voir autre chose et de tenter une nouvelle expérience, Anthrax m'a permis cela. Or devenir chanteur de Metallica n'a jamais été dans mes objectifs, à l'époque je ne le sentais pas comme ça.
Presque 30 ans après vous vous êtes retrouvés sur scène d'ailleurs pour l'anniversaire de Metallica où tu as chanté avec eux "The Four Horsemen", était-ce un moment particulier pour toi ?
C'était vraiment spécial oui, un des meilleurs moments que nous ayons connu avec le groupe car nous avons tous participé ce soir-là. Ils nous ont même introduit aux fans en nous faisant monter sur scène. Ensuite, quand je suis venu chanter avec eux, c'était juste magique... après toutes ces années, c'était vraiment fort.
D'ailleurs si tu devais choisir une seule chanson de Metallica, ta préférée...
"The Four Horsemen"... ça tombe bien non (rires) ? En fait c'est amusant car avant ce concert des 30 ans, Lars Ulrich et moi avons eu une conversation afin de savoir quelle chanson du premier album Kill 'Em All j'aimerais chanter avec eux. Il m'a laissé réfléchir et ensuite j'ai pas mal hésité, je me suis réécouté le disque plusieurs fois, j'ai même demandé à des amis de m'aider à choisir - parmi eux Joey Vera. Au final, que ce soit mes amis ou moi-même, nous avons retenu "The Four Horsemen", c'était d'ailleurs le choix idéal.
Je me suis donc mis à m'entraîner sur cette chanson, uniquement sur celle-ci d'ailleurs, et l'ironie du sort a voulu que Lars revienne vers moi quelques jours après en me disant : "Ca te dirait qu'on fasse The Four Horsemen ensemble finalament ?" ... un coup de chance car j'ai beau adorer Metallica, je ne suis pas forcément un expert pour m'adapter en si peu de temps sur n'importe lequel de leurs titres, là au moins j'avais gagné du temps un peu par hasard. Tout ça a donné un résultat vraiment cool pour une soirée super sympa et inoubliable.
Une soirée assez intense avec notamment le come-back de King Diamond si je ne me trompe pas dans les dates ?
Oui, c'était un moment spécial, il y avait vraiment du beau monde ce soir là. Le King avec Mercyful Fate, mais aussi Lou Reed, Marianne Faithful, le chanteur de Sweet Savage (l'un des premiers groupes de NWOBHM), Kid Rock... sans compter les autres soirs ! Ils ont su ramener de belles personnalités et ainsi rendre un bel hommage aux groupes et artistes qui les ont inspiré tout au long de leur carrière, c'était assez émouvant par moments.
Evidemment ta carrière a également été marquée par l'épisode Anthrax... Tu as chanté sur cinq albums du groupe entre 1993 et 2004, gardes-tu de bons souvenirs de cette période ou préfères-tu ne plus trop y penser aujourd'hui ?
Oh franchement j'ai d'excellents souvenirs de cette époque, on a fait quelques shows vraiment superbes et je suis fier des albums que nous avons faits ensemble. Cette période est arrivée au bon moment pour moi, être dans Anthrax était une excellente chose à cet instant de ma carrière. Après forcément on peut regretter que le groupe à l'époque ait trop été comparé à la période où Joey Belladonna en était le chanteur, une comparaison logique en somme mais je ne comprenais pas pourquoi certains s'efforçaient à faire un choix. On pouvait être fan et apprécier ces deux visages d'Anthrax, ce n'était pas impossible. Par exemple je suis personnellement un grand fan d'AC/DC avec Bon Scott et Brian Johnson, peu importe, pourtant la plupart des gens font souvent la distinction. Idem avec les Black Sabbath version Ozzy et version Dio...
Quand j'ai rejoint Anthrax, le groupe était prêt à faire quelque chose d'un peu différent, et je pense que nous y sommes arrivés. Je ne regrette rien et je suis persuadé que les autres membres non plus. On a joué ensemble parmi les plus grands shows de l'histoire du groupe, cela restera donc un très bon chapitre de ma vie.
Tu es même revenu brièvement en 2009 et 2010 avant finalement que Joey Belladonna ne soit choisi... Etait-ce parce que tu voulais te concentrer sur Armored Saint ?
Je pense que ce n'était pas le bon moment pour moi de revenir, je n'avais pas ce feeling qui m'aurait permis de sauter le pas. Cela n'aurait pas été logique ni juste que je revienne à ce moment-là. Quand on y pense, leur dernier album studio datait de notre époque en commun, je me voyais mal revenir alors qu'ils n'avaient pas véritablement débuté une nouvelle période, ou que plutôt au contraire ils en avaient déjà démarré une nouvelle dans leur esprit. Ils avaient besoin de changement, et les gens attendaient plus un retour de Joey derrière le micro. C'est ainsi que je ressentais les choses et je pense qu'au fond d'eux-même c'est comme cela qu'ils voyaient la suite des évènements, je ne faisais pas partie de l'alchimie du moment.
As-tu d'autres projets en vue comme un album solo un jour par exemple ?
(rires) Un album solo, ce serait intéressant... Il y a quelque chose en moi qui aimerait bien, même si je m'imagine très mal sortir un album sous mon propre nom, je ne pense pas que ce serait quelque chose de correct. Il y a des choses que musicalement j'aimerais encore accomplir et qui restent à faire, donc je ne sais pas... Peut-être qu'un jour je mettrais ce projet en marche, bien que je lui trouverais un autre nom que le mien, il faudra que cela arrive au meilleur moment avec des personnes de confiance autour de moi. Je ne me considère pas comme un grand musicien, je peux jouer de la guitare ou de la basse mais j'aurais vraiment besoin de bons artistes à mes côtés si je me lançais dans une telle aventure. Au final ce serait plus un projet en collaboration avec d'autres personnes qu'un album solo je pense.
Musicalement, qu'est-ce qui t'intéresse aujourd'hui ? De vieux classiques du metal ou t'autorises-tu également la découverte de nouveaux groupes ?
J'essaye d'écouter de tout, je suis potentiellement inspiré par divers styles de musique. J'ai un bon magasin de musique près de chez moi, je m'y rends assez souvent afin de compléter ma collection ou pour y acheter quelques nouveautés dont j'ai entendu parler et que j'ai couché sur une liste. Il m'arrive même d'acheter un peu au hasard sur un coup de tête, parfois je tombe sur un truc pas top mais il m'arrive d'être agréablement supris comme ce fut le cas par exemple avec le dernier album des Foo Fighters.
Cependant je n'écoute pas que du metal ou du rock, je me fais pas mal de disques jazz mais aussi quelques oeuvres de musique classique. Tu sais, j'écoute beaucoup de musique pour enfants aussi, j'ai une fille et un fils donc forcément j'écoute ça avec eux de temps en temps. Après, quand je pars faire mon jogging, je mets mon lecteur MP3 en mode lecture aléatoire et je laisse venir le son quel qu'il soit.
Merci beaucoup pour cet entretien John. Quelques derniers mots à rajouter ?
J'espère qu'on s'amusera beaucoup avec vous quand nous viendrons jouer avec Armored Saint, nous avons vraiment hâte d'enfin nous produire en France. Ce sera un moment d'excitation particulière, comme toute première fois. En croisant les doigts pour que le public soit au rendez-vous, il faut que ce soit une vraie fête ! Nous devons prouver aux promoteurs qui n'étaient pas intéressés par nous jusque là qu'ils ont eu tort, ce sera un bel objectif. Merci pour ton intérêt et à bientôt !