Il faut bien l’avouer, une tournée rassemblant les deux poids lourds du doom death finlandais que sont Insomnium et Swallow The Sun est immanquable, surtout lorsqu’elle n’est composée que de six dates. C’est ainsi l’occasion d’aller visiter la petite ville de Seinäjoki perdue dans l’Ouest finlandais et pas des plus jolies soit dit en passant. Sous les coups de 21 heures, arrivée dans le Rytmikorjaamo et véritable coup de cœur pour cette salle simple mais magnifiquement arrangée. Le public arrive sans se presser et la barrière est désespérément vide quand la première partie Pressure Points monte sur scène.
Pressure Points
Clairement outsider de la soirée, les cinq Finlandais de Pressure Points n’avaient pas intérêt à se laisser démonter par le manque d’enthousiasme de la foule. Et pour ce soir la mission a été accomplie avec brio !
Il faut dire que la musique du groupe est vraiment originale. Sur le papier, on attendait rien de plus qu’un énième groupe de death mélodique mais c’est bien vers les sphères du prog que s’oriente Pressure Points, avec énormément de réussite. Le clavier de Veli-Matti Kyllönen distille des mélodies très 70’s alors que des morceaux comme "Electric Shadows" rappellent souvent Opeth sans être une vulgaire copie.
Les musiciens bénéficient d’un son correct même si il noie légèrement le clavier au milieu des autres instruments. C’est la section rythmique qui tire son épingle du jeu, le batteur Vili Auvinen fait office de force tranquille, enchaînant ses changements de rythme sans sourciller pendant que son compère bassiste nous envoie de bonnes vibrations tout au long du concert. Ce qui fait aussi plaisir à voir c’est la mobilité et la complicité des membres du groupe, toujours en train de s’entrecroiser avec le sourire. Tous essayent de motiver un peu les spectateurs en les faisant taper dans les mains, ce qui s’avèrera souvent infructueux mais l’essentiel est d’avoir essayé !
Les compositions approchent pour la plupart les dix minutes et sont souvent imprévisibles, le maître mot du groupe étant la variation. On peut très rapidement passer d’un break jazzy à une rythmique thrash tandis qu’au niveau du chant, ils sont trois à occuper le poste pour de belles variations entre growls et chants clair. La précision dans la restitution des titres est assez impressionnante, notamment au niveau des solos de guitares là aussi rendu bien variés grâce à l’utilisation des pédales. Kari Olli et Jaakko Lehtinen se les partagent et leur exécution se fait sans aucune fausse note.
Après trente minutes qui ont paru en durer dix, Pressure Points tire sa révérence devant un public assez passif sur l’ensemble. Dommage pour le groupe, vraiment sympathique et avec des compositions tenant bien la route. Une belle découverte qui aura su se hisser au même niveau que les deux têtes d’affiche de la soirée.
Swallow The Sun
Swallow The Sun se fait de plus en plus rare sur scène et c’est donc un plaisir de les retrouver sur cette tournée, avec un temps de jeu conséquent de plus d’une heure. Entre temps, l’énorme triple album Songs From The North est passé par là et l’envie d’entendre ses titres en live était plus forte que jamais. Autant dire tout de suite que le sextet n’a pas déçu.
Si vous n’avez pas apprécié le Swallow The Sun acoustique de Songs From The North, le live risque en revanche de vous décevoir. Le groupe a décidé de diviser son concert en deux parties : une électrique et une acoustique. C’est donc sur des tabourets et dans une ambiance intimiste que le concert commence, au son de « The Heart of The Cold White Land » après le superbe « Push The Sky Away » de Nick Cave and the Bad Seeds en guise d’introduction.
Sur scène, le groupe est accompagné de Jaani Peuhu qui fait également quelques guests sur l’album. On sent dès le départ que Mikko Kotamäki n’est pas en grande forme vocale mais l’interprétation tout en sobriété des musiciens va vite aider l’émotion à arriver sur de superbes titres comme « Pray For The Wind To Come », « Autumn Fire » ou « Songs From The North » où la voix samplée de Kaisa Vala colle des frissons à toute la salle.
Il est clair que le choix de commencer par quatre morceaux acoustiques peut diviser, certains trouvant le choix ennuyeux. Il n’en reste pas moins que tous ces morceaux sont remarquablement interprétés et apportent de l’originalité à défaut de dynamisme. Certains se demandent légitimement si le set entier se passera ainsi mais les balances de « Rooms And Shadows » avant l’ouverture des portes trahissaient déjà un retour à l’électrique. C’est chose faite sur « 10 Silver Bullets » où les musiciens quittent leur attitude réservée pour se lâcher davantage, à l’image du bassiste Matti Honkonen et du claviériste Aleksi Munter qui viennent haranguer le public sur l’avancée de scène.
La basse est d’ailleurs la grande gagnante du (très bon) mix, permettant de se rendre compte à quel point elle cimente de façon indispensable les compositions de Swallow The Sun. La musique prête à la contemplation et comporte peu d’accélérations mais lorsqu’il y en a, quelle furie ! Le riff de « 10 Silver Bullets » est tout simplement un modèle d’efficacité dans le genre et alors que Mikko a du mal en chant clair, son growl est irréprochable.
Les cinq autres membres du groupe sont également irréprochables sur leurs instruments, à commencer par la paire de guitariste Juha Raivio - Markus Jämsen qui déroule la partition doom death, sans aucune fioriture. Aucun accroc ne vient perturber le set mis à part quelques petits larsens désagréables, rien de grave cependant. Le public est toujours assez clairsemé mais la plupart des spectateurs sont connaisseurs et observent la prestation religieusement.
Pour terminer le set on a droit à « New Moon » et « Descending Winter » issu du premier album des Finlandais. Vraiment dommage de ne pas avoir pu caser un morceau funeral doom du dernier album tel que « Abandoned By The Light » par exemple, mais le groupe a déjà joué 1 heure 10 et n’a pas le temps de jouer plus que ces neuf titres.
Swallow The Sun aura donc livré un set original et intimiste où l’émotion aura eu vite fait de surgir de la musique si particulière du groupe. Si les anciens fans pourront regretter une setlist beaucoup trop axée sur le dernier album, la beauté de la performance effacera toutes les critiques et nous aura totalement conquis. Vivement que se présente l’occasion de les revoir en tête d’affiche.
Setlist:
The Heart of a Cold White Land
Pray for the Winds to Come
Autumn Fire
Songs From the North
Before the Summer Dies
10 Silver Bullets
Rooms and Shadows
Hate, Lead the Way!
New Moon
Descending Winters
Insomnium
Impossible de le nier avec les chiffres impressionnants des premiers jours de vente de Winter’s Gate, Insomnium est devenu un poids lourd de la scène metal, capable de remplir de grandes salles dans son pays d’origine en tout cas.
Le groupe arrive sur scène sans Ville Friman, remplacé pour l’occasion par Kari Olli de Pressure Points. C’est parti pour l’intégralité du nouvel album puisqu’il consiste en une seule et même chanson. On a pendant quelques secondes la peur de revivre le set du Hellfest avec un son affreux mais le tout se clarifiera rapidement et donnera un ensemble correct, même si on aurait pu en attendre mieux au vu du rendu des deux groupes précédents.
Winter’s Gate et ses quarante minutes de musique ne seront pas jouées sans interruption puisque le groupe peut prendre le temps de se reposer pendant les parties samplées. Il faut reconnaître que l’alternance entre les parties doom et les parties plus death est plutôt réussie et que la pièce ne fait absolument pas tâche dans la discographie des Finlandais. Mais une fois le tout terminé, on se rend compte que la retranscription live est un cran en dessous des anciennes chansons. Manque de répétition ? Album moins accessible ? Sûrement un peu de tout cela, mais force est de constater que le groupe ne se lâche pas autant que sur la suite, mis à part sur la septième et dernière partie de Winter’s Gate, la plus intense.
Qu’à cela ne tienne, le concert peut véritablement commencer avec un « Mortal Share » dantesque qui réveille les premiers et seuls moshers de la soirée. L’intensité monte d’un cran et les musiciens semblent libérés, Niilo Sevänen motivant d’une main de maître son public avec ses invectives. Le leader est irréprochable au chant comme à la basse et a toujours ce tic plutôt amusant de faire les cornes du diable dès qu’il joue une corde à vide.
Le chant clair de Kari Olli n’a rien à envier à celui de Ville Friman et il est bien plus mobile que le guitariste habituel, cherchant sans cesse la compagnie de Markus Vanhala, toujours aussi expressif de son côté. Mais le pauvre Kari doit remplacer Ville au pied levé, ce qui engendre quelques pains à la guitare, notamment sur « The Killjoy ». De même, Markus Hirvonen à la batterie n’est pas irréprochable, donnant une impression assez négative par rapport aux deux groupes précédents.
Cependant, l’ambiance est bonne sur scène comme dans le public. On aperçoit le claviériste de Swallow The Sun se faufiler dans le pit photo pour aller abreuver en vin Markus Vanhala qui n’en demandait pas tant ! Au niveau setlist, le groupe se focalise sur Above The Weeping World avec des titres absolument magistraux comme « Drawn To Black ». On peut légitimement être déçu de n’avoir aucun titre de One For Sorrow ou un seul d’Across the Dark (« Where The Last Wave Broke » repris en chœur par le public) et il est vrai qu’Insomnium a construit sa setlist de manière un peu douteuse, omettant même le tube « Down With The Sun » !
Heureusement, le groupe sort de son chapeau « Ephemeral » et « While We Sleep » avant de s’en aller sur « Weighed Down With Sorrow » devant un public conquis, qui acclame longuement les quatre Finlandais au moment du salut de rigueur.
Insomnium n’aura pas livré un set irréprochable, la faute à des conditions pas particulièrement favorables et à un choix de setlist étrange. Ne chipotons pas, le tout reste quand même de grande qualité pour qui n’est pas trop exigeant avec le groupe de Joensuu. La tournée vient de commencer et le quatuor doit se rôder, mais il n’empêche qu’avec la quantité d’éléments samplés dans leur musique en particulier sur le nouvel album, l’ajout d’un claviériste live serait sûrement une plus-value non négligeable. L’ensemble de la soirée aura en tout cas été à la hauteur de nos espérances.
Setlist:
Winter's Gate
The Gale
Mortal Share
Drawn to Black
Where the Last Wave Broke
The Killjoy
Ephemeral
The Promethean Song
While We Sleep
Weighed Down With Sorrow
Photos : VK Pictures huge thanks to him.