Entretien avec Mikael Stanne, chanteur de Dark Tranquillity

Connu et reconnu pour son charisme ainsi que son énergie lors des concerts, Mikael Stanne, chanteur de Dark Tranquillity, est un homme bavard et généreux. C’est ce que La Grosse Radio a pu constater lors d’un entretien téléphonique réalisé à l’occasion de la sortie du onzième album des Suédois : Atoma. Bien que manifestement fatigué par trois jours passés au téléphone, Mikael Stanne n’a pas été avare en parole et nous a raconté l’histoire cette nouvelle production (et plus encore) avec beaucoup d’humour et de gentillesse.

Karnogal : Bonjour Mikael et merci pour cette interview. Je te propose de parler d’abord du line up de Dark Tranquillity avec une arrivée et un départ. Commençons par la bonne nouvelle, vous avez enfin votre nouveau bassiste officiel. Je te laisse nous le présenter.

Mikael Stanne : Avec plaisir ! C’est un très, très vieil ami. Il s’appelle Anders Iwers, en fait je crois que c’est mon plus vieil ami. Nous avons grandi ensemble à Göteborg, joué dans plusieurs groupes quand nous étions adolescents. C’est un bassiste talentueux qui joue dans un groupe que tu connais peut-être, Tiamat. Je pense que tu veux que je te dise comment il a rejoint Dark Tranquillity. Début 2015 nous en avions assez de jouer sans bassiste. Il était en pause avec Tiamat et je lui ai demandé si, en tant que vieil ami, il avait aussi le temps de jouer avec nous. Mais à ce moment il voulait faire une pause également, du coup il a fini par nous rejoindre pour quelques festivals d’été. Dès le début, il a apportait quelque chose d’énorme dans notre vie et sur scène. C’est vraiment quelqu’un de génial.

Il me semble qu’il a d’ailleurs un petit frère qui joue aussi de la basse dans un groupe que tu connais bien…

Oui absolument ! Peter qui est le bassiste d’In Flames. Lui aussi est un ami de longue date et un très bon bassiste. C’est vraiment cool d’avoir un Iwers dans son groupe et de voir qu’après toutes ces années nous sommes toujours proches, on est old-school dans Dark Tranquillity (rires) !

Nous allons parler d’In Flames un peu plus tard. Maintenant, j’aimerais parler de la triste nouvelle : après 23 ans dans ton groupe, Martin Henriksson a décidé de vous quitter. Comment as-tu vécu le départ de celui qui était, j’imagine, plus qu’un ami ?

Bien sûr, c’est un véritable frère. En fait, je me suis vraiment demandé « comment continuer sans lui ? ». Je veux dire, Martin était là depuis le début, il avait une présence tellement énorme. La chose qui va vraiment manquer, c’est sa présence. Peu importe ce dont tu avais besoin, en studio, en concert, en festival, dans la vie, il faisait toujours tout pour t’aider. Tu vois c’est le genre de mec qui ne fait que devenir meilleur et veut te rendre meilleur, il était toujours sur son matos à l’entretenir et à jouer, jouer et jouer. Même son départ était parfait, il ne nous a pas dit « mes amis, je quitte le groupe pour me consacrer à ma famille », il nous a dit « les gars je veux rentrer chez moi et m’occuper de ma famille, je ne suis plus à 100 % dans ce que nous faisons, mais je termine la tournée, je vous aide à préparer le nouvel album, je vous aide à trouver un remplaçant et après j’y vais ». Tu vois, c’ était ça son état d’esprit, toujours aider. À la fin il était presque un manager. Je respecte tellement Martin et son choix. Bien sûr nous sommes encore en contact. Et je sais qu’il est heureux et qu’il va bien. Mais la première fois que j’ai joué sur scène sans lui, tout semblait si différent.

Du coup est-ce que Jens Florén qui a remplacé Martin sur scène est votre nouveau guitariste, officiel je veux dire ?

Non, pas du tout (rires) ! Il va bientôt retourner dans Lommi, son groupe. Il ne devrait pas y avoir de nouveau membre officiel avant un moment. Cependant nous n’allons pas faire comme sur la tournée de Construct où la basse était remplacée par des samples, nous allons trouver un guitariste, j’ai quelques idées en tête.

Eh bien merci pour ces précisions sur le line-up, il est donc temps de parler de Atoma et surtout de sa genèse. Vous avez joué plus de 160 concerts à un rythme très soutenu pendant deux ans. On se demande du coup quand vous avez eu le temps d’écrire ce nouvel album. Et on se demande même quand vous trouvez le temps de dormir…

Je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai dormi correctement (rires) !  C’est l’hiver dernier, en novembre/décembre, après une pause, que nous avons commencé à nous retrouver et à regrouper nos idées pour un nouvel album. On a d’ailleurs acheté pas mal de matériel pour Atoma. Nous avions donc du bon matériel, des bonnes mélodies, des bonnes idées, mais nous avons un petit mal géré notre temps, on se disait « allez faut y aller, allez faut y aller » mais nous ne commencions jamais à travailler vraiment sur l’enregistrement. J’ai fini par dire « Putain, nous avons tout ça, plein de chanson et qu’est ce qu’on est en train foutre ? Rien ! ». La composition de cet album commençait à devenir très, hmmm comment dire, très stressante. Nous avons donc décidé de prendre un peu de temps en plus pour nous reposer plutôt que de rentrer en studio en janvier. Au final nous nous sommes retrouvés au printemps et c’était fantastique, nous avons un très grand plaisir à nous retrouver en studio et pour les quelques dates à venir. Il y a quelque chose dans Atoma, quelque chose de vraiment profond et personnel. Et je pense que les gens devraient l’aimer (rires).

Les titres des albums de Dark Tranquillity ont toujours un sens assez profond. C’est une question assez classique mais que signifie « Atoma » ?

Avec cet album, nous avons voulu nous intéresser à quelque chose qui m’attire depuis longtemps : « comment interpréter la condition humaine ? », « qu’est ce qui fait ce que nous sommes ? ». C’est très philosophique (rires). Avant je m’intéressais surtout aux choses irrationnels comme les croyances ou comment les gens agissent en fonction des choix qu’ils ont. Souvent avec un regard négatif. Atoma s’intéresse à quelque chose de plus positif, de nouveau, de puissant. Ce n’est jamais facile de trouver. Ce titre est simple mais il n’a pas été facile de le trouver et lorsque celui-ci a été proposé, nous l’avons tous trouvé fantastique.

Il est également difficile de comprendre cette « chose » assez complexe qui se trouve sur la pochette de l’album. Je suppose qu’elle a été dessinée par Niklas. Qu’est-ce que c’est ?

Je ne sais pas, et tu dois le deviner toi même (rires). Sinon il faut que tu demandes à Niklas puisque oui, c’est lui qui l’a dessinée. Mais je pense que ça traduit assez bien l’esprit de l’album : La naissance des choses, la naissance de la vie. A quoi ressemblons-nous quand nous ne sommes que quelques atomes ? Mais pour moi ça ressemble plus à un zombie (rires) ! Je trouve aussi, que c’est un très beau dessin, sur lequel nous avons tous donné un avis, c’est peut-être pour ça qu’il ne ressemble pas à quelque chose (rires) !

Tu parles de zombie, et cela tombe plutôt bien car j’aurais aimé parler du premier titre d’Atoma, « Encircled ». Il est vraiment original et sonne un peu comme la bande originale d’un film d’horreur. Peux-tu nous en parler ?

Bien sûr. Je crois qu’il représente assez bien les débuts de l’album, je veux dire, quand nous avons commencé à travailler dessus, il est assez angoissant. Comme je t’ai dit, nous avons aussi voulu apporter quelque chose de nouveau dans la musique. C’est vrai qu’il y a quelque chose qui sonne comme un film d’horreur, surtout au niveau des claviers. Par ailleurs, Martin (Brändström, claviers) a beaucoup travaillé à cette composition. Dans Dark Tranquillity, nous écrivons tous ensembles, toujours, et c’est vrai que nous avons beaucoup travaillé sur "Encircled".

Même question pour un morceau vraiment unique : Absolute, un morceau très calme où ne fais aucun growls. C’est morceau assez spécial je me trompe ?

Non tu ne te trompes pas. Cette chanson est très personnelle, je veux dire que quand j’ai écrit les paroles, je ne savais pas trop ce que je pouvais en faire. Je ne voulais pas quelque chose d’énergique ou du death metal par exemple. Ce morceau est né petit à petit, c’est ça qui est cool quand tu travailles sans producteur, c’est que tu peux faire des petites choses en plus sans pression. Je me suis fais plaisir, il n’y a que du chant « clean » en effet et une ambiance qui ne nous ressemble peut-être pas beaucoup. C’est pour ça que tu la trouveras en bonus (rires).

C’est vrai que vous travaillez en solo depuis quelques temps…

Absolument, c’est le troisième album que nous faisons nous même et nous sommes très contents du résultat. Travaillé dans le studio de Martin Brändström à Götheborg, il est vraiment très méticuleux quand il travaille dans son studio et l’ambiance est vraiment géniale.

J’aimerais maintenant parler du death mélodique et plus particulièrement d’un groupe que tu connais bien : In Flames. Cette année Dark Tranquillity et In Flames vont sortir un nouvel album dans le même mois. Je pense que cela peut-être intéressant de te demander ton avis sur la carrière d’In Flames, 23 ans après avoir été leur chanteur sur Lunar Stain…

Oui c’est une question intéressante… Je crois que finalement le plus incroyable c’est quand je me revois gamin avec Anders (Fridén, chanteur d’In Flames) et que je jouais de la guitare dans Dark Tranqullity et où il était chanteur. À cette époque on ne savait pas ce qui nous attendait. Qui aurait pu dire que nous allions faire plus de dix albums chacun ? Pour moi ce qui s’est passé est incroyable et fantastique. Et je crois qu’ils sont comme nous, toujours à attendre la sortie de notre nouvel album et voir ce que nous sommes devenus. Je pense que leur musique a beaucoup plus évoluée que la nôtre. Ce n’est plus le vieux metal de Göteborg (rires) !

C’est amusant que tu parles de ta musique comme le metal de Göteborg. Il y a deux ans j’avais posé une question similaire à Björn Gelotte, le guitariste d’In Flames, qui me disait aussi qu’à l’époque on appelait ça le metal de Göteborg…

Mais c’est la réalité, à cette époque là, le death mélodique d’aujourd’hui n’existait pas et c’était très dur de jouer ailleurs qu’à Göteborg ou dans d’autres villes de Suède. Je pourrais te dire la même chose pour At the Gates, pour eux aussi c’était dur et aujourd’hui ils sont un groupe très connu.

Qu’as-tu d’ailleurs pensé d’At War with Reality, leur dernier album sorti il y a deux ans ?

J’ai adoré, oui, j’ai vraiment adoré. Ce que j’ai trouvé génial c’est que 20 ans après leur dernier album il n’ont rien changé, ce sont vraiment les « godfather » de Göteborg. Tomas Linberg (chanteur) est un vieil ami, j’étais tellement heureux pour lui et surtout impressionné par son chant qui n’a pas changé après toutes ces années.

Je voudrais terminer avec une question de « fans ». Lors de vos concerts, j’ai souvent discuté avec des gens qui se demandaient pourquoi vous ne jouiez plus de titres de The Gallery ou de The Mind’s I. Du coup je me lance et te pose la question.

Ooooooooh, je n’aime pas cette question (rires) mais je vais y répondre. Je comprends que nos fans puissent regretter qu’il n’y est presque plus de titres de The Mind’s I dans nos sets. Mais nous avons plus de 20 ans de carrière et nous sortons notre onzième album. Il y a deux ans, nous avons rejoué des morceaux de Skydancer car c’était ses 20 ans, c’était très plaisant et nous n’avions pas joué ces titres depuis des années.  Je comprends vraiment mais aujourd’hui faire une setlist équilibrée avec des anciens morceaux et des nouveaux, c’est impossible, im-po-ssible. Nous essayons de faire de notre mieux pour nos fans en live et proposer des morceaux qui plaisent à tout le monde. Et puis jouer les nouveau morceau est quand même beaucoup plus intéressant pour nous. Ce que je peux aussi te dire c’est que nous allons être en tournée en 2017 et the Mind’s  aura 20 ans, nous n’allons pas l’oublier.

Photos :  © 2016 Nidhal Marzouk
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.



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