Continuant à voguer sur les vagues du death mélodique à la vitesse d’un album tous les trois ans, Dark Tranquillity débarque donc en cette fin d’année 2016 avec Atoma. Une production qui a la dure tâche de succéder à un Construct qui brillait par son originalité et son efficacité. Un défi pas forcément relevé mais intelligemment contourné par le quintet suédois qui livre ici ce qui n’est pas sa meilleure œuvre, mais surement l’une de ses plus profondes. Explications.
A l’image d’un Projector en son temps, Construct avait marqué, en 2013, un sacré tournant dans la musique de Dark Tranquillity. Sans trahir ses fans, la bande de la terre sainte (Göteborg) avait insufflé à son death mélodique un vent de fraicheur à coup de compos toujours plus accrocheuses et en incorporant beaucoup de claviers. L’occasion également de confirmer à quel point Mikael Stanne pouvait exceller dans sa maîtrise du chant clair, quitte à laisser quelques afficionados sur le carreau. Enfin, ce dixième album avait été l’occasion pour DT de se lancer dans une magnifique tournée pour ses 20 ans, tournée qui comprenait un passage mémorable au Trabendo de Paris.
Forcément, les attentes sont grandes avec ce Atoma dont le visage est plutôt resté discret jusqu’à ces derniers jours où deux titres ont été postés sur la toile. La question qui demeure avant la symbolique première écoute reste évidemment « Dark Tranquillity a-t-il continué dans la même lignée ou bien est-il revenu à quelque chose de plus conventionnel ? ». Après la dite première écoute, la réponse est : «La deuxième idée, mais..».
En effet, il n’est pas question de retrouver dans Atoma la même « âme » que dans Construct qui se tournait vers des mélodies toujours plus accrocheuses et efficaces. Ici, l’idée est de se diriger vers un terrain connu mais avec un petit quelque chose de très sombre, de plus violent, qui fait que l’on ne peut qualifier cet album d’une copie d’un Damage Done ou d’un Fiction.
Théorie confirmée d’entrée par « Encircled », titre au combien bourrin et à l’ambiance travaillée façon « horror metal » que l’on pourrait aisément comparer aux compositions de The Vision Bleak (mais en bien plus crade). Mikael Stanne est au mieux de sa forme et montre que growler comme la bête enragée qu’il est ne lui fait guère peur. Un morceau qui renvoie inéluctablement aux premières heures de DT avec Skyforger et autres The Gallery (mais ça sera malheureusement le seul, ou presque).
La suite s’avère un peu plus conformiste avec le tube en puissance « Atoma » véritable merveille de simplicité et d’émotion grâce aux claviers Martin Brändström. Une compo taillée pour le live et on peut d’ores et déjà parier qu’elle servira d’ouverture aux futurs shows de la bande. « Foward Momentum » offre un belle alternance chant clair/growls, exercice ô combien maitrisé par le charismatique chanteur, et à l’ambiance oscillant entre lourdeur et mélancolie que l’on pourrait comparer à un « Nothing to No One » (Character).
Arrive ce qui est surement l’une des plus belles compositions d’Atoma, « Neutrality ». Dans la plus pure tradition de la musique du combo, rythmes rapides et riffs très accrocheurs s’enchaînent à merveille. L’occasion d’apprécier également le jeu du nouveau bassiste tant désiré depuis quatre ans, Anders Iwers, ami de longue date et grand frère de Peter Iwers, bassiste d’In Flames. Mais « Neutrality », c’est aussi un interlude complétement fou où un passage calme et enivrant précède un solo, non pas un solo, LE solo dont Niklas Sundin a le secret depuis plus de 20 ans : rien de techniquement fou, mais une mélodie vraiment catchy qui hypnotise et hérisse les poils. La magie du death mélodique, en somme.
La suite s’avère un peu plus convenue avec « Force of Hand » et « Faithless By Default » qui devrait tout même rappeler quelques bons souvenirs à ceux appréciant Damage Done. « The Pitiless », en revanche, apporte vraiment quelques choses d’assez frais, même si son introduction renvoie directement à « The Treason Wall » (Damage Done), grâce à un passage où les guitares sonnent de façon assez singulière, un titre, là encore, taillé pour le live.
L’album se termine là aussi de façon assez classique mais toujours très efficace avec entre autres « Our Proof of Life », petit frère de « Misery’s Crown » (Fiction), ou encore la très violente et old school « When The World Screams », épurée de claviers et où les guitaristes s’éclatent indéniablement. A noter également que la version « deluxe » d’Atoma propose deux morceaux bonus totalement singuliers : « The Absolute » et « Time Out of Place » où Mikael Stanne se lâche sur le chant clair et pourrait bien faire frissonner les plus stoïques des fans, une surprise très agréable.
On en vient donc à parler de la très bonne prod, autogérée par le groupe pour rappel, même si parfois le son de la rythmique semble un peu trop en retrait. On peut d’ailleurs reprocher à Anders Jivarp un jeu de batterie beaucoup moins recherché et inspiré que sur Construct, pour ne citer que cette galette. Mais dans l’ensemble, tout est parfaitement convenable. Enfin, on regrette évidemment le départ de Martin Henriksson après 21 ans de bons et loyaux services.
Plus l’album de l’émotion que de la révolution, Atoma fera indiscutablement plaisir aux fans de Dark Tranquillity. Il convient néanmoins de voir cette onzième production comme une bête qui doit dompter son maître pour que ce dernier l’apprécie, et non l’inverse comme c’est souvent le cas. Et une fois plongé dans les profondeurs d’Atoma, on a plus qu’une seul envie : y retourner encore et encore en se disant que DT n’a peut-être pas sorti ici un nouveau chef d’œuvre mais tout simplement un excellent album.
Note finale : 8,5/10