Après un début de carrière éparpillé mais prolifique (un EP et trois splits en deux ans), les deathsters américains de Gatecreeper, signés chez Relapse Records, passent la vitesse supérieure et nous proposent leur premier album avec Sonoran Depravation.
Quelques secondes du premier titre, "Craving Flesh", suffisent pour cerner le style pratiqué par le quintet arizonien: un death metal old school, très fortement influencé par la scène scandinave du début des années 90 (pensez Entombed, Grave, Dismember), les rythmiques martiales de Bolt Thrower et l'urgence déchaînée du hardcore/crust.
Au programme, donc, grosse distorsion tronçonneuse, riffs bien carrés, growl viril et rugueux et cavalcades D-beat.
Les riffs destructeurs et rythmiques briseuses de cou se succèdent et se ressemblent fortement sur les neuf titres de l'album, efficaces et concis. Tous durent entre deux et quatre minutes, à l'exception du dernier, "Grotesque Operations", qui étale sur presque six minutes des ambiances plus lentes, ainsi qu'il est désormais de coutume dans le genre.
On tape donc du pied de bon cœur, et on headbangue volontiers sur cette succession de titres simples et accrocheurs, pour peu que l'on soit sensible aux sonorités employées.
La production, œuvre du même Ryan Bram que sur le premier EP, a progressé: elle est pêchue et équilibrée, quoique la prise de son du chant pèche légèrement par moments. La patte de l'omniprésent Kurt Ballou (ici au mixage) se fait sentir, le bonhomme étant assez inévitable lorsqu'il est question de D-beat effréné et de Boss HM-2 poussée à fond.
Seulement voilà: c'est tout ce que Gatecreeper semble avoir à offrir. Les titres, si efficaces soient-ils, se ressemblent au point qu'il est difficile d'en retenir un plutôt qu'un autre, à part peut-être "Grotesque Operations", plus long et lent que le reste. Et si les morceaux ne se font jamais plus longs qu'ils ne devraient, aucun élément inattendu - pas même un solo - ne vient interpeller l'auditeur dans son écoute, hautement prévisible de fait.
On aurait souhaité que le groupe incorpore à sa musique - très appréciable, au demeurant - quelques éléments qui auraient fait de lui autre chose que le dernier arrivé d'une longue série de clones vénérant religieusement Entombed.
C'est là la réalité de la scène revival swedeath de ces dernières années: elle est très vivace, et animée par des musiciens sincères, mais peu de groupes en émergent réellement et durablement. A chacun de décider si elle est triste ou réjouissante.
Les fans du genre trouveront dans la musique impeccablement maîtrisée de Gatecreeper un fix d'une qualité indiscutable pour satisfaire leurs besoins en chainsaw sound et rythmiques viriles.
Mais si vous attendez plus, de la part des groupes que vous écoutez, qu'une reproduction sans prise de risque d'un genre musical extrêmement balisé - si scrupuleuse soit-elle - vous resterez sans doute sur votre faim. Seul le temps nous dira si le groupe choisira de persister ou non dans cette voie...