"Il se passe quelque chose dans l’immédiateté quand on joue quelque chose de nouveau devant un public qui l’entend pour la première fois. Il y a un sentiment d’urgence et d’excitation à cela. Aussi, vous savez instantanément si ça marche ou pas. Assez souvent, dans le passé, nous avons fini par changer des chansons et des arrangements enregistrés après les avoir joués en live. Nous avons pensé que nous pourrions essayer de faire l’inverse pour une fois." - Vincent Cavanagh. C’est par ces mots que le plus jeune frère Cavanagh nous invitait à venir découvrir quelques nouveaux morceaux du prochain album d'Anathema, entrecoupés par leurs arrangements les plus connus, toujours agréable à écouter. Seules onze dates européennes étaient réservées pour découvrir en avant-première ce futur opus. Et c'est bien les nouvelles compositions qui auront su captiver les fans ce soir-là.
Anathema, c'est une histoire de famille. Outre les trois frères Cavanagh (Daniel à la guitare, Vincent en accompagnement guitare + chant, et Jamie à la basse), le groupe compte encore deux membres d'une même famille : la chanteuse Lee Douglas et son grand frère John à la batterie, rôle qu'il partage avec Daniel Cardoso, tantôt sur les fûts puis derrière un clavier. Mais avant tout, c'est une histoire de passion à partager avec des passionnés. L'intimité de la salle d'Hérouville-st-clair, près de Caen, ne fait qu'accentuer ce sentiment de proximité, d'échange sans contrainte. Le cadre est très différent du dernier passage des Liverpuldiens dans l’hexagone en 2015 (pour rappel, il s'agissait d'une tournée acoustique avec une halte à l'église saint Eustache à Paris).
Les portes s'ouvrent vers 19H30, et le moins que l'on puisse dire, c'est que les amoureux de prog savent prendre leur temps. Personne ne se précipite réellement vers la scène, préférant déposer tranquillement ses affaires au vestiaire, s'arrêter au stand de merchandising, ou même commander un petit verre avant d'entrer dans l'enceinte où l'on attend le début de leur prestation.
La salle se remplit peu à peu, jusqu'à atteindre une bonne affluence (et afficher un retard de 45 minutes) et que les lumières ne s’éteignent pour laisser entrer le groupe sur une musique d'intro qui visiblement parlait bien à Daniel, ce dernier paraissant envoûter par le rythme lourd de celle-ci. Le Big Band Café est bien rempli, soit environ 600 personnes. On notera au passage qu’aucun groupe n’assure leur première partie.
Vient le premier morceau du concert, et il est nouveau : "Gotyou to". Très calme, très psychédélique. L’émotion ne nous laisse malheureusement pas le temps de le mesurer à sa juste valeur : nous sommes en début de concert et (trop) captivé par leur présence physique (certaines personnes du premier rang ont les coudes sur la scène, comprenez leur émoi). Ce titre est loin d’être mauvais, mais ne se situe vraisemblablement pas à la bonne place dans la setlist de ce soir. Un choix discutable, mais qui reste à l’appréciation de chacun.
Une fois celui-ci terminé, la formation anglaise reçoit un accueil mérité, et ils en exultent, avec ce petit "Ha ! La France ! " lancé par un Vincent un peu fatigué, nous expliquant dans un français très bien prononcé que trop de bière donne mal à la tête, et que les médicaments ne semblaient pas faire beaucoup d’effet ! Daniel tentera l’expérience de la langue de Molière, mais abandonnera assez vite au profit de sa langue natale, internationale.
Avant de continuer les hostilités, le chanteur nous dévoile le programme de la soirée : il y aura du nouveau, de l'ancien, et du vieux (quelques compositions de l'album Judgement concluant le concert).
Lorsque les premières notes du très aimé "Untouchable" se font entendre, "chanson" (comme le dirait Daniel avant d’introduire "John martyn", le 1er titre inédit) choisi par les Anglais pour rendre hommage aux victimes du Bataclan, on saisit que le concert vient réellement de commencer. Le son est très propre et nous permet d’apprécier leur performance sans perdre un musicien au passage. Les jeux de lumière sont très agréables et les couleurs utilisées sont dans le thème de ce à quoi Anathema nous a habitués principalement : du bleu, du rouge, du violet... Le backdrop est très beau, même s'il s'agit de celui de la tournée de Distant satellites. Les stroboscopes restent cependant le point faible de ce set, trop utilisés, même si cela n'engage que moi.
Les morceaux connus sont interprétés avec grande maîtrise ("Thin air", "Closer", "The beginning and the end"...), et le public apprécie notamment certaines réinterprétations apportées aux titres, tandis que les nouvelles compositions réclament une attention plus soutenue. Chaque conception inédite est introduite par une petite explication de la part de Daniel sur le contexte de l'écriture de cette musique.
Ainsi, c'est dans le plus grand respect (qui amène le plus grand silence) que le groupe nous présente "John Martyn", rythmé, mélodieux, l'excellent "Ghost" composé par Daniel Cardoso où la sublime voix de la chanteuse Lee Douglas nous emporte, portée par les sonorités si uniques à Anathema ! Le très surprenant mais somptueux "Springfield", alternatif à souhait, créé une atmosphère lourde, la mélodie répétitive de Daniel portée par la combinaison de la voix de Lee et Vincent nous offre un thème peu commun dans leur répertoire, qui sera sûrement encore plus appréciable sous casque lors de la sortie de l’album.
Les nouveaux titres sont interprétés jusqu'à la dernière note, le public ne voulant en aucun cas perdre une miette de ces pépites inédites par des applaudissements mérités mais trop précipités. Le sentiment que l'on ressent est difficile à expliquer, car au-delà de la découverte, le besoin de se poser quelques minutes pour analyser et d'échanger sur ce que l'on vient d'entendre est continuellement présent. Mais la bande ne nous en laisse pas le temps, enchaînant une série de morceaux déjà joués en concerts, dont "Distant satellites’’, où la prestation aux percussions de Vincent, en symbiose avec Daniel Cardoso et John, propulse le titre dans une autre dimension et nous donne des frissons !
Leur joie de vivre est communicante, et il ne plane aucun doute sur le plaisir que chaque membre éprouve à interpréter leurs nouveaux airs (et les anciens) devant nous.
Vient enfin la deuxième salve de compositions inédites : "Bricks" et le phénoménal "The Optimist".
Comme à l'accoutumée, "A natural disaster" permet aux fans de participer plus amplement à l'ambiance à l'aide de leur portable affichant une petite lumière, des petites étoiles dans la salle du BBC.
Le concert se finit comme ils nous l'avaient annoncé, sur les sons plus rock de l'album Judgement, pour un final sur une reprise de Metallica, "Orion".
Ce soir-là, Anathema a voulu changer les habitudes. Et la magie a pris. Le groupe nous a donné un véritable live bien complet, surfant sur cinq albums, cinq valeurs sûres, et prenant des risques avec les titres inédits proposés exclusivement en concert pour le moment. La communion entre les musiciens et le public offrait la perception d’avoir assisté à un concert « privé », très intimiste. Les deux heures et quart de show ont rappelé à leurs fans que le groupe est toujours présent, travaille dur, pour nous offrir un prochain opus orienté plus alternative/prog que jamais, et revenir (on l'espère !) nous le jouer en intégralité...peut-être fin 2017?
La setlist du concert "An evening with Anathema" au Big Band Café :
1. Gotyou to
2. Untouchable, Part 1
3. Untouchable, Part 2
4. Thin Air
5. A Simple Mistake
6. John martyn (inédit en France)
7. Ghost (inédit en France)
8. Springfield (inédit en France)
9. The Beginning and the End
10. Universal
11. Closer
12. Firelight
13. Distant Satellites
14. Bricks (inédit en France)
15. The Optimist (inédit en France)
16. A Natural Disaster
17. Deep
18. Pitiless
19. Forgotten Hopes
20. Destiny Is Dead
21. Orion (Metallica cover)
Un très grand merci à Lydia Houdrichon (Anathema France) de m'avoir permis d'utiliser ses photos.
Photographies : Lydia Houdrichon
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