Shape of Despair semble définitivement reparti du bon pied. Après nous avoir offert le superbe Monotony Fields l’an passé (leur premier album depuis plus de dix ans !), les Finlandais se replongent dans le passé cette année avec la sortie d’Alone in the Mist, première demo jamais éditée lorsque le groupe s’appelait encore Raven. De quoi remonter aux sources du funeral doom avec l’un de ses groupes pionniers, il y a de cela 18 ans.
De la formation actuelle, seule les deux guitaristes Tomi Ullgrén et Jarno Salomaa étaient présent à l’époque de l’enregistrement, lorsque Shape of Despair n’était qu’un trio. Après avoir enregistré cette démo qui n’est jamais sortie pour d’obscures raisons, le groupe a véritablement lancé sa carrière avec trois albums en quatre ans tout en gagnant une popularité certaine dans le milieu du doom et même au-delà. Et si les premières demos sont parfois cruellement mauvaises, celle-ci ne manque pas de qualités.
Sans introduction superflue, « Down Into the Stream » démarre 50 minutes monolithiques au possible. Difficile de se rendre compte que la chanson a changé sans jeter un œil à la tracklist. Le contenu n’est pas non plus une grosse surprise : un doom ambiant, calme et contemplatif sur lequel viennent se poser des nappes de claviers majestueuses. On retrouve là tout ce qui fait la beauté de ce sous-genre du doom metal popularisé par Skepticism à l’époque et développé de manière plus symphonique par Shape of Despair.
Henri Koivula ne devant rejoindre le groupe qu’à partir de 2004, c’est l’ex-batteur Toni Mäensivu qui se charge des growls sur cet album, des growls plus en retraits que jamais et surtout moins puissants que ceux d’Henri. Ce sont bien les instruments qui ont la part belle avec cette basse enrobant imperceptiblement les morceaux pour leur donner cette aura mystique, signature du combo depuis sa création. Si le growl n’était pas si grave et guttural, on aurait là un album tout à fait semblable aux ténors du black metal ambiant comme Paysage d’Hiver ou Alrakis.
Quelques leads de guitares viennent rompre la monotonie de l’écoute tout en restant minimalistes au possible. Le mot-d’ordre est surtout la répétition, la plupart des structures sont répétées à l’extrême pour un rendu hypnotique ou ennuyeux, selon les goûts. Il est donc bien difficile de faire ressortir une composition en particulier parmi les cinq titres mais « In the Mist » est sans doute celle qui retient le plus l’attention. Le riff montre l’évolution à venir pour Shape of Despair et le titre se retrouve d’ailleurs dans le premier véritable album des Finlandais, Shades Of… sorti en 2000.
Evidemment, Alone in the Mist est loin d’être la meilleure sortie de Shape of Despair. La production maison manque de profondeur pour nous immerger complètement dans les compositions monolithiques de l’album, notamment au niveau de la batterie dont le son vient parfois tirer l’auditeur de sa rêverie de manière assez désagréable. Cette démo ne s’écoutera de toute façon pas sans un excellent son bien isolé des bruits parasites au risque de n’en ressortir qu’avec un brouhaha vaguement ambiant et dénué de tout intérêt.
Loin d’être parfaite, cette genèse de l’histoire du groupe a le mérite d’être un bon album d’ambiant, propice à la relaxation et la mélancolie. Il ne faut pas aller chercher beaucoup plus loin dans ce coup d’essai auquel il manque plusieurs caractéristiques essentielles de la musique de Shape of Despair, notamment le chant féminin de Natalie Koskinen. À réserver aux fans les plus ardus du combo et de funeral doom en général, pour qui cette sortie est un joli témoignage de la naissance d’un genre bien à part. Une madeleine de Proust en attendant la prochaine livraison des Finlandais.