Oh, bah qu'est-ce qu'il nous a fait là, le père Blaze?! Ce n'est pas vraiment avec cette dernière offrande en effet que l'ex-Maiden (3ème chanteur historique de la formation anglaise, faut-il encore le rappeler?) va se faire encore des amis... Un nom aussi ronflant que The King of Metal, venant orner l'album d'un groupe qui porte depuis plusieurs années son nom, qui plus est avec sa trogne en gros plan sur la pochette (certes retouchée mais pas encore au point d'en devenir méconnaissable), il fallait oser ou bien être d'une prétention à toute épreuve d'autant que le contenu - autant le dire tout de suite - ne sera pas à la hauteur des attentes face à un tel titre.
Mais peut-être l'approche est-elle plus subtile qu'il n'y paraît, et que notre homme aura voulu en définitive délivrer un tout autre message : ne jamais se fier aux apparences, "ne jamais juger un livre à sa couverture" (pour reprendre une célèbre expression anglo-saxonne), et un album à sa pochette par la même occasion... Un peu à la façon d'un de ses pères spirituels, Ronnie James Dio, qui se jouait de nos conceptions du Bien et du Mal sur la pochette d'un certain Holy Diver (dont nous devrions vous reparler bientôt, mais je ne vous ai rien dit... ^^) avec la figure du prêtre et du démon (au final, qui a vaincu qui?!...).
Un coup d'œil plus prononcé sur la pochette ne peut que nous conforter dans ce sens : on est ainsi loin pour le coup de la figure de héros messianique et triomphant (fût-il "de silicium", si l'on repense à celle du premier album...), mais davantage dans la posture et la représentation d'une figure Christique qui aura porté sa croix (et en a chanté le signe sur un certain X-Factor, mais je m'égare...) ainsi qu'une couronne d'épine qui lui aura laissé bien des séquelles et cicatrices comme autant de stigmates indélébiles, d'un roi désigné qui aura occupé enfin un trône peut-être trop grand pour lui...
Le parcours de Monsieur Bayley ne peut que venir illustrer cette seconde lecture. Lui qui débuta sa carrière au sein d'un Wolfsbane furibond (élevé aujourd'hui au rang de groupe culte et reformé depuis peu "pour le fun" de l'aveu même de son frontman) avant de partir sauver l'institution Iron Maiden en 1994 en se substituant au pied levé à un Bruce Dickinson que l'on pensait alors irremplaçable (à raison, comme l'histoire nous l'apprendra)... Celui-là même qui sera ensuite crucifié sur l'autel des chiffres de vente, du manque d'une reconnaissance passée dans l'ombre d'un porte-parole plus éminent et plus encensé que lui (lâché peut-être un peu lâchement aussi par des Judas qui se reconnaîtront...) se consacrera alors à une carrière solo en dents de scie, parsemée d'albums solides mais marquée par de nombreux chamboulements.
C'est en effet paradoxalement dans cette dernière partie de sa carrière que le chanteur connaîtra le moins de repos et les pires tourments, avec un changement contraint d'identité - de "blase"?... - (son premier groupe Blaze, ne rencontrant pas le succès escompté, fût alors rebaptisé plus explicitement "Blaze Bayley" et ne sortirait plus d'albums que sous le propre label du musicien Blaze Bayley Recordings...), plus les soucis d'ordre pécuniaire, d'incessants changements de line-up (encore cette fois-ci hélas, alors que l'on pensait tenir la formule idéale - avec les frangins Bermudez - sur le doublé précédent...) et par conséquent moult interruptions de tournées. La mort de sa femme, figure on le devine aussi importante pour son équilibre personnel que dans sa carrière musicale en tant que "manageuse" du groupe, viendra achever de manière tragique et sordide cette suite de coups durs.
Bon nombre d'entre nous n'auraient pas attendu autant de déconvenues pour ranger les jacks, ressortir le Jack et raccrocher les gants... Mais c'était sans compter sur la combativité du bonhomme, sur cet Art pour lequel il a confié en toute candeur avoir consacré sa vie et sa passion, et libéré duquel il ne saurait désormais plus quoi faire d'autre ; sa dévotion enfin à tout un noyau de fans des plus solides qui le lui rendent bien, et qui lui sont restés fidèles, faisant fi des modes et des réputations les plus futiles et galvaudées.
C'est en réalité eux, les fans, que Blaze Bayley, tel qu'il s'en est expliqué à plusieurs reprises en interview, regroupe sous la même bannière unifiée "The King of Metal", s'adressant ainsi dans un murmure à chacun d'entre eux en ouverture de l'album ("YOU are the king of metal")...
Clôturons donc sur le sujet en imaginant, s'il avait voulu être plus explicite dans sa dédicace, à quel autre groupe autrement plus prétentieux il aurait pu être comparé en intitulant son opus "The Kings of Metal".... Ahem!
Reste qu'aussi sincère et dévouée soit sa démarche envers son audience respectueuse, cette dernière va devoir quand même s'accrocher car tout ceci ne saurait en rien expliquer ni excuser les ratés de cet album. En premier lieu, la production n'est cette fois pas du tout à la hauteur. Si la voix se détache bien (trop d'ailleurs?), les guitares, elles, manquent de clarté et de mordant, et alliées à la basse elles auraient même tendance à faire saturer le son de l'ensemble. Quant à la batterie, plus percutante quand même (et qui vrille même les oreilles sur un "Difficult" bien à propos), encore une fois nous sommes en-deçà d'une prod' à laquelle on est en droit de s'attendre de la part d'un tel artiste de renom (notamment certaines descentes de toms qui ont un côté "dégringolade dans les escaliers" un peu 'foutage-de-gueule' quand même!). Les problèmes d'argent de Bayley ne semblent malheureusement pas encore réglés...
Le tout sonne effectivement très "démo", même si paradoxalement plutôt 'clean', net, bref, ça reste propre mais on eût préféré pouvoir dire "c'est bien, c'est beau, c'est Boche!"... genre avec un Bauerfeind derrière les manettes ou alors, pour traverser l'océan quand même comme Maiden l'a fait, évidemment un Kevin Shirley (ou encore rappeler un certain Andy Sneap comme sur les premiers albums, par exemple!). Or, ici, ce sentiment de trop propre mais fouillis/chargé quand même et manquant singulièrement de "patate" (à l'exception d'une basse galopante!) ne nous est pas inconnu... On met vite le doigt dessus en découvrant que ce The King of Metal a été mixé aux Barnyard Studios de Steve Harris ... comme The X-Factor et Virtual XI de Maiden! Et malheureusement cet album ne viendra pas démentir le fait que la 'Vierge de Fer' a été quand même bien avisée de déléguer depuis la mise en son de ses albums au studio de "Caveman" Shirley, Harris restant sagement au poste d'assistant/second seulement (il s'agirait même d'une des conditions que Dickinson aurait posée à sa réintégration, selon le propre aveu à demi-mots du principal intéressé...).
Dans le cas de ce présent album de Blaze Bayley, ce ne sont malheureusement pas les autres qualités techniques, d'écriture et d'exécution qui vont compenser cette déception. Car en effet, de ce côté-là ça pêche également : les passages les plus rapides ne sont rien de moins que ratés, au premier rang desquels le trop court et "bourrinesque" titre éponyme introducteur... La voix de notre homme y déraille et détonne ainsi par son côté involontairement parodique, à mi-chemin entre System of a Down et le Tenacious D électrique sur les couplets, mêlé à du mauvais Manowar (puisqu'on l'évoquait...) sur le refrain et dans les envolées pseudo-solennelles et tout de basse boostées, sans compter les sonorités faussement modernes et très "jeu vidéo rétro" des guitares bourrées d'effets lors de la dernière minute du titre.
On note également une constante de cet album : des chœurs, harmonisations vocales et autres "ohoho" à reprendre à l'unisson totalement à la ramasse, mais ceux-ci devraient pour autant faire un malheur dans leurs futures retranscriptions 'live' (l'un des domaines dans lequel il est difficile de prendre le combo de Blaze en défaut, en témoignent les deux gigantissimes albums "en public" As Live As It Gets - à vous procurer d'urgence si ce n'est déjà fait! - et The Night That Will Not Die). C'est d'ailleurs la grande force de cet album, avec de nombreuses parties "chantantes" qui vous rentrent malgré tout dans le crâne, et le même côté 'direct' et sans fioritures qu'un Virtual XI. Se dégage ainsi un esprit de communion et de partage qui a toujours imprégné les œuvres de Sieur Bayley, mais ici sous une forme des plus 'pures', dépouillée à l'extrême (sentant à fond le "fait maison"), ce qui pourrait s'apparenter à un véritable 'suicide commercial' et ne manquera pas en tout cas de décontenancer complètement les fans des précédents et encensés Promise and Terror et The Man That Would Not Die (sans parler des premières incursions de sonorités plus "modernes" sur un Blood and Belief...), bien plus complexes et aboutis.
Le véritable intérêt de cet album (enfin ce qu'il en reste, donc) se situe en fait ailleurs : dans sa tonalité toute personnelle et poignante déjà initiée par des textes sur Blood and Belief et surtout dans les titres les plus intimistes de Promise and Terror (les quatre morceaux traitant de la perte de sa femme et concluant l'album). Si le style musical plus épuré peut donc rappeler en surface les premiers albums, les concepts futuristes et philosophiques d'alors (dignes d'un hypothétique Matrix IV ?!...) laissent la place à une "dimension" de nouveau bien plus autobiographique et bien plus introspective.
On se retrouve donc, outre la spontanéité qui marquait plutôt les premiers essais du groupe ("Fate" rappellerait un "Leap of Faith" notamment...), davantage un côté 'Vierge de Fer' de l'époque où il y officiait : la gravité du X-Factor, le côté direct et chantant du Virtual XI, et la facette mélancolique des morceaux les plus ancrés dans ce registre des deux opus réunis.
Cette dernière est d'ailleurs prégnante dans des titres comme l'efficace "Judge Me" dont le titre ainsi que les paroles en forme de confession parlent d'eux-mêmes, "Difficult" qui se situe dans la même lignée, et plus encore sur "One More Step" et "Beginning", tout autant minimalistes que prenantes...
La première ne manquera pas d'en surprendre certains dans sa formule 'piano-voix' intimiste qui évoquerait tant du James Blunt ou du Adele (!!) que l'interprétation très feu-Amy Winehouse dans la facette la plus torturée de la Miss (on pense aussi à l'incarnation à l'extrême de ses écrits par le Axl Rose de Chinese Democracy, enfin sur ses titres les plus "exaltés")... Peut-être un peu trop "pleurnicharde" pour égaler le "This is your Life" du Maître Dio, elle ne manquera pas d'en toucher un certain nombre d'entre vous qui prendront la peine de l'écouter avec les paroles sous les yeux.
La seconde, qui vient conclure l'album et uniquement de guitare 'unplugged' et de voix revêtue (on préférera 100 fois le plus enlevé "Surrounded by Sadness" sur le précédent opus), nous rappelle, elle, la sensibilité cette fois acoustique et maniérée du Tenacious D de Jack Black et Kyle Gass.
Dans les deux cas, leur interprétation toute "viscérale" (comme sur le reste de l'album en fait!) par un Bayley qui se livre ici émotionnellement comme jamais sera à double tranchant : elle pourra toucher au plus profond le cœur de ceux à qui elle saura parler comme elle ne prêtera (au minimum...) qu'à sourire pour ceux qui y verront seulement des mièvreries sur-jouées et tirant un peu trop fort sur la corde sensible du 'pathos'.
La sensibilité recueillie et à fleur de peau est également de mise sur les deux titres-hommages de ce The King of Metal (et si ce titre s'appliquait d'ailleurs - moins égoïstement que ce que l'on aurait pu soupçonner de prime abord - à ces deux figures incontournables?...) : "Dimebag" (Darrell, défunt guitariste de Pantera et Damageplan) et le clin d'œil à peine déguisé à Ronnie James Dio, "The Rainbow Fades To Black", mix entre les "Die Young" et "Neon Knights" de Black Sabbath sur les couplets mais avec des réminiscences du "Rime of the Ancient Mariner" Maidenien sur le refrain... Deux morceaux pas originaux pour un sou mais sauvés - voire transcendés - par leur interprétation en tout point respectueuse à la mémoire des artistes originaux (on ressent comme de la camaraderie poindre sur le premier et une sorte de mimétisme consciencieux sur le second), à ce point sincère et affectée qu'on ne saurait suspecter ici une démarche malhonnête ou "opportuniste".
Quoi qu'il en soit, Bayley ne se réconciliera pas sur ce sixième album avec les détracteurs de son chant, qui aurait gagné à être retravaillé et/ou corrigé par endroits afin d'effacer certaines approximations et faussetés. Serait-ce que notre homme a déjà tout entendu à son propos, et qu'un brin désabusé ("blasé"?...) il ait décidé de n'en faire qu'à sa tête et se livrer tel quel, dans une démarche se voulant proche de son public, peut-être comme quoi il ne serait pas différent des spectateurs qui viennent assister à ses concerts, avec ses défauts et ses failles lui aussi...
Que les plus sceptiques de base ou ceux qui tombent de haut à la lecture de tout ceci aillent toutefois jeter une oreille à 2 titres un peu à part sur cet album : ce bien-nommé "Fighter" de plus de 7 minutes (et à l'intro très "Bolero-Ravelesque"...) qui rappelle par bien des aspects les moments épiques et celtiques de Maiden sur un "The Clansman" (et même par endroits le Therion de Theli en plus dépouillé?!), couplés à des mélodies "patriotiques" qui n'auraient pas dépareillé sur un Gettysburg/The Glorious Burden chez Iced Earth, même si la bataille décrite ici s'apparenterait davantage à une lutte "intérieure" ; et "The Black Country" (non, sur ce coup-là n'y voyez pas d'hommage au groupe de Glenn Hughes par contre!), très Wolfsbane dans l'esprit mais dont les passages les plus posés rappelleraient également le Maiden de Brave New World cette fois (voire aussi celui de la toute première époque par endroits...).
Au final, c'est un album inégal et décousu (dans une discographie jusqu'alors sans réel faux pas), qui ne sera donc jamais considéré - loin s'en faut - comme un "chef d'œuvre" (avec une poignée de titres qui s'apparenteraient plus à des "fonds de tiroirs" qu'autre chose...), encore moins élevé au rang d'un 'classique' cette fois, mais qu'un certain nombre d'entre vous aimeront à ressortir de temps à autres pour en écouter les titres les plus marquants, à l'instar d'un Virtual XI que nous avons évoqué, dans une incarnation bien plus "passionnée" mais pour un résultat qui aurait dû là encore être bien plus travaillé, développé et enrichi (en cela notre homme retombe dans ses vieux travers du temps de Maiden)...
Ainsi, Blaze "Christ" Bayley ne coiffera pas avec cet opus la couronne flamboyante du métal, mais il peut toutefois se revendiquer aujourd'hui sans aucune honte comme un digne prince héritier de l'esprit de notre genre préféré, et de sa pérennité. Et ma foi, ce n'est déjà pas si mal!
Blaze (et non pas Bruce!) "Almighty", hallowed be thy name...
LeBoucherSlave
6,5/10 (tendant même vers le 7/10 pour votre serviteur, mais qui pour la plupart d'entre vous tirera plutôt vers un 6 voire probablement encore en-dessous ; à écouter dans de bonnes conditions d'abord et sans à priori donc - facile à dire maintenant... ^^ - avant de l'acheter ... ou pas!)