Mekong Delta pour ce qui me concerne c'est un album :Dances of Death ( and other walking shadows ) sorti en 1990 à la pochette ( superbe ) énigmatique qui attira mon attention et m'amena à découvrir ce groupe allemand qui était rattaché à un courant typique de la fin des années 80 : Le Techno Thrash. Aux plus jeunes de nos lecteurs ( qui froncent peut-être les sourcils en pensant Rave et BPM à l'évocation du mot Techno ) j'aimerais préciser que l'appellation Techno Thrash faisait référence à la technique et à la virtuosité des musiciens qui composaient cette scène, le terme s'appliquait aussi parfois aux formations plus expérimentales comme Voivod ( quoi que là on parlait plus de Thrash avant-gardiste, terme désignant pareillement le Celtic Frost de To Megatherion et d'Into The Pandemonium dans certaines critiques de l'époque par ailleurs ) aussi.
Bref, le Techno Thrash en gros c'était ( enfin c'est encore...) du Thrash progressif avec des breaks et des cassures de malades, des solos à tout va, des passages jazzy ou inspirés de la musique classique, et des morceaux parfois interminables, le tout conjugué à la violence et à la rapidité du Thrash Metal. Les groupes les plus emblématiques de ce courant étaient Watchtower ( ah ce Control And Resistance ), Sadus et les cultissimes, qui n'ont jamais rencontré un succès équivalent à leur grand talent, Coroner. Mekong Delta était lui un groupe mystérieux. Déjà, aux débuts de sa carrière, on ne savait pas grand chose de ce combo qui tire son nom du fleuve qui traverse toute l'Asie ( enfin du moins si j'en crois ce que j'ai lu sur Wiki-soit mon ami-pédia, car je suis nul en géographie ) et dont l'identité des musiciens composant la formation a été tenue secrète jusqu'en 1990. Pourtant le groupe formé par l'ingénieur du son ( et bassiste virtuose ) Ralf « Ralf » Hubert, connu pour ses travaux avec Warlock et les thrashers Living Death, a comporté en ses rangs du beau monde, à commencer par le leader et frontman de Rage Peter « Peavy » Wagner ( qui s'est contenté de tenir la basse avant que le groupe enregistre mais a planché sur les paroles des deux premiers albums ) et Jörg Mickael ( resté derrière le kit de batterie jusqu'en 1991 ). Pas mal d'acteurs, plus ou moins connus, sont donc passés dans cette formation au nom et à la symbolique étrange qui a forgé sa réputation notamment en adaptant à la sauce Metal « Baskets à languettes » certains canons du Classique tels que « La nuit sur le Mont Chauve » de Moussorgsky ( sur Dance Of Death, une version géniale qui me fit vraiment découvrir le compositeur russe par ailleurs ) et « Les Tableaux d'une exposition » du même auteur ( sur l'album portant le même nom, une pièce qui avait déjà été reprise par les progueux ELP aussi dans les années 70 ). De même si vous êtes fan de Rock Progressif, je vous conseille d'écouter la cover du « Dance On A Volcano » de Genesis que Mekong Delta a enregistrée sur son 5 ème album Kaleidoscope , elle vaut le détour. Le groupe de Ralf Hubert a connu de nombreux changements de line up et s'est arrêté en 1996 avant d'être réactivé neuf ans plus tard par son créateur.
Intersections est donc le troisième album à sortir depuis la reformation. Tout d'abord signalons qu'en fait il ne s'agit pas vraiment d'un nouveau disque, en effet Ralf estimant peut-être avoir réuni le line up parfait a décidé de réenregistrer certains des titres les plus emblématiques du répertoire de son groupe. Ainsi, on trouve sur Intersections ( disponible depuis le 23 avril sur Steamhammers ) des extraits du 1er album simplement intitulé Mekong Delta sorti en 1987 ( « The cure », « Heroes Grief »), de The music Of Eric Zann sorti en 1988 ( « Prophecy », « Memories Of Tomorrow »), de The Principle Of Doubt sorti en 1989 (« Shades Of Doom » , de Dances of Death ( and Other Walking Shadows ) sorti en 1990 ( « Transgressor » ), de Kaleidoscope sorti en 1992 ( le plus représenté avec trois titres : « Sphere Eclipse », « Heartbeat » et « Innocent ») ainsi qu'un morceau du disque sorti en 1994 avant le split du groupe : Vision Fugitives ( « The Healer »). Il est à noter que la pochette de l'album est en fait l'illustration, aux couleurs modifiées cependant, qui se trouve à l'intérieur du livret de Dances of Death, ce joueur de pipeau juché sur un tas de cadavres ( une allusion à la légende germanique Le Joueur de flûte de Hamelin ? ), histoire peut-être de faire un lien entre le passé ( la riche discographie de Mekong Delta ) et le présent ( le line up actuel ). Que dire d'Intersections ? Qu'il s'agit déjà d'un bon moyen pour ceux, c'est mon cas, qui ne connaissaient pas tout le répertoire du groupe de Ralph Hubert de combler leurs lacunes et aux jeunes amateurs de Power Metal de découvrir un bon groupe. Power Metal oui car à l'écoute de ces 10 pistes, deux constats se posent : Catalogué Thrash Metal, Mekong Delta pratique plutôt un Heavy/Power Metal ( mais pas dans le style allemand genre : Refrains à reprendre en choeur dans une ambiance « Kermesse de la bière », plutôt un Heavy proche de la scène US dirons-nous ) avec quelques passages bien Thrash cependant ( « Innocent », « Transgressor » et « Prophecy » ont des tempos rapides ). Deuxième constat : Malgré le fait que le niveau des musiciens soit élevé et que les morceaux comportent des passages très techniques, Mekong Delta ne joue pas la surenchère en démonstrations virtuoses, défaut souvent des groupes de Metal progressif, ce qui rend l'écoute des morceaux plus agréable.
L'ambiance que l'on retrouve tout au long du disque est à l'image de sa pochette : Sombre et mystérieuse ( l'inaugural « The Cure » et son début en fade in, le break de « Sphere Eclipse » qui rappelle les atmosphères développées par Cynic, le refrain inquiétant de « Shades Of Doom », l'agressif « Innocent », le très bon « Heroes Grief » à la ligne de basse qui rappelle presque Type O Negative ainsi que son tempo rampant et son break narratif bien inquiétant et « Heartbeat ». Comme je l'ai déjà dit précédemment les musiciens sont très bons, à commencer par Ralph Hubert qui peut largement concourir avec des virtuoses de la basse Metal comme Steve Digiorgo par exemple, ses interventions sont mémorables ( l'intro de « Sphere Eclipse » et son solo en
tapping, le solo et les passages slap de « Innocent » ainsi que la très bonne intro de « Heartbeat », véritable démonstration des talents de Ralph).
Les autres instrumentistes ne sont pas des manchots pour autant : La frappe d'Alex Landernburg ( batteur d'At Vance et qui a aussi tenu les baguettes pour Annihilator, Axxis, Symfonia et Stratovarius, il y'a pire comme CV - d'autant plus qu'il vient récemment de rejoindre les rangs de Luca Turilli's Rhapsody ) est régulière même si son jeu manque un peu de folie et la paire constituée des guitaristes Benedikt Zimniak et Erik Grösch nous régale par leurs interventions soignées ( les solis de « The Cure », « Shades Of Doom », « Heartbeat » et « The Healer », les duels de « Innocent » ainsi que les arpèges débutant « Memories of tomorrow » ne sont pas déplaisants à écouter ) mais je dois admettre avoir un faible pour le vocaliste Martin Lemar. Je ne connaissais que le timbre, plutôt criard et pas toujours agréable à écouter, de Dany Lee qui chantait sur Dances Of Death mais la voix de Martin Lemar est très agréable, le chanteur sait varier les tons entre le lyrisme de « The cure » et « Memories of tomorow » ( on pense à Bruce Dickinson sur ce morceau ) et les accents plus graves ( les ricanements à la fin de « The Cure », le grave « Heroes Grief » ), sait exprimer des émotions ( le refrain plein de feeling de « The Healer » qui met bien en avant les talents du vocaliste, l'agressivité Thrash de « Transgressor » où on songe à MillePetrozza), je conclurai sur ce point en affirmant que la dernière piste « Prophecy » est une véritable démonstration de la puissance de la voix de Martin Lemar. Il n'y a pas à contester le Mekong Delta cuvée 2012 est tiré d'un très bon tonneau.
Mais il y'a un défaut à cet réenregistrement : La production, si l'on distingue chaque instrument, elle manque de puissance et réduit ainsi l'impact des morceaux d'Intersections, il me semble avoir lu que ce problème nuisait déjà au précédent album Landerer OF The Edge Of Time. Je n'ai pas réussi à savoir si Ralph Hubert, par son expérience, avait produit lui- même l'album mais il serait bon pour Mekong Delta de trouver son producteur à l'avenir.
En attendant vous pouvez quand même faire l'acquisition de cet Intersections qui mérite une petite place dans votre cédéthèque, à la lettre M, à la place de Lulu ?
Liste des titres :
1.The Cure
2. Shades Of Doom
3. Sphere Eclipse
4. The Healer
5. Innocent
6. Memories Of Tomorow
7. Heroes Grief
8. Heartbeat
9. Transgressor
10. Prophecy
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