Le metal symphonique est un style bien particulier, comptant autant de directions artistiques assumées que de groupes évoluant dans cette catégorie. Envoûtants, orchestraux ou puissants, les albums fusent, et on se perd parmi le grand nombre de participants. Chacun prend un peu chez les autres, et de là naît une idée musicale à partager. Visionatica n’échappe pas à la règle. Pourtant, malgré les différentes inspirations que l’on retrouve dans Force of Luna, une puissance s’en dégage et vous attire dans ce monde rempli de magie et de délicatesse. Une attraction étonnante ?
Fondé en Allemagne en 2013 de l’association de la chanteuse lyrique Amara Avodem et du guitariste Manuel Buhl, Visionatica s’est jusqu’à maintenant montré assez timide. Leur premier single est sorti en octobre 2015 : "She Wolf". Une énergie folle vous emporte à l’écoute de ce premier titre. Les riffs de Manuel sont appuyés par le travail du batteur Gerhard Spanner. Ce dernier apporte une touche très « punchy » au morceau, tandis que la voix d’Amara n’est pas sans nous rappeler les sublimes envolés d’une certaine Sharon Del Adel de Within Temptation.
Mais revenons à l’ensemble de l’album. "She Wolf" avait donné la direction artistique prise par le groupe, et l’artwork apporte une pièce de plus dans le puzzle. Cependant, il faudra écouter l’enregistrement entièrement pour en saisir toute la subtilité. Il est ici question de mythologie, de mensonge (une histoire cachée sur une certaine Lilith, la première femme d’Adam dans le titre éponyme) ou encore des loups, le "Totem" de la chanteuse. Ces thèmes ressortent bien mieux sur l’artwork après une première écoute complète. On y retrouve une jeune femme sur le point d’entrer dans ce monde où c’est bel et bien une lune qui vous apportera la lumière nécessaire à votre voyage.
Il s’est écoulé plusieurs mois entre la sortie du premier single et celle de l’opus complet. Le temps semble avoir été utilisé à bon escient : dès le premier morceau, "Visions", la symphonie prend toute la place. L’intro n’est ni trop longue, ni trop courte, faisant monter d’un cran le niveau, avec des chœurs dignes d’une bande-annonce de film hollywoodien avant que le ton ne soit donné avec les premières notes de "Swamps Of The World". Et la première chose qui nous interpelle est la même que pour le single : quelle énergie dans ce titre ! Le morceau est très bien construit, respectant ce que l’on est en droit d’attendre d’un morceau de metal symphonique : de l’orchestration (dont un passage plus mélancolique avant la fin), de la puissance, un final épique… On en redemande, et ils en ont en réserve.
Chaque pas en avant sur ce disque vous emmène ailleurs, traitant chaque thème séparément, le tout dans une atmosphère très mélodique, de par les solos que Manuel exécute avec beaucoup de talent, mais aussi, évidemment, par les prouesses de la soprano de la bande, qui maîtrise parfaitement son instrument afin de ne pas occuper tout l’espace. Sa voix se marie aussi bien avec des compositions heavy qu’avec des titres plus mélodieux.
Le duo formé par Gerhard Spanner (batterie) et Michael Wolnitza (basse) augmente l’intensité des parties orchestrales. Ce serait mentir que de dire qu’ils sont en retrait sur cet opus. Le travail à la double pédale de Gerhard est fluide, tandis qu’il est soutenu par les plans de Michael, qui s’est visiblement fait plaisir sur beaucoup de titres, pour peu que l’on y prête une oreille attentive. Le résultat est précis, puissant sans être agressif, une pierre apportée à l’édifice qu’est Force of luna. On peut librement penser que leurs instruments respectifs ressortiront d’une manière bien plus percutante en live.
La ballade (oui, je sais, cela devient un rite chez beaucoup de noms du metal symphonique, mais le charme de chacune d'entre elles nous a appris qu’une place peut amplement leur être réservée si l’envie en prend les compositeurs) de l’album nommé "The Thorns" nous permet de profiter du duo entre Amara et le chanteur Michael Liewald (Winterstorm) invité pour l’occasion à venir ébranler le calme apaisant de cette composition par ses interventions d’une force impressionnante, un charme indéniable étant créé par cette alliance d’accords.
Les inspirations sont nombreuses, mais bien réparties. Ainsi, certaines parties de l’album comme "Never Will Die" ont comme un air de Xandria, tandis que d’autre comme "Lilith" nous fera penser à Nightwish à leurs débuts. Autre influence déjà citée, et pas des moindres, celle de Within Temptation. Ecoutez le titre "Certainty Of Benevolence" et vous comprendrez tout de suite. Cela peut donner un côté "déjà vu, déjà entendu" à l'album, mais c'était sans compter sur un argument de poids : un deuxième invité. Sur l’ensemble de l’opus (hormis "She Wolf"), le son harmonieux d’un violon viendra agrémenter votre écoute. Et c’est monsieur Tobias Heindl, chanteur et musicien dans le groupe Fiddler's Green, qui est venu apporter son expérience et son savoir, donnant à leur composition une note plus folklorique.
Côté son, les petits jeunes de Visionatica ont su très bien s’entourer, puisqu’ils ont investi le Gate Studio’s Olaf pour enregistrer et mixer leur album. Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais il a déjà de nombreuses références derrière lui comme Rhapsody of fire, Epica, After forever, Avantasia et bien d’autres. La clarté de chaque instrument complète la prestation de groupe. Un travail d’équipe.
La durée totale de leurs créations reste assez concise (un peu moins de 40 minutes) mais rappelons-le, il s’agit de leur premier album présenté au public. Les différentes compositions de celui-ci se complètent parfaitement les unes avec les autres, et on appréciera le fait que les membres du groupe se soient fait plaisir lors de l’écriture et de l’enregistrement de l’album, plutôt que de chercher à le rallonger en y incluant des parties substituables. Et puis, on le sait, les Allemands ont un goût très prononcé pour la musique metal. Sans doute que d’ici quelque temps, nous entendrons parler qu’un second album est en préparation. Ce n’est qu’un début…et il est très prometteur.
