Les norvégiens de Lakei ont l’air bien stressé pour nous sortir un album d’une telle agressivité. Plongé dans les angoisses des gars de Bergen, on ne sort pas indemne des prémonitions paranoïaques, pré-apocalypse imminente où le monde dans lequel on est vit ses derniers moments.
Ici la musique nous interpelle par ses différentes influences, parfois post-hardcore comme un vieux Neurosis, parfois Black & Roll ambiant, ou sludge enfumé, bref vous en trouverez d’autres… L’album a été mixé et réalisé dans les Studio Fredman de Göteborg par Fredrik Nordström et son frère d’arme Henrik Udd pour accoucher d’une espèce musicale animale indéterminée. L’artwork, dans l’esprit sludge/grind metal, a été réalisé par Santiago Armengod, un artiste mexicain, ayant déjà travaillé pour Antimaster et Nagaf. Le logo sort de l’esprit tordu de Santos avec cette touche particulière que l’on retrouve avec les autres groupes pour lesquels il a travaillé : Kylesa, High On Fire et Lamb Of God.
Tout de suite ils nous mettent dans l’ambiance avec le premier titre « Domsavsigelse » qui veut dire "condamnés", avec sous une musique lugubre un juge énumère les condamnations de prisonniers qui vont de la peine capitale c'est-à-dire la pendaison (« death by hanging »)… à plusieurs dizaines d’années de prison… glups, ça glace, avec seulement un petit accord de guitare…
Allez… on y va, on fonce dans le pit du salon, on brule le tapis, ça growl, ça grind, ça tourne, c’est lourd, on balance des boules de pétanques sur les bagnoles garées en dessous. La musique est comme un objet gluant qu’on ne peut saisir, ça retombe, ça suinte de partout, le son des guitares est gras, mais on a envie de se lâcher, de monter sur sa commode de Tv et de se jeter sur le canapé qui se trouve à 3 mètres. On veut faire du stage diving de son évier pour sauter en arrière sur sa table de cuisine, de faire du crowd surfing sur le dos de mémé. Bref on devient rapidement dingue…
L’agressivité n’est pas seulement de bourriner la batterie à 200 à l’heure, non on peut aussi créer une ambiance oppressante, post-atomique, avec une voix haineuse et des doigts graisseux sur un manche patiné.
Les frites sont prêtes, je les sors à même les mains pour les mettre dans ma bouche où se trouve déjà la salière… et ça ne me fait pas mal ; je suis hypnotisé par ces guitares lointaines qui tournent dans mon esprit perdu. Un peu de blast pour améliorer votre état mental et c’est reparti, « Budbringer » possède même ces petits refrains Mastodoniens…
La basse sludgienne annonce la couleur, pas de survivant possible avec « Despot », on s’en doutait. On a l’impression de regarder des reportages sur les guerres en noir et blanc, où l’image a été abîmée par le temps et par le taux d’irradiation bien trop fort pour que les images puissent survivre. L’ambiance y est ici Black Metal par le traitement des guitares.
Lakei sait planter le décor, les mélodies de « Ansikter » me laissent anéanti. Je reste planté là alors qu’on vient de me glisser une grenade dégoupillée dans la bouche, c’est ankylosant, mais on n’y peut rien tout comme sur « Konspirasjoner », la batterie envoi des rafales de balles dans ce qu’il reste de votre corps après avoir ingéré un AK 47 pour votre 4 heures.
On tire sur les accords de guitare, on distorsionne, on vous glisse de fines pointes rouillées sous vos ongles, on les fait rougir pour voir si vous réagissez à la douleur, mais cela fait depuis longtemps que vous implorez l’issue fatale.
Quelle voix ! Elle tabasse les potentiomètres dans le rouge écarlate, le plasma noirci par les décibels sort des enceintes, ça sent la fuite de gaz, l’essence incandescente et pour vous déplacer dans ces catacombes vous devez allumer une allumette, juste une … pour en finir.
Le titre éponyme vous piétinera pour que vous ne puissiez point avoir de sépulture, vous serez méconnaissable, chacune de vos dents sera arrachée avant d'être broyée à coup de riffs assassins et destructeurs. Puis, jetés aux loups, vous ressusciterez en fiente de canidé avant d’être à nouveau dévoré par des vers de terre !
Lionel / Born 666