Alors qu'Origin et Gorguts se portent à merveille et continuent de sortir des opus de qualité, certains membres des deux formations ont décidé d'unir leurs forces en vue de fonder un nouveau "supergroupe". Le terme n'est pas galvaudé tant le line-up de Crator est alléchant. Réunissant John Longstreth (ex-batteur de Gorguts et actuel d'Origin), Colin Marston (Dysrhythmia, Gorguts, basse) et Jason Keyser (Origin, chant), le combo vient de sortir son premier opus prometteur. Seul le guitariste, Jeff Liefer, est moins connu que ses comparses, et pourtant à l'écoute des neuf titres de The Ones who Create : The One who Destroy, les auditeurs retiendront rapidement son nom.
Sans surprise, c'est un death puissant et brutal, à tendance dissonante ("The Noble Lie", l'outro de "The Collective"), qui est proposé par la formation, aspect certainement amené par le bassiste du combo qui pose son empreinte de manière marquée sur chacune des compositions de l'album. Mais derrière la brutalité apparente des compostions, une réelle subtilité et un gros travail de recherche harmonique se dessinent ("The Great Stagnation"). En effet, chaque riff est peaufiné à l'extrême, malgré la violence des blasts de Longstreth, égal à lui-même, et des hurlements de Keyser, peut-être moins chaotiques que sur Omnipresent (2014), le dernier opus de sa formation d'Origin(e).
Etant donné le CV des musiciens, il va sans dire que chaque instrumentiste est irréprochable techniquement, mais c'est bien Jeff Liefer qui impressionne le plus. Sans proposer de soli inutiles, le guitariste parvient à capter l'attention des auditeurs avec un riffing efficace (le pont de "The Collective" en est un exemple flagrant) et des plans qui fleurent bon l'inventivité. De plus, on remarque une réelle cohésion entre le guitariste et Colin Marston, dont la basse est parfaitement mixée, parfois bien mise en avant lorsque cela est nécessaire.
Il est ainsi plaisant d'écouter un premier album d'une super-formation où l'on sent une réelle alchimie entre les musiciens, ce qui s'exprime par des titres forts ("The Echo that Conquiers Voice"), malgré leur apparente difficulté d'accès. En effet, malgré la courte durée de l'opus (38 minutes au compteur), il vous faudra de nombreuses écoutes pour pleinement rentrer dans cet album et découvrir une musique à la fois cérébrale et organique.
Malgré ces nombreux aspects positifs, il est toutefois dommage de constater par moment des réminiscences de Gorguts ou d'Origin dans certains titres ("The Sixth Genocide", "The One Who Create, The One Who Destroy" ou encore l'instrumental "The Unquiet Sky" que l'on croirait tout droit sortie de Colored Sands de Gorguts). Cela ne rebute en rien mais en résulte un sentiment de découverte peut-être moins marqué que si Crator proposait une musique plus personnelle encore.
Mais pour les fans des deux formations et ceux qui apprécient le death metal dissonant et tortueux, Crator est un groupe à découvrir d'urgence. Il ne reste plus qu'à souhaiter que The One Who Create : The One Who Destroy ne sera pas qu'un side project délaissé par ses membres et que nous pourrons assister prochainement à leurs prestations scéniques.