Cynic. S'il y a un groupe de death metal pour qui le qualificatif de "culte" s'applique à merveille, il s'agit bien du combo américain. En effet, avec un seul album, Focus, sorti en 1994, Paul Masvidal et Sean Reinert ont changé le visage du death metal. Audace, créativité, fusion des styles et avant-gardisme ont fait de cet album une pierre angulaire du genre avant que Cynic ne replonge dans un long sommeil jusqu'en 2008. Aujourd'hui, la formation est en proie à des querelles internes, ayant abouti à un départ du batteur, tandis que les derniers opus ont tourné progressivement le dos au death metal pour s'orienter vers un style plus atmosphérique à la manière de ce que le groupe avait expérimenté avec le projet Portal. Toutefois, Cynic nous fait le plaisir de rééditer l'intégralité de ses démos réalisées avant la sortie de Focus, afin de plonger dans la genèse de l'album.
Présentée en ordre anté-chronologique, cette compilation de démos s'ouvre avec la Demo Roadrunner de 1991 et deux titres bien connus des fans du groupe, "Uroboric Forms" et "The Eagles Nature". Ces deux morceaux sont également présents dans leur version ayant servi de backing track pour l'audition de Brian DeNeffe (Viogression). Enregistrées dans une version plus dépouillée que la version finale, ces deux compositions sonnent de façon plus brut que sur Focus et ne possèdent pas encore les voix vocodées de Masvidal, qui seront par la suite un élément phare du style de Cynic. Elles permettent d'ailleurs d'entendre le timbre death du chanteur et guitariste, avant que ce dernier ne délègue cette tâche à Tony Teegarden. On peut d'ailleurs faire un parallèle évident en terme de sonorité entre le chant death de Masvidal et celui de Patrick Mameli (Pestilence) à la même époque.
Mais c'est la suite qui présente le plus grand intérêt pour les fans de la première heure. En effet, les morceaux présents sur les démos de 1990, 1989 et 1988 n'ont pas été présentés sur Focus et sont bien plus proches de ce que faisaient Pestilence et Atheist à la même période. D'ailleurs, sur les démos de 1990 et 1991, la basse est tenue par l'illustre Tony Choy (Atheist, Pestilence), et en dépit de la sonorisation plutôt rugueuse de l'enregistrement, on peut tout de même apprécier le jeu si particulier du bassiste.
Si le groupe restait à cette époque dans un registre death metal technique tel qu'il était pratiqué alors par Nocturnus, Atheist ou Pestilence ("Cruel Gentility", "A Life Astray"), on peut toutefois déceler de nombreux éléments progressifs, notamment dans les soli de guitare proches du jazz fusion de Jason Gobel, ainsi que les nombreuses cassures rythmiques et les structures complexes des titres ("Thinking Being").
Les démos de 1988 et 1989 présentent également un grand intérêt pour les fans de la formation, notamment par la présence de Jack Kelly (sur celle de 1988), premier chanteur du groupe. Toutefois, la production est bien entendu plus brute et manque cruellement de graves et de clarté. Les morceaux paraissent également plus classiques, moins inventifs et progressifs que sur les démo suivantes, mais les compositions sont tout de même de qualité ("Once Misguided", "Extremes" et son côté presque punk) et révèlent le talent à venir de Cynic .
Au final, si l'on pourrait penser que cette sortie ne s'adresse qu'aux fans purs et durs de Cynic, Uroboric Forms pourrait intéresser l'ensemble des amateurs de death metal qui cherchent à découvrir la formation et à saisir la genèse de l'album culte qu'est Focus. La production relativement correcte des démos de 1990 et 1991 ne rebutera pas les auditeurs, alors que celle des démos antérieures pourra être plus difficile à écouter, malgré toute la richesse qu'elles renferment. Uroboric Forms constitue une belle pièce d'histoire et il ne nous reste plus qu'à d'espérer que le groupe règle ses différents et se remette à la composition, si possible en revenant à ses premiers amour.
Note : 7,5/10
Sortie prévue le 10 février 2017 chez Century Media