"Ce monde est à l'agonie et il semble que la fin soit très proche !"
Les Ukrainiens de Balfor (« le feu funèbre ») basés à Kiev ont sorti leur troisième album Black Serpent Rising gorgé d’un black metal aux saveurs païennes et chamaniques se lovant dans la mythologie nordique. Alors quoi de mieux que d’échanger quelques mots avec le chanteur/guitariste Thorgeir Berserk pour mieux comprendre ce qui se passe chez eux ?
Lionel / Born 666 : Pouvez-vous nous présenter Balfor?
Thorgeir Berserk : Nous sommes un groupe de black metal venant d’Ukraine; notre lineup comprend des membres actuels et passés venant de groupes tels que Khors, Hate Forest et Raventale.
Lionel : … et son histoire?
Thorgeir : Ok, nous avons sorti trois albums à ce jour, notre dernier album a été récemment publié chez Drakkar Productions. Nous avons fait quelques tournées et des nombreuses prestations lors de festival. Si quelqu'un souhaite en savoir plus sur notre histoire, il peut aussi la trouver sur notre site www.balfor.info.
Lionel : Vous définissez votre musique comme du « barbaric black metal ». C'est quoi exactement? Est-ce en rapport avec votre LP qui s’appelait Barbaric Blood (2011)?
Thorgeir : Il n’y a aucun lien avec le titre de l'album en fait, c’est plus comme un lien conceptuel. Je crois que le terme « barbaric black metal » c’est pour décrire la forme la plus sombre, brutale mais atmosphérique du pagan black metal. Mais nous ne voulons pas utiliser d'épithètes religieuses comme « pagan » ou autres choses pour définir notre musique. La religion dans sa forme simple, est pour nous pleine de merde. Notre paradigme est tout à fait personnel et ne correspond à aucune forme de religion. Notre concept est plutôt basé sur une combinaison de choses telles que le paganisme, le mysticisme, l'occultisme et le chamanisme couplé avec un côté guerrier et la mythologie dans son ensemble.
Lionel : En France, avec le Ragnard Rock Fest, nous avons découvert de nombreux groupes ukrainiens.
Thorgeir : Ouais, et je ressens un énorme respect pour les gens du Ragnard Rock Fest pour leur soutien à la scène black metal ukrainienne. Vous savez, depuis de nombreuses années la scène ukrainienne concernant le black metal a été assez sous-estimée, donc maintenant il est tout à fait naturel que de plus en plus de nos groupes commencent à travailler avec de grands labels et que le public soit en mesure de découvrir notre musique. Chez nous il y a de nombreux musiciens talentueux et nous avons tous quelque chose à dire.
Lionel : Est-il difficile d'être reconnu par les fans des autres pays d’Europe?
Thorgeir : Je pense que nous avons une bonne base de fans. Cependant je pense que c'est toujours difficile de se faire de nouveaux fans dans des pays où vous ne jouez pas souvent d’autant plus si vous n’avez pas un bon support média.
Lionel : Parlons de Black Serpent Rising. Pouvez-vous nous le présenter? Était-il difficile de le réaliser? Qui était sur le projet?
Thorgeir : Eh bien, c'est certainement notre travail le plus mature à ce jour. Je pense que cette fois-ci, nous avons pu élargir le spectre de notre son, l'album est plus atmosphérique et plus profond. La plupart des chansons ont été créées très facilement et très naturellement, mais nous avons beaucoup expérimenté sur le son et travaillé sur des instruments différents, ce qui a pris plus de temps. Nous avons invité quelques-uns de nos amis en « guest » : sur des voix féminines, lors de certains solos de guitare et lors de l’utilisation d’ instruments traditionnels. Le mix et le mastering ont été fait chez notre ancien camarade Shaddar avec qui nous avons travaillé au début, qui a également travaillé sur le mix des derniers albums de Khors et de Nokturnal Mortum.
Lionel : Y at-il une grande évolution sur votre son depuis vos débuts?
Thorgeir : Bien sûr, nous nous améliorons d'album en album. Le progrès fait partie intégrante de tout processus créatif.
Lionel : Est-il difficile de jouer dans différents groupes?
Thorgeir : Tant que nos groupes n'ont pas un calendrier surchargés de concerts c'est assez facile. Cependant, nous avons tous des emplois normaux tu sais, donc ça pourrait être problématique de partir en tournée trop souvent.
Lionel : Parlez-moi un peu de vos héros musicaux qui ont traversé les frontières pour arriver jusqu’à vous?
Thorgeir : Il y en a trop pour pouvoir tous les nommer, mais je vais essayer de citer les plus importants. Je suis un grand fan de ces groupes comme Emperor, Bathory, Death, Judas Priest et King Diamond. Tous ces groupes m’ont vraiment donner l’envie d’être musicien. J'aime aussi écouter quelques trucs folks, néo-folks mais aussi la bande son de certains films qui m'affectent aussi.
Lionel : Votre musique est parfois orchestrale. Êtes-vous aussi inspiré par Dimmu Borgir?
Thorgeir : Je ne pense pas, car je n’ai jamais été un fan de Dimmu Borgir. Comme je l'ai dit plus tôt, je suis un fan de longue date d’Emperor, donc ce dernier pourrait m’affecter et me donner l’envie de tels arrangements dans notre musique. Mais en fait, nous n'utilisons pas en priorité de claviers ou comme vous l'avez dit d’orchestration dans notre musique. C'est plus comme un moyen d'ajouter plus d'atmosphère et de drame aux chansons. Nous nous sentons assez à l'aise sans elle et si vous êtes capable de l'enlever, vous vous rendrez compte que la musique sonnera de la même manière.
Lionel : Avez-vous eu du mal à travailler sur votre troisième LP? Est-ce une étape importante?
Thorgeir : Un nouvel album est toujours important. L'enregistrement a été assez difficile parce que nous avions un budget très limité pour la production, et de mettre en œuvre toutes les idées nécessaires en demandait beaucoup plus. Nous avons donc dû apprendre beaucoup de nouvelles choses que nous n'avions pas faites auparavant. Cependant, cela nous a permis d'approfondir le processus et de le faire comme nous le souhaitions.
Lionel : Est-ce que les paroles ne traitent que de la mythologie ?
Thorgeir : Ok, comme je l'ai dit plus tôt, nous combinons beaucoup de choses comme le paganisme et le chamanisme ainsi que la mythologie en référence à l'histoire avec une atmosphère mystique et occulte. Je pense que ça peut être assez simple de reconnaître toutes ces connexions pour les gens en Europe. À titre d'exemple, le titre de l'album en lui-même Black Serpent Rising peut être facilement reconnu avec le mythe de Ragnarok, nous l'utilisons comme symbolisme comme étant le début de la destruction finale, en marche vers la fin du monde qui est assez proche de la nature humaine et de sa soif d’auto-destruction. De nos jours ce monde est à l'agonie et il semble que la fin soit très proche.
Lionel : Parlant de l’Ukraine. Nous parlons d'une nation avec un long passé historique et sanglant, pleine de luttes, de douleur et de misère et vous avez choisi de donner cette note historique à vos chansons ? Pouvez-vous nous dire ce qui vous donne cette rage?
Thorgeir : Nous avons une grande responsabilité envers notre pays et nos ancêtres. Beaucoup de fils glorieux de notre pays ont donné leur vie pour que nous ne perdions pas notre histoire et notre identité. Presque chaque famille en Ukraine possède ses héros, des gens qui ont combattu pour le droit d'être Ukrainiens. Nous savons cela de nos parents et pas seulement des livres. Beaucoup d'écrivains et de poètes ukrainiens ont consacré leurs travaux à ce sujet. Vous pouvez aussi l'entendre sur les albums de Drudkh.
Lionel : Pensez-vous que l'évolution du black metal se porte désormais sur les pays de l’Europe de l’Est?
Thorgeir : Pas seulement en Europe de l'Est, il ya maintenant beaucoup de nouveaux groupes excellents venant du monde entier. Mais en Europe de l'Est, nous avons certainement une montée du black metal et c'est formidable.
Lionel : Est-il possible de vous voir bientôt en France?
Thorgeir : Je l'espère, nous avons déjà joué en France pendant la tournée pour soutenir à l’époque l'album Barbaric Blood et c'était une très bonne expérience, donc j'espère que nous pourrons revenir chez vous avec ce nouvel album.
