Tampere, ses usines et ses usines… En hiver, affronter les -10 degrés de la deuxième ville de Finlande requiert une bonne dose de motivation, c’est certain. Heureusement, les portes du concert de ce soir ouvrent tôt et nous permettent de découvrir le Pakkahuone, imposante salle dont la fosse est séparée en deux par une grande barrière, au grand dam des amateurs de walls of death géants. Pour ce soir, Kreator a emmené dans ses valises trois formations ayant la carrure pour assurer la tête d’affiche pour une soirée sold-out depuis plusieurs semaines, de quoi avoir de hautes attentes !
Aborted
Le parterre est encore bien clairsemé quand Aborted monte sur scène, à peine trente minutes après l’ouverture des portes. Malgré l’immense jauge du hall, la scène est plutôt petite et l’attirail de Kreator en prend une bonne partie ce qui va rendre la tâche assez ardue aux musiciens pour ne pas se marcher sur les pieds. Pas de quoi refroidir les Belges qui commencent d’emblée leur entreprise de démolition à coups de blast beats et de riffs dévastateurs.
Techniquement, on peut difficilement faire plus solide entre la paire de guitariste aux riffs ultra carrés et le batteur Ken Bedene, impressionnant de facilité. La seule petite déception vient du chant de Sven de Caluwé, sous-mixé et qui peine à se faire entendre au milieu de cette brutalité instrumentale. Le frontman ne ménage en tout cas pas ses efforts pour motiver le public qui se prend au jeu facilement avec plusieurs circle pits.
Sans avoir la musique la plus accessible du monde, le groupe est tout de même plus facile à découvrir sur scène qu’en studio comme c’est souvent le cas avec ce genre de brutal death sans concession. Les compositions révèlent toute leur puissance de feu en live et montrent qu’après plus de vingt ans donnés à la cause du brutal death, le groupe a encore les crocs.
Avec une petite demi-heure de temps de jeu, Aborted trouve le moyen de jouer neuf titres et le petit dernier Retrogore y est particulièrement bien représenté. Bien sûr, le principal défaut du brutal death joué est le manque de variation et il n’est pas dit qu’avec une heure de temps de jeu, les Belges n’auraient pas fini par ennuyer. Même lorsque Sven annonce « la chanson la plus lente ce soir », le calme ne dure pas et les blasts beats reviennent rapidement dans la danse. Heureusement ici le tout est condensé, efficace et les cinq membres peuvent tout donner sans que l’énergie ne retombe jamais.
Dernière chanson du set, « Bit By Bit » est ponctué d’un joli wall of death tandis que le groupe sort de scène pour laisser sa place à une chanson de Michael Jackson sur bande. On peut dire que la transition est brutale ! Aborted aura en tout cas fait le job brillamment. Outsider d’une tournée axée davantage sur le thrash que le death, les Belges auront sûrement gagné quelques fans dans le lot et peuvent être contents de leur prestation.
Setlist :
Divine Impediment
Cadaverous Banquet
Meticulous Invagination
Necrotic Manifesto
Hecatomb
Coffin Upon Coffin
Termination Redux
Threading on Vermillion Deception
Bit by Bit
Soilwork
Egalement habitué à des tournées en tête d’affiche, cela doit faire tout drôle à Soilwork de n’avoir que 35 petites minutes pour défendre sa discographie prolifique. Les Suédois n’ont pas non plus énormément de place pour jouer mais s’en accommodent comme ils peuvent en lançant « The Ride Majestic ».
Le son dessert vraiment la performance cette fois, avec un Björn Strid peinant à se faire entendre et des problèmes techniques sur la guitare de Sylvain Coudret le réduisant au silence de nombreuses fois pendant les premiers titres. Cela n’empêche pas le Français d’être littéralement possédé sur scène, avec des grimaces presque too much pendant ses solos. De son côté, le clavier de Sven Karlsson est inaudible du début à la fin si bien qu’on a tendance à totalement oublier sa présence.
Plus frileux que pour Aborted, le public de Tampere a du mal à se réveiller ce qui lui vaut quelques petites remontrances de Björn. Prenant le tout avec humour, le frontman désigne des capitaines du moshpit chargés de motiver les troupes dans chacune des deux fosses pour un résultat probant ! En dehors de cela, le groupe enchaîne sans trop de temps mort pour pouvoir offrir neuf titres à son public.
A la batterie, le tout jeune Bastian Thusgaard a la lourde charge de succéder à Dirk Verbeuren et tient bien la cadence. Globalement, le line-up complètement chamboulé ces dernières années fait preuve d’une remarquable complicité.
On dit souvent que lorsqu’ils jouent, les groupes vivent leur concert à fond mais dans le cas de Soilwork c’est loin d’être dénué de sens. Toujours en mouvement et avec une énergie exemplaire, les six musiciens déroulent leur partition tout sourire si bien qu’on ne voit vraiment pas le temps passer. Alors qu’on dirait que le groupe est sur scène depuis dix minutes, voilà déjà l’heure des trois dernières chansons. Les tueries « Two Lives Worth of Reckoning » et « Late for the Kill, Early for the Slaughter » issus de The Panic Broadcast finissent d’allumer la fosse avant l’éternel « Stabbing the Drama » en guise de conclusion.
Malgré des problèmes techniques, Soilwork aura livré une prestation enthousiasmante de fraîcheur et d’énergie, plaçant la barre très haute pour la suite de la soirée. A peine trois minutes après la fin du concert, on retrouve déjà Björn Strid au stand de merch en train de discuter et prendre la pose avec ses fans. Dans une époque dominée par les meet&greet payants et où de plus en plus d’artistes imposent une barrière mercantile entre eux et leur public, cette démarche simple fait vraiment plaisir à voir.
Setlist:
The Ride Majestic
Nerve
Rise Above the Sentiment
Bastard Chain
The Living Infinite I
The Chainheart Machine
Two Lives Worth of Reckoning
Late for the Kill, Early for the Slaughter
Stabbing the Drama
Sepultura
Pour continuer la soirée dans la série des frontmans chauves, voilà que débarquent Derrick Green et Sepultura pour amener sur Tampere un peu de la chaleur des rythmiques brésiliennes. Un nouvel album Machine Messiah fraîchement sorti, revoilà le quatuor sur les routes et au vu des prestations qui l’ont précédé ce soir il n’a certainement pas intérêt à se reposer sur ses lauriers.
Chose assez rare, les quatre musiciens sont sur la même ligne et peuvent directement envoyer « I Am The Enemy » et « Phantom Self », deux titres du petit dernier où l’on retrouve des sonorités orientales samplées. L’album a beau être sorti depuis à peine quelques semaines, les Brésiliens n’hésitent pas à le mettre en avant avec pas moins de cinq titres sur douze. Le public a logiquement un peu de mal à réagir mais dès que les classiques déboulent, les fosses rentrent en fusion.
Malheureusement, le set aura son lot d’ennui et de déception. Tout d’abord, le son n’est pas mauvais mais ces samples présents à outrance, surtout dans les nouveaux titres finissent par vraiment déranger. De même, Andreas Kisser a beau être très inspiré dans ses solos, on ressent fortement le manque d’une deuxième guitare sur des rythmiques que la seule basse de Paulo Xisto ne permet pas de restituer comme il faut. Ajoutez à cela un groupe statique au possible et un Derrick Green dont les interventions manquent cruellement de naturel, vous obtenez logiquement la moins bonne performance de la soirée.
Heureusement, la débauche d’énergie d’Eloy Casagrande à la batterie procure au moins quelque chose à regarder. Ce type doit littéralement perdre dix litres de sueur par concert tant il martyrise ses fûts, c’est à se demander s’il est vraiment humain. Les passages sur lesquels Derrick l’accompagne aux percussions sont sans conteste les plus intéressants, en plus d’apporter une jolie plus-value visuelle.
Mais voilà, entre titres inégaux même l’illustre « Refuse/Resist » manque de saveur. Sepultura se réveille un peu tard et seuls les deux derniers titres sont excellents, notamment « Ratamahatta » joué avec une intensité folle. « Roots Bloody Roots » soulève une dernière fois le public et on se prend à penser que si Sepultura avait joué comme ça dès le début, le ressenti du concert aurait été bien différent.
Dans l’ensemble moins bonne prestation des quatre groupes du jour, on espère que cette soirée n’était qu’un coup de mou pour Sepultura. Les Brésiliens ont encore de nombreuses dates pour régler la mire avant la fin de cette tournée.
Setlist:
I Am the Enemy
Phantom Self
Choke
Desperate Cry
Alethea
Sworn Oath
Inner Self
Resistant Parasites
Refuse/Resist
Arise
Ratamahatta
Roots Bloody Roots
Kreator
Tête d’affiche de cette soirée, Kreator est aussi armé d’un nouvel album à défendre, le très bon Gods of Violence. Pourtant, ce n’est pas avec un titre de l’album que le concert commence mais bien avec « Hordes Of Chaos », parfait pour lancer d’emblée les hostilités dans les deux fosses. La batterie de Ventor est bien trop forte sur ce premier titre mais le son se rééquilibre rapidement pour laisser entendre toute la puissance de la voix caractéristique de Mille Petrozza, et son superbe t-shirt « Vegan ».
Les Allemands nous proposent rapidement les titres du nouvel album, qui passent diablement bien le cap de la scène comme « Satan Is Real » (mais qui en doutait, honnêtement ?). Les écrans en fond de scène s’allument pour projeter des images en rapport avec le titre, mais c’est tout de même dommage qu’ils ne soient pas bien calibrés !
A la recherche de l’efficacité, Kreator a décidé de nous jouer un show à l’ancienne, où les tueries thrash comme « Phantom Antichrist » ou « World War Now » font la loi face à des mid-tempos peu nombreux. Comptant sur peu de temps morts et une ambiance qui ne retombe jamais, le groupe va cependant vite être refroidi par les problèmes techniques de la guitare de Sami Yli-Sirniö qui fait des siennes tout au long du show. Mille Petrozza s’efforce de meubler en s’adressant au public mais on le sent loin d’être à l’aise, le pire survenant lorsqu’il doit recommencer trois fois le gimmick d’introduction de « Flag Of Hate », coupant malheureusement toute la dynamique du morceau.
Mais au-delà de ces soucis indépendants de leur volonté, on peut difficilement reprocher quoi que ce soit aux musiciens. On sent encore une complicité et une spontanéité chez tout le monde, malgré l’ampleur du show. Christian Giesler est toujours le bassiste le plus classe du monde et il le prouve en enchaînant les rythmiques solides, cherchant en permanence son public du regard. Un public qui ne se fait pas prier pour chanter les refrains simples matraqués par le frontman, le tout dans une excellente humeur.
Les deux chansons hommages du nouvel album seront bien entendu jouées : « Fallen Brother » sur laquelle des images de musiciens décédés défilent sur l’écran ainsi que « Hail To The Hordes » où ce sont cette fois de simples fans qui sont mis à l’honneur. Sur la furieuse « World War Now », ce sont d’inquiétants percussionnistes masqués qui débarquent de chaque côté de la scène pour introduire le titre.
Alors que le moshpit s’essouffle clairement, « Civilization Collapse » vient conclure le set avant un rappel de quatre titres, tous des grands classiques. Cela fait bien plaisir d’entendre « Under the Guillotine » finalement plutôt rare dans les setlists. Et comment terminer un concert de plus belle façon qu’en balançant « Pleasure To Kill » ? Sans doute l’un des titres les plus connus des Allemands, sur lequel les fans répondent parfaitement à la dernière invective de Mille : « It’s your last chance to kill each other ! »
Sans confettis et en se concentrant sur l’efficacité, Kreator aura livré un show tout bonnement impressionnant pendant plus d’une heure et demie, malgré les nombreux problèmes techniques. La générosité et la longévité dont font preuve les vétérans allemands contraste en tout cas avec la majorité des groupes de thrash nouvelle génération qui jouent une heure et puis s’en vont. De quoi en prendre de la graine ce soir, très certainement.
Setlist:
Hordes of Chaos (A Necrologue for the Elite)
Phobia
Satan Is Real
Gods of Violence
People of the Lie
Total Death
Phantom Antichrist
Fallen Brother
Enemy of God
From Flood into Fire
World War Now
Hail to the Hordes
Extreme Aggression
Civilization Collapse
Violent Revolution
Flag of Hate
Under the Guillotine
Pleasure to Kill
Photos prises sur la date de Metz par Des Photos Au Poil
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