Pour les fans de thrash metal, ce début d’année 2017 est d’ores et déjà marqué au fer rouge par les sorties des derniers opus de Kreator et Sepultura. En effet, chacun de ces deux groupes a su proposer une œuvre riche et innovante, le premier avec Gods of Violence, et le second avec Machine Messiah. Aussi, il n’est pas étonnant de voir s’étendre une longue file d’attente devant le Bataclan alors que les deux formations s’apprêtent à partager l’affiche, en compagnie des Suédois de Soilwork et des Belges d’Aborted ! Are you ready to raise the flag of Hate ?
Aborted
Il ne fallait pas trainer en ce dimanche après-midi, puisqu’en raison d’une affiche composée de quatre groupes, c’est à 17h30 que les portes du Bataclan s’ouvrent au public. Et à 18h pétantes, Aborted entre en scène alors qu’une bonne partie des spectateurs est encore devant la salle. Mais peu importe pour Sven (chant) et ses acolytes, Aborted va tout de même se donner à fond devant une audience qui s’échauffe rapidement pour la soirée.
Bénéficiant de l’avantage de la langue, Sven sollicite immédiatement le public à se lancer dans des circle-pits, qui se multiplieront au cours de la soirée. Ce concert donne également l’occasion de juger de l’efficacité des titres de Retrogore (2016) sur scène, notamment « Termination Redux » qui fait d’ores et déjà office de classique de la formation belge. De plus, le combo bénéficie ponctuellement de jets de vapeur marquant les temps forts de leurs titres, pour un effet plus que réussi.
Derrière les fûts, Ken Bedene est impressionnant et semble n’avoir aucune difficulté à envoyer des blasts et des plans rapides tout en faisant preuve de puissance. On remarque également que Ian Jekelis (guitare), arrivé récemment dans le groupe en remplacement de Danny Tunker parvient à retrouver la précision rythmique de son prédécesseur sans oublier de balancer des soli mélodiques (« Coffin Upon Coffin »).
L’excellent accueil réservé à la formation belge est totalement mérité, en dépit de la brutalité sans concession déployée par Aborted. Malheureusement, au bout d’une petite demi-heure Sven de Caluwé et ses sbires doivent céder leur place sur scène, engendrant une légère frustration chez les fans. Il nous tarde désormais de retrouver le groupe en tête d’affiche pour un set plus long, après cette excellente mise en bouche.
Setlist Aborted :
Divine Impediment
Cadaverous Banquet
Meticulous Invagination
Retrogore
Coffin Upon Coffin
Termination Redux
Bit by Bit
Soilwork
Changement d’ambiance avec l’arrivée de Soilwork sur les planches. Les Suédois n’ayant rien sorti depuis The Ride Majestic en 2015, c’est sur le titre éponyme de ce dernier opus que le groupe entre en scène. Immédiatement, on ne peut que constater que les conditions sonores se sont détériorées, puisque le clavier de Sven Karlsson est totalement inaudible, tout comme les soli de guitare de Sylvain Coudret.
Pourtant la formation suédoise tente de se donner à fond, malgré l’étroitesse de la scène. Björn Strid (chant) harangue le public à plusieurs reprises, parvenant même à lancer un wall of death au milieu du set et fait l’effort de beaucoup communiquer avec l’audience. Et si la fosse est particulièrement réceptive et répond à chaque injonction du leader, les conditions sonores n’aident pas une bonne partie du public à rentrer dans ce set.
On se prend même à remarquer que sur certaines parties en chant clair, Strid est parfois à la limite de la justesse. Pourtant, musicalement l’ensemble est bien interprété et Bastien Thusgaard (batterie), qui remplace Dirk Verbeuren parti chez Megadeth, se sort plutôt bien de l’exercice. Mais cela ne semble pas suffire et une partie des spectateurs présents a l’impression que Strid porte le bateau Soilwork à lui seul, parfois à bout de bras (ou de voix), sans parvenir à convaincre.
Finalement, c’est au moment du dernier titre, « Stabbing the Drama » que le son semble s’être amélioré, permettant enfin de se rendre compte de l’étendue des capacités vocales de Björn et de fédérer l’ensemble de la fosse. Cela est d’autant plus dommage qu’une partie du public était venu voir la formation suédoise avec beaucoup d’attente. Il est d’ailleurs étonnant de constater que les problèmes de son font l’objet de critiques récurrentes en ce qui concerne les prestations live de Soilwork. On espère que le groupe saura rapidement redresser la barre.
Setlist Soilwork
The Ride Majestic
Nerve
Rise Above the Sentiment
Bastard Chain
The Living Infinite I
The Chainheart Machine
Two Lives Worth of Reckoning
Late for the Kill, Early for the Slaughter
Stabbing the Drama
Sepultura
Depuis quelques années, avec les sorties de The Mediator et Machine Messiah, Sepultura semble faire un retour en grâce auprès des amateurs de thrash, avec des albums studios travaillés et recherchés. C’est avec le très direct « I Am The Enemy » que les Brésiliens viennent mettre la fosse à leurs pieds, offrant un titre puissant et classique d’entrée de jeu. « Phantom Self » montre une autre facette de la personnalité du groupe, avec des samples bien audibles et qui s’intègrent bien à la musique jouée par Sepultura.
Avec seulement une heure de jeu, les musiciens parviennent à construire une setlist équilibrée, mettant bien évidemment Machine Messiah à l’honneur. Derrick Green (chant) est impérial sur l’ensemble des titres, qu’il s’agisse des classiques des premiers opus comme l’excellent « Inner Self » ou « Desperate Cry », ou bien les derniers nés de Sepultura, forts nombreux (« Sworn Oath » et ses cordes discrètes ou encore « Alethea »). Pourtant, coincé entre la batterie et le tambour dont il se sert pour jouer « Ratamahatta », le vocaliste parvient à investir l’espace et à se montrer mobile. De même, Andréas Kisser rayonne de charisme, guitare en main. On peut toutefois regretter le manque d’une deuxième guitare notamment sur les soli, puisque les rythmiques ne sont plus assurées que par Paulo Jr (basse). Ce dernier est d’ailleurs plus effacé mais comme à chacune de ses apparitions scéniques ne souffre d’aucun reproche.
Mais celui qui gagne en puissance et en jeu de scène à chaque concert des Brésiliens, c’est bien le jeune Eloy Casagrande (batterie), qui parvient à impressionner les fans du combo avec son groove, rappelant le batteur historique de la formation. Aussi à l’aise sur les titres les plus thrash du groupe que sur les morceaux à l’ambiance tribale (« Ratamahatta », « Refuse/Resist »), Casagrande prouve à tout le monde qu’il est définitivement à sa place derrière les fûts.
On peut toutefois regretter qu’en raison du couvre-feu, « Arise » pourtant initialement prévu et joué sur le reste de la tournée ne soit pas interprété ce soir. Mais ce n’est que le seul point négatif du set donné par Sepultura qui en à peine une heure a su mettre tout le monde d’accord avec une prestation exemplaire, entre rage, puissance et inventivité.
C’est sur l’indéboulonable « Roots Bloody Roots » qui la formation cède sa place sur les planches, fière d’avoir mis autant d’ambiance dans la fosse et les gradins du Bataclan.
Setlist Sepultura
I Am the Enemy
Phantom Self
Choke
Desperate Cry
Alethea
Sworn Oath
Inner Self
Resistant Parasites
Refuse/Resist
Ratamahatta
Roots Bloody Roots
Kreator
A l’heure où Kreator s’apprête à rentrer sur scène, le moindre espace libre de la fosse est occupé et on a la sensation que le public s’est préparé à faire un accueil plus que chaleureux aux Allemands. La sono joue plusieurs titres d’Iron Maiden et les spectateurs donnent déjà de la voix sur « 2 minutes to Midnight ». A la fin du morceau, les lumières s’éteignent et Mille Petrozza s’approche du devant de la scène. Etonnamment, ce n’est pas la doublette « Apocalypitcon » / « World War Now » qui ouvre les hostilités (cela sera pour plus tard dans la soirée). Kreator préfère exhumer « Hordes of Chaos », tiré de l’album du même nom sorti en 2009, pour débuter son set. Dès le premier riff, ce sont des moshpits effrénés qui s’emparent de la fosse et qui ne s’arrêteront pas de sitôt.
Le Bataclan tout entier hurle les « Hordes of Chaos » du refrain en chœur avec Mille. Ce sera d’ailleurs le cas sur de nombreux titres, notamment les derniers nés issus de Gods of Violence, qui passent parfaitement le cap de la scène : « Satan Is Real » ou encore « Gods of Violence » sont repris en chœurs par les spectateurs et disposent de refrains écrits spécialement pour faire hurler les foules.
Mille Petrozza est parfaitement en voix ce soir et semble prendre beaucoup de plaisir à être là ce soir, tout comme Sami Yli-Sirniö (guitare) et Christian Giesler (basse), qui montent régulièrement sur la plate-forme placée derrière la batterie. D’ailleurs, outre l’aspect purement musical, le show de ce soir repose également beaucoup sur la scénographie, les lumières sublimes, les canons à confettis et l’utilisation d’écrans. Ces derniers sont d’ailleurs utilisés sur « Fallen Brothers » pour rendre hommage aux trop nombreux musiciens décédés (en vrac, Cliff Burton, Chuck Schuldiner et même Prince et David Bowie), déclenchant de vives acclamations de la part de l’audience.
Le charisme du leader fait également beaucoup, puisque Mille Petrozza prend le temps de remercier longuement le Bataclan : « vous avez toujours été là pour Kreator dans les bons et les mauvais moments, nous serons également toujours avec vous ! ». Et pour remercier sa fan-base dévouée, le chanteur/guitariste prend un malin plaisir à offrir les titres les plus efficaces du répertoire récent de Kreator. On pense notamment à « Phantom Antichrist » ou « Civilization Collapse », qui cinq ans après leur sortie font office de classiques du groupe allemand.
Dans la fosse, chaque titre est l’occasion pour les moshers de perdre plusieurs litres de sueur, et la température ne fait que grimper dans la salle au fur et à mesure que le concert s’approche de son terme. Les agents de sécurité ont d’ailleurs fort à faire pour réceptionner les nombreux slammers qui arrivent toujours plus nombreux, faisant fi de la fatigue. Pourtant après près d’une heure de concert, et déjà trois autres groupes en ouverture, les spectateurs ont de plus en plus de mal à faire entendre leur voix, si bien que Mille les sollicite encore et toujours, notamment avant d’entonner « Flag of Hate ».
Le rappel est d’ailleurs l’occasion pour la fosse de finir sur les rotules, après un wall of death réclammé par Petrozza lui-même, puisque Kreator se lance dans un enchaînement particulièrement efficace avec « Flag of Hate », « Under the Guillotine » et « Pleasure to Kill ». Ces trois titres permettent de constater que Ventor (batterie) est toujours capable de balancer des rythmiques thrashy explosives plus de trente ans après les débuts du groupe.
C’est sous les acclamations méritées de la salle entière que se termine cette soirée. Si sur le papier cette affiche était particulièrement alléchante, elle a également su tenir toutes ses promesses notamment grâce à quatre formations totalement impliquées et un public qui s’est donné à fond de la première à la dernière note. Chapeau bas messieurs !
Setlist Kreator :
Hordes of Chaos (A Necrologue for the Elite)
Phobia
Satan Is Real
Gods of Violence
People of the Lie
Total Death
Phantom Antichrist
Fallen Brother
Enemy of God
From Flood into Fire
World War Now
Hail to the Hordes
Extreme Aggression
Civilization Collapse
Violent Revolution
Flag of Hate
Under the Guillotine
Pleasure to Kill
Merci à Fred Chouesne et Garmonbozia
Photographies : © Régis Peylet 2017
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