Fondé en 2014 à Florence, Mars Era nous propose son premier album, Dharmanaut, sorti fin Janvier chez Argonauta Records. Le quatuor italien y développe un stoner rock aux influences diverses (heavy psych, space rock, desert rock) mais cohérentes, dans un esprit marqué par les 70's. A-t-il de quoi retenir notre attention et s'imposer dans un créneau aujourd'hui fortement saturé?
Mars Era nous propose avec Dharmanaut un concept album de presque cinquante minutes, alternant de manière plus ou moins systématique les titres courts (trois ou quatre minutes), rythmés et simples, aux influences très rock, et des titres plus longs (huit ou neuf minutes), lents et complexes, d'obédience plus psychédélique.
Le son des instruments est très joliment travaillé, avec une batterie très percutante et équilibrée et une basse se faisant tour à tour très ronde ou très tranchante, mixée très en avant, et dont on peut ainsi apprécier toutes les subtilités. Le son de guitare refuse la facilité du fuzz monolithique et baveux, et lui préfère une variété d'overdrives et de fuzz finement nuancés. La voix, enfin, se fait tour à tour sensuelle et rocailleuse, pour un résultat d'une dynamique agréable, à défaut d'être réellement remarquable. Le tout jouit d'une production sans reproche, avec réverbs aux petits oignons et tambourin stratégiquement placé.
On peut noter, entre autres passages remarquables, la seconde moitié très inspirée de "The Leap" avec son originale ligne de basse et son solo de guitare sans grande prétention technique, mais qui n'est pas sans rappeler Mahogany Rush, ou encore Scorpions, période Uli Jon Roth. Citons également le final assez musclé de "Revolution" - avec ses riffs virils et son chant révolté s'entremêlant dans un climax qui pourra rappeler... Rage Against The Machine - ou bien encore les élégants soli bluesy qui parcourent "Liancabur". Enfin, comment ne pas mentionner la très belle introduction de "Desolate Wasteland", reprise en guise de conclusion ? Sa ligne de basse en double stops, au son bien rond, et son thème à la guitare lead, au fuzz chaud, rond et gorgé d'une réverb très psychédélique, évoqueront à coup sûr les Bordelais de Mars Red Sky - et pas uniquement à cause du nom, comme ne manqueront pas de se l'imaginer les esprits chagrins.
Malheureusement, si les titres les plus longs et complexes tirent bien leur épingle du jeu, les titres plus courts et simples sont plus à la peine. Les riffs qui les constituent ne sont pourtant pas bancals: ils fonctionnent efficacement, et sans être terriblement accrocheurs, ils ont le mérite de ne pas tomber dans la facilité de l’enchaînement de power chords. Mais les structures de ces compositions sont trop simples, et ne laissent pas assez de temps au groupe pour développer une dynamique entre riffs énergiques et passages plus calmes, ce qui aurait permis de mieux mettre les premiers en valeur. Même "Red Eclipse", qui s'étend sur une durée plus confortable, ne laisse pas une forte impression en la matière, et parait même durer plus que nécessaire. Au final, si chacun d'entre eux tient solidement debout, il est difficile d'en retenir un plutôt qu'un autre sur l'ensemble de l'album.
On peut également citer, au chapitre des incongruités, le passage déclamé en italien à travers un filtre lo-fi, à la fin de "Desolate Wasteland", mais surtout l'intermède psychédélique situé sur la même piste que "The Leap", sans lui être lié d'aucune manière. Il accumule à peu près tous les clichés du rock psyché pour revivalistes néo-hippies: nappes de claviers planants, guitare lead non moins planante, bâton de pluie et didgeridoo. Dispensable, du moins sous cette forme.
On ressort donc de l'écoute de cet album avec une impression mitigée. Il est l’œuvre d'un groupe de bon musiciens, qui maîtrisent indiscutablement leurs instruments - ainsi que le genre musical qu'ils explorent - plusieurs titres recèlent de bonnes idées, et laissent à l'auditeur un goût de reviens-y assez plaisant. Les inconditionnels du genre ne bouderont sans doute pas leur plaisir. Mais Mars Era se cantonne à des sonorités stoner très classiques, innove trop peu pour briser les codes du genre, et peine un peu à convaincre sur ses titres les plus courts.
C'est malheureusement insuffisant pour se démarquer sur une scène à la fois en proie à une concurrence féroce - succès oblige - et peu portée sur le renouvellement. On souhaite donc aux Florentins, par ailleurs parfaitement capables techniquement, de trouver le supplément d'inspiration qui leur permettra de marquer les esprits. Cela passera, sans doute, par le fait de se concentrer sur des titres plus longs et progressifs, qui semblent mieux leur réussir.