Sur la scène death metal française, Benighted fait aujourd’hui figure de groupe incontournable et de poids lourd du genre, en raison notamment de ses nombreuses sorties studio de qualité ainsi que ses prestations live monstrueuses et énergiques. Necrobreed tout juste sorti, il nous tardait de découvrir ces titres dans les conditions du live, d’autant plus que Benighted accueille aujourd’hui deux nouveaux membres en la présence de Fabien « Fack » Desgardins (guitare, Carnival In Coal) et de la pieuvre Romain Goulon (batterie, ex-Necrophagist, ex-Agressor). Et pour mettre l’ambiance dans la salle du Petit Bain, les Stéphanois avaient convié leurs amis de W.I.L.D et de Svart Crown pour une soirée bien brutale.
W.I.L.D
Il y a près de deux ans, nous découvrions Happiness is not Allowed, le dernier EP de W.I.L.D, sorti gratuitement à l’occasion des dix ans du groupe et avions été séduit par le thrash/death de la formation. Aujourd’hui, W.I.L.D s’apprête à sortir Purgatorius et a choisi de tester les nouvelles compositions sur scène, avant même la sortie de son album. Choix risqué mais néanmoins louable, il est rassurant de voir que dès « Drugs By Way of Food », le premier titre du set, la marque de fabrique du quintet est bien là : une voix grasse posée sur des riffs lourds et thrashy, et surtout des morceaux efficaces, que demander de plus pour un concert ?
Bien que la salle ne soit pas encore pleine, les Nordistes jouent à fond et récoltent un bel accueil de la part de l’audience. Il faut dire que Jérôme ne cesse de solliciter le public, tandis que Fred et Mat (guitares) envoient des riffs qui trouvent le juste équilibre entre groove et thrash direct. Malgré un récent changement de batteur, W.I.L.D. ne semble pas déstabilisé et le nouveau venu fait d’ailleurs preuve de beaucoup de présence sur scène. L’audience apprécie aussi de voir que chacun des membres du groupe semble prendre un plaisir non feint à jouer ce soir.
On pourrait regretter que Julien Truchan (Benighted) ne soit pas venu faire un duo avec Jérôme (chant) puisque sur l'album Happiness is not Allowed, il participe au titre « Paranoid Schizophrenia ». Mais en guise de surprise, W.I.L.D ose le pari de reprendre « Lizard Skin », un titre de Gojira, avec James d’Heretic Patterns en guest, pour un résultat tout à fait satisfaisant.
Cette prestation live, malheureusement trop courte (une demi-heure de jeu a été accordée au groupe et semble avoir filé en quelques minutes), aura permis à W.I.L.D de prendre la température de ses nouveaux titres sur scène. Et là-dessus, il n’y a pas d’inquiétude à avoir, l’efficacité et la puissance semblent bien être au rendez-vous. Il nous tarde désormais de découvrir Purgatorius dans sa version studio.
Setlist W.I.LD
Drugs by the Way of Food
Purgatorius
Wash out
Trapped
A Painfull Past
The Blind Man
Lizard Skin (Gojira cover)
Wake Initiated Lucid Dream
Svart Crown
Officiant dans un style bien différent, Svart Crown prend possession de la scène pour asséner une musique bien plus difficile d’accès, mais toutefois hypnotique et fascinante. Il est certes plus difficile au premier abord de découvrir la formation en live, mais la présence scénique de JB Le Bail, le vocaliste, permet d’apprécier la prestation de Svart Crown. De même, on notera le niveau technique des instrumentistes qui ne peut que bluffer les musiciens présents dans la salle. Kevin Paradis (batterie, Agressor) possède une frappe massive mais sait également se faire subtile lorsque la musique le réclame. Kevin Verlay (guitare) complète de son côté les plans de JB Le Bail avec beaucoup d’aisance et propose des harmonies, parfois dissonantes, qui se fondent à merveille avec l’univers de la formation.
Alors qu’Abreaction, le nouvel album du groupe n’est pas encore sorti, Svart Crown interprète un très convaincant « Khimba Rites », dévoilé il y a quelques semaines en guise de mise en bouche. Ce titre dévoile des influences presque sludge qui s’intègrent parfaitement dans la musique du groupe. Tout au long du set, on sent que le public est partagé entre l’introspection propre à cette musique cérébrale, et l’envie d’en découdre sur les passages les plus enlevés.
Avec près de 45 minutes de jeu, Svart Crown parvient à dévoiler petit à petit son univers, qui s’exprime sous la forme d’un black / death avant-gardiste et original. On aurait peut-être souhaité d’avantage de communication de la part de JB face au public, même si le style musical ne se prête pas forcément aux échanges enjoués entre le groupe et les spectateurs. Mais qu’importe, Svart Crown aura largement fait sa part, et nul doute qu’une bonne partie du public va oser s’aventurer sur les terres du combo et découvrir la richesse des enregistrements studios du quintet.
Benighted
« Hush Little Baby » est une excellente introduction à Necrobreed, le dernier opus des Stéphanois de Benighted. Sans surprise, c’est également ce morceau qui sert d’ouverture au concert, plongeant immédiatement l’audience dans l’ambiance glauque et visqueuse typique de la musique du groupe. Mais dès « Reptilian », fini de jouer. Les spectateurs sont pris dans une frénésie de violence et dans une agressivité qui ne s’arrêtera pas durant tout le concert. Sur scène comme dans la fosse, c’est le chaos total : Julien, pieds-nus sur le retour alterne entre growls, hurlements black et pig squeals dévastateurs sans sourciller, finissant bien entendu ruisselant dès la fin du premier titre.
Quelques minutes après le début du set, Benighted choisit d’envoyer l’un de leurs titres les plus fédérateurs avec « Let The Blood Spill Between my Broken Teeth ». Et vu la réaction de la foule, on s'étonne qu’aucun fan n’ait perdu une dent dans la bagarre. D’ailleurs, le public montre un tel enthousiasme que la scène est rapidement prise d’assaut par les nombreux slamers qui n’hésitent pas à se jeter dans la foule, pourtant particulièrement mouvante.
La setlist fait bien évidemment la part belle à Necrobreed, dont les titres passent sans problème le cap de la scène. On pense notamment à « Versipellis » et son refrain scandé en chœur par la foule et par Pierre Arnoux, bassiste du groupe. Mais au cours de la petite heure de jeu, les Stéphanois en profiteront pour exhumer des titres plus rares de leur discographie, comme « Stay Brutal », tiré d’ICP ou « Collapse », issu d’Identisick.
Le son du Petit Bain permet de profiter de chaque instrument, malgré la violence évidente de la musique de Benighted. La paire de guitaristes Emmanuel Dalle / Fabien Desgardins enchaîne riffs sur riffs (le premier toujours caché derrière sa longue chevelure). De son côté, avec des blasts d’une rapidité impressionnante, Romain Goulon prouve qu’il est le meilleur batteur possible pour succéder à Kevin Foley derrière les fûts, montrant une aisance presque insolente sur les titres les plus grind (« Necrobreed », « X2Y », « Noise ») comme les plus death (« Forgive me Father », « Carnivore Sublime »).
Enfin, on ne peut qu’apprécier la réaction des musiciens devant l’accueil qui leur est réservé. Julien remercie longuement chaque spectateur présent, et il est évident que le charisme et la sympathie du vocaliste motivent l’audience à tout donner au groupe. Dans la fosse, l’énergie du public ne faiblit à aucun moment, et chacun scande le refrain d’ « Experience Your Flesh » avant que Benighted ne s’éclipse pour un court instant.
Mais les Stéphanois, tout comme les spectateurs, en ont encore sous le pied, et tiennent à le montrer une dernière fois avec « Jekyll » en guise de conclusion. C’est dans le chaos le plus total que s’achève cette soirée, avec un set une nouvelle fois excellent de la part de Benighted. Malgré un line-up particulièrement remanié par rapport aux dernières tournées, le quintet est toujours aussi efficace sur scène et fait désormais partie des ténors de la scène death/grind. Avec des prestations live comme celle que le groupe vient de donner et un album de la trempe de Necrobreed, on se demande bien ce qui peut désormais arrêter la formation.
Setlist Benighted
Hush Little Baby
Reptilian
Reeks of Darkened Zoopsia
Let the Blood Spill Between My Broken Teeth
Carnivore Sublime
Collapse
Slut
Versipellis
X2Y
Noise
Necrobreed
Forgive Me Father
Hostile
Stay Brutal
Asylum Cave
Experience Your Flesh
Jekyll
Merci à Fred Chouesne et Garmonbozia
Photographies : © Justine Cadet 2017
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