Premier album pour cette formation de Montpellier alternant post-black metal et ambiances cotonneuses issues du post-rock. Le Naufrage dans un style proche du Alcest des débuts est une belle carte de visite qui ravira les amateurs de musique à la fois violente et onirique. Opprobre par son niveau musical et l'univers qu'il développe a tous les atouts en main pour se faire connaître au plus grand nombre.
“Des profondeurs de l'abîme musical et humain… Opprobre s’éveille.”
Autant l'avouer : le metal extrême actuel n'est pas la tasse de thé de votre serviteur qui préfère se réfugier dans des ambiances plus lourdes et tristes par exemple. Mais il arrive que dans ses propres styles de prédilection un chroniqueur ne trouve pas satisfaction et, avant tout par curiosité, se tourne vers des choix qu'il n'aurait pas eu habituellement. C'est exactement ce qu'il s'est passé avec Opprobre, un clic et un clip ont abouti à un coup de coeur.
Opprobre vient de Montpellier, s'est formé en 2013 et définit sa musique comme un croisement entre les sonorités du black metal et les atmosphères du post-rock. Le groupe a d'abord publié « Abysses » sur son Bandcamp en 2016, un titre que l'on retrouve dans sa version finalisée sur Le Naufrage, premier album disponible sur Endless Decrepetitude Productions depuis le 4 février 2017.
Sous une pochette reproduisant le tableau « Snow Storm » du peintre paysagiste anglais William Turner, se cache une musique d'obédience black metal mais se voulant plus aventureuse et raffinée que les poncifs imposés par le genre. Opprobre se définit surtout comme une formation post-black et en cela la thématique (on est loin du « Satan is my master » ou de la description de paysages enneigés par exemple) aquatique dominant les textes, très recherchés, en fait un des éléments les plus originaux de ce premier disque.
En effet les paroles très centrées sur la première personne du singulier apportent une certaine intimité et un côté très personnel et pessimiste, le « naufrage » auquel fait référence le groupe étant avant-tout humain et allégorique.
La plupart des titres sont influencés par des expériences personnelles vécues par les membres du groupe, comme « Opprobre » écrit par Vincent, l'un des deux vocalistes, au retour d'un séjour en Inde, pays qui l'a marqué par sa beauté mais aussi par la pauvreté de ses habitants.
D'autres comme « Abysses » ou « Discerner » mettent en scène l'individu face à un monde qu'il ne reconnaît plus vraiment dans ses valeurs et dans ses pratiques et qui se retrouve à s'interroger sur sa place et à se tourner vers des pensées oniriques pour s'évader. Tandis que « L'Inconnue » développe lui une approche romantique, les paroles de « Sensitive » et « Danse Catatonique » sont tournées vers la descente dans la folie d'un homme face à des visions issues de ses sens troublés et de ses pertes de repères en général. L'eau est aussi présente en tant qu'élément de vie mais aussi de destruction dans la thématique textuelle, notamment sur « Danse Catatonique ».
Cette dualité s'exprime pareillement dans l'expression musicale qui se veut le regroupement des nombreuses influences des membres d'Opprobre. Un nom revient parfois à l'écoute de ces sept titres : Alcest, le groupe ne renie pas cette influence mais nous pourrions affirmer que Le Naufrage pourrait convenir aux auditeurs qui ont délaissé la formation menée par Neige depuis qu'elle a totalement cédé à ses envies shoegaze.
Ainsi, les compositions soignées et le niveau technique élevé des musiciens nous transportent dans une traversée débutant par le bruit de vagues introduisant « Discerner ». Tout est mélange de rêverie et de fureur intériorisée chez Opprobre, des arpèges de guitare laissent parfois place à des riffs dévastateurs (ceux de « Sensitive » et « Abysses » par exemple sont d'une efficacité redoutable et le chant clair d'Olivier alterne avec celui plus tourmenté de Vincent.
La musique des Montpelliérains dégage un spleen ramenant à Baudelaire ou Edgar Allan Poe. « Abysses » et « Opprobre » par exemple sont imprégnés de mélancolie et de colère mais le titre qui nous renvoie le plus à la prose névrosée de l'auteur du Spleen de Paris est le diptyque « L'Inconnue ». Ce morceau décliné en deux parties donc (dont la première jouant le riff de la deuxième en arpèges) est le grand moment de l'album : épique et démontrant encore la grande dextérité des musiciens.
Le style d'Opprobre se veut aussi progressif mais cependant nous sommes plus proches d'Opeth que de Symphony X sur « Danse Catatonique » par exemple. Longue pièce finale de dix minutes introduite par un piano « décadent » qui nous ramène aux débuts du groupe de Mikael Åkerfeldt et qui malgré ses nombreux breaks, ne lasse pas.
Il faut par ailleurs noter que le groupe a parsemé sa musique de certains arrangements : nappes de clavier, effets d'écho et parties de piano sont ainsi malicieusement placés tout au long du Naufrage et sont la preuve qu'Opprobre accorde beaucoup d'importance à soigner l'emballage sonore de son oeuvre.
Tout n'est pas parfait cependant sur ce premier album et un minime défaut est à relever : le mix des voix n'est pas assez mis en avant et ne nous permet pas toujours de profiter de la richesse des textes.
Mais Le Naufrage n'en reste pas moins une solide introduction à la musique d'Opprobre et nous ne pouvons qu'espérer que le groupe ne s'échoue pas en route alors qu'il a tout pour arriver à bon port.
Sorti le 4 février 2017 chez Endless Decrepetitude Productions
Liste des titres :
1. « Discerner »
2. « Abysses »
3. « L'Inconnue, Pt. 1 »
4. « L'Inconnue Pt. 2 »
5. « Opprobre »
6. « Sensitive »
7. « Danse catatonique »