Deux ans après leur premier opus Anectodes Of Science And Soul, qui, à défaut de les avoir présenté à un public plus large, avait divisé lors de son accueil, les Danois reviennent avec leur djent proposant un savoureux mélange de progressif et de metalcore, sous fond de sons très modernes, la bande le présentant comme un album tech-metal. Jeune groupe formé en 2015, Ghost Iris suivait (de trop près) les traces laissées par les pionniers du genre. N'est pas Meshuggah qui veut, mais cette fois-ci, plutôt que de reproduire les erreurs de leur premier album, une marche est franchie.
Anecdotes Of Science And Soul n'était pas mauvais, loin de là, mais trop impersonnel, sans vraie direction, livré comme un brouillon : le contenu est bon mais mal présenté. Le potentiel que possède Ghost Iris est pourtant énorme, avec ce côté progressif qui embellit chaque partition, lui apportant une sorte de maturité. Blind World reste sur les acquis de la bande, se proposant à la fois djent, metalcore et metal progressif. Une bien belle ambition me direz-vous. Oui, et cette fois-ci, il ne faut pas décevoir.
"Gods Of Neglect" est proposé comme introduction, et ne marquera malheureusement pas les esprits. Sans être encore une fois mauvais, il ne se distingue de rien que l'on ne puisse avoir déjà entendu, une création de qualité, mais sans réelle surprise.
Celle-ci viendra lors de l'écoute de "Pinnacle", une composition très bien construite. Dennis Nielsen et Nicklas Grønlund Thomsen, respectivement bassiste et guitariste du groupe, s'en donnent à coeur joie, exécutant des riffs lourds et de qualités, tantôt violents, puis plus mélodieux. Sebastian Linnet, le batteur de la formation, soutient leur initiative par une rythmique très pointue, teintée de petits plans qui ne passeront pas inaperçus pour les connaisseurs. La mélodie principale tient le morceau tout le long par son côté psychédélique, tandis que Jesper Vicencio, le chanteur, permet à ce titre d'avoir une base plus posée, avec tout de même quelques envolées magistrales.
Les growls, présents sur chaque morceau de l'album, retiennent ce dernier à la surface pour lui imposer une note plus sombre. Celui-ci est très bien utilisé, à la fois comme un échange lors d'une conversation, mais également pour rester dans le registre musical choisi par le quatuor.
Ce registre est d'ailleurs très difficile à discerner, se reposant sur les trois genres : djent, progressif et metalcore. Les titres profitent de l'utilisation abondante de ce mélange. Une fois la dernière note d'un morceau terminé, on voyage dans un nouvel univers à travers un titre bien plus différent. Et ces surprises qui s'enchaînent étaient bien ce que l'on reprochait au premier opus. C'est indéniable, Ghost Iris a gagné en stabilité, a trouvé sa place et la direction artistique sur laquelle travailler.
L'album n'est donc pas dépourvu de compositions surprenantes. Pour preuve, le morceau éponyme, "Blind World", du haut de ses 1:59, se veut être très instrumental (mais pas à 100%) faisant la part belle au travail des musiciens. Il sonne comme une envie du groupe, un titre qu'ils ne voulaient pas éliminer, une composition qui devait être sur cet opus. Et le résultat est appréciable.
Les prises de risques sont nombreuses, avec des titres plus mélodieux comme "The Silhouette" et son refrain accrocheur. D'autres morceaux sortent un peu moins de l'ordinaire, "World Save Yourself" restant le parfait exemple de ce que peuvent faire les Danois dans les grandes lignes.
L'énergie est cependant présente sur tous les titres sans exception, même si cela n'est en aucun cas un gage de qualité. Mais on ressent que le fil rouge de chaque composition sur lequel sont venu se greffer riffs et rythmiques constitue une base de travail afin que les quatre garçons s'exposent, s'amusent, et nous fassent profiter de leur talent avec générosité. Aujourd'hui, avec une telle production, Ghost Iris s'installe confortablement au même rang que Periphery ou Tesseract.
La technique des musiciens est très complexe. "Detached" ou encore "Time Will Tell" profitent d'une finition élaborée, respectueuse de chaque instrument que l'on entend distinctement. Les changements de rythme et de tonalité constants marqueront cet album d'une empreinte plus progressive, mais c'est surement vers ce chemin que les Danois doivent maintenant aller. "Detached" est par ailleurs excellemment bien placé, un titre de conclusion parfait, se terminant sur une note mélancolique jouée au piano, précédé d'une magnifique voie féminine dont nous ignorons toujours l'identité.
Que retenir de cette seconde offrande ? Premier point, la leçon a été apprise : on ne mélange pas djent, progressif et metalcore à tort et à travers. L'album est bien plus travaillé afin que ce mélange prenne la forme d'un made in Ghost Iris plutôt que de tenter de ressembler à un autre groupe. Second point, une grande maturité se dégage des compositions. Le travail de création a, semble-t-il, demandé plus de temps et d'investissement, et cela paye, car le talent des Danois est bien exploité sur la totalité de la galette.
Blind World est donc a très bon album de Ghost Iris. La barre ayant été placé bien plus haut que prévu, nous sommes en droit d'attendre un excellent troisième opus des talentueux musiciens qui forment la bande. Mais ça, c'est un autre sujet.
Sortie le 17 février chez Long Branch Records
Ghost Iris - Blind World
1. "Gods Of Neglect"
2. "Save Yourself"
3. "The Flower Of Life"
4. "Pinnacle"
5. "No Way Out"
6. "Blind World"
7. "Time Will Tell"
8. "The Silhouette"
9. "After The Sun Sets"
10. "Detached"