Samedi 11 février, la commune de Noisiel en Seine-et-Marne s’est peuplée d’une population hétéroclite de festivaliers ayant mis leur plus beaux costumes historiques, ou fantaisistes pour venir assister à l’édition 2017 du Cernunnos Pagan Fest. Le festival nous avait manqué l’année précédente et c’est avec grand plaisir et une excitation fébrile que nous nous sommes rendus à Noisiel pour découvrir où le festival hivernal allait nous accueillir.
Les locaux de la Ferme du Buisson offrent plusieurs avantages. Tout d’abord, l’accessibilité. La salle reste très accessible en transports en commun et les festivaliers venus en voitures ont pu trouver à se garer sans trop de problème, chose relevant du miracle (ou de la folie) quand le festival nous ouvrait ses portes dans la capitale.
Autre point positif, la Ferme du Buisson en elle-même ! Les locaux sont très beaux avec des espaces verts agréables que les festivaliers ont malheureusement fuis vue la météo peu clémente. Heureusement qu’il y avait de l’hydromel chaud pour raviver le gosier des plus courageux bravant la bruine et le froid ! Le site était divisé en deux parties : une zone festivaliers comprenant un grand espace extérieur, sanitaires, point info et vestiaires en dur à l’entrée et les deux salles de concerts. Une zone tout public était également ouverte aux festivaliers curieux, qui pouvaient profiter du merch des différents groupes, du marché médiéval, des différentes animations proposées (musique et déambulation, danse) et de la restauration assurée par Cuisine Historique (proposant des plats variés pouvant contenter tout affamé quel que soit son régime alimentaire). Je ne sais pas si beaucoup de curieux ont osé entrer dans cette partie du festival, mais l’idée que tout le monde puisse venir jeter un œil à l’univers particulier d’un Pagan Fest est plaisante et bien pensée.
Un autre pari réussi pour cette nouvelle édition réside dans le choix de la programmation. Cette année, le Cernunnos Pagan Fest nous a offert un choix de concerts très varié au niveau du style de musique et des performances. Chacun a pu y trouver son compte et faire de belles découvertes musicales. Petit point négatif cependant lié à la programmation alléchante : la taille des salles de concerts dans lesquelles le public venu en masse s’est vite senti à l’étroit ! Tout le monde ne tenait pas dans les deux salles et certains ont préféré abandonner l’idée de voir certaines performances plutôt que de devoir jouer des coudes ou de se faire un torticolis ou un claquage des mollets à trop rester sur la pointe des pieds, en espérant voir quelque chose d’autre que la touffe de cheveux du mec de devant. Autre problèmes des salles bondées : la difficulté pour les photographes à prendre des photos correctes de l’événement. Le fait qu’il n’y ait pas de pit pour les photographes donne un aspect plus convivial pour le public, mais complique la tâche des photographes venus pour prendre des clichés des concerts. Ces derniers ont dû se frayer un chemin parmi les spectateurs ronchons qui les ont souvent pris pour des brutes mal élevées qui jouent des coudes pour avoir la meilleure place. L’un des nôtres y a même endommagé son appareil, boîtier mort après un choc malencontreux… (Prenons une minute pour nous recueillir et rendre hommage à l’appareil photo de Lionel Born 666 qui nous a accompagnés sur tant d’évènements et procurer des clichés inoubliables).
Entrons maintenant un peu plus dans le vif du sujet : les concerts !
Le Tourangeaux de Toter Fisch ont ouvert le bal de façon magistrale. Nos pirates venus de Tours Tuga nous ont offert un très bon show et ont su d’emblée mettre le public dans leur poche.
Souvent lorsque l’on voit des mecs entrer sur scène en accoutrement de pirates on se dit « Tiens, une imitation d’Alestorm… Encore des chansons à boire à l’accordéon version metal… » Mais Toter Fisch ne colle en aucun cas à ces stéréotypes. Leur musique est noire et poignante. Les membres du groupe regorgent d’énergie et font se déchaîner la foule venue les voir. Il est rare de voir un groupe d’ouverture faire un tel carton. Le public pogote, lance des circle pits et des wall of death. Les gens s’éclatent au son de l’accordéon et des riffs de guitares agressifs.
Dommage cependant que le chant n’ait pas été assez mis en valeur au niveau du son. Mais les gagnants du tremplin du Cernunnos Pagan Fest ont bien mérité leur victoire et ont ouvert le fest sur les chapeaux de roues !
Après les pirates, place au black metal breton avec Möhrkvlth, dont le frontman n’est autre que Grégory Moigne qui plus tard dans la journée donnera une conférence des plus intéressantes sur le paganisme et la culture metal (dommage que celle-ci se soit un peu perdue dans le bruit ambiant).
On peut dire que Möhrkvlth sait créer l’ambiance propice à écouter leur musique. La scène est éclairée d’une lumière verte, des plantes ornent les micros et une odeur d’encens plane dans la salle. Cette atmosphère nous invite à partager l’univers du groupe qui nous livre un show plutôt mystique avec des musiciens complètement habités par leur musique et un chanteur qui nous conte les paroles de ses chansons, comme possédé.
Autre salle, autre univers. Les Roumains de Dordeduh (« Dor de duh » signifie « avoir envie de se connecter au monde spirituel ») nous donnent un show digne d’une transe chamanique.
Les membres du groupe nous offrent une performance planante qui nous donne la chair de poule tellement Hupogrammos a l’air imprégné des esprits qu’il invoque. Le son métallique des instruments contemporains se mêle à celui des instruments traditionnels comme le hammered dulcimer dans un équilibre parfait qui nous transporte loin de Noisiel et de la salle de concert.
Le public est en communion avec la musique. Dommage que le groupe passe si tôt dans la journée car leur performance colle tout à fait à l’atmosphère que l’on peut retrouver lors d’une nuit hivernale en pleine nature.
Retour à la terre ferme, pour pouvoir apprécier la performance folk de Perkelt. Le groupe est composé d’une chanteuse, flutiste à la voix cristalline, d’un guitariste totalement possédé par sa musique qui se déhanche frénétiquement et d’un percussionniste des plus talentueux.
Le public est vite conquis par la légèreté de la musique et le talent des musiciens. Dommage que quelques remarques déplacées dans le public viennent perturber ce concert de folk de haut vol.
Après la performance sombre et poignante de Dordeduh, Perkelt nous fait revenir à la lumière et aux festivités avec douceur et une précision musicale hors du commun. Un moment de chaleur après la froideur du black metal que l’on a pu entendre jusque-là.
Pour Dalriada et Griffon nous laissons la parole à Lionel Born 666.
En novembre 2015, nous avions eu l’occasion de voir les Hongrois de Dalriada au Folk Festival à Budapest en compagnie d’Arkona et de Korpiklaani. Ils devaient d’ailleurs sillonner les routes d’Europe avec ces derniers jusqu’à Paris mais leur venue avait été annulée pour diverses raisons, et ils avaient été alors remplacés par Svartsot. Depuis ils ont sorti Forras, leur neuvième album en mai 2016, dont ils interprètent aujourd'hui le titre « Ígéret »
Sur scène le groupe se donne toujours autant tout en portant leurs costumes traditionnels du plus bel effet. Il doit faire chaud en dessous. Le son est parfait et nous laisse entendre toute la finesse de leur musique où les instruments comme la flute ou le violon arrivent à se frayer un chemin parmi les blasts beat. Les Hongrois sont à l’aise et délivrent leur folk pagan d’une manière très professionnelle, pas « d’à peu près » pour un groupe qui fêtera ses 20 ans de carrière l’année prochaine.
La chanteuse Laura Binder bouge toujours autant, dansant, growlant, virevoltant tout le long de la scène. Comme à Budapest ils interprètent « Amit ad az ég (Álmos búcsúja) » pour débuter leur show ainsi que « Borivók éneke » à la fin avant de jouer en rappel le fameux « Hajdútánc ».
Le groupe a livré une très belle prestation pour un premier passage en France et les musiciens ont conquis un public agglutiné et motivé dans la grande salle.
Intro
Amit ad az ég (Álmos búcsúja)
Kinizsi mulatsága
Napom, fényes napom
Áldás
Ígéret
Szent László 2.
Borivók éneke
Encore:
Hajdútánc
Juste le temps de changer de salle pour découvrir le groupe qui doit défendre la « couleur » (noire bien sûr) du black metal au Cernunnos cette année. Il s’agit de Griffon que l’on avait déjà apprécié au Ragnard Rock Fest l’été dernier sur une plus grande scène. Toujours maquillés de sang et de suie, les Parisiens vont jouer dans la petite salle qui reste assez peu éclairée. Le groupe est toujours démonstratif et le manque de lights n’entrave en rien leur motivation.
Les musiciens sont toujours investis à l’image d’Aharon qui déambule du devant de la scène jusqu’à la batterie en lançant de bons growls sur des titres puissants tirés de leur courte mais intense carrière (un EP Wig Ah Wag et un premier album Har HaKarmel, car le groupe existe seulement depuis 2012). C’est donc un set qui passe vite mais qui nous donne l’occasion de les revoir comme au Backstage By The Mill à Paris en septembre dernier et de toujours succomber aux riffs incisifs des guitaristes et d’une rythmique bien en place, tous cachés derrière leurs longues crinières baignant sur des visages ensanglantés.
Ayant déjà vu le Naheulband plusieurs fois et étant affamée, nous laissons Thomas Orlanth vous raconter ce qu’il a pensé du concert de ce groupe haut en couleur.
Le Naheulband a le mérite d’avoir trouvé une niche extraordinairement intéressante. En effet, le groupe fait toujours salle comble, avec des fans inconditionnels qui viennent en masse à leurs concerts. Pour tout un tas de raisons, des plus incroyables (Crom est partout) ou plus rationnelles (l’amour de la bière et des pizzas), les points communs entre un certain public de metalleux et les rôlistes amateurs d’heroic fantasy sont très nombreux. Leur présence ici au Cernunnos Pagan Fest est donc amplement justifiée, n’en déplaise aux plus sombres des amateurs de black metal présents.
Parce que le Naheulband ne se prend pas du tout la tête et qu’ils viennent pour faire la fête sur scène, de préférence avec leur public, cela se passe toujours de manière décontractée et décomplexée. Si certains membres du groupe oublient à l’occasion les paroles, personne ne s’en soucie vraiment. Surtout pas POC himself, qui, à sa décharge, ne participe plus guère souvent aux concerts, pris par de multiples autres projets personnels. De toute façon le public chante en même temps, et la plupart du temps faux qui plus est. Après tout, nous avons en face de nous le premier et unique groupe chaoticorolistique de la scène musicale française et fanghienne.
Le Naheulband (en version « et POC », mais en l’absence de Lilly la guerrière, souffrant d’une infection typique de l’hiver fanghien) nous déroule donc un spectacle assez classique. Le concert commence comme il se doit avec « la vie d’aventurier » et comporte de nombreux tubes du groupe, « Massacrons-nous dans la taverne », « Crom » et bien sûr l’hommage nécessaire et indispensable au dieu Poulet à travers « Chicken Quest » et « Le laridée du Poulet ».
Comme souvent, « Mon ancêtre Gurdil » est l’occasion de faire un peu de place pour les photographes, en transformant le public en nains agenouillés au sol. Notons que la section FX du Naheulband a été sollicitée pour un magnifique tir groupé de confettis. Nous avons pu admirer de près au passage la précision de l’utilisation de ce type d’armes à feu par Tony l’Orque. Ce qui est bien avec le Naheulband, c’est que l’ambiance est immédiatement là et cela fonctionne à chaque fois, au point où l'on finit par se demander s’ils n’utilisent pas discrètement un gaz euphorisant ultra-secret. On ne sait jamais avec ces gens-là !
Il est temps pour nous d’aller interviewer Heri Joensen, le leader charismatique de Týr qui avance l’horaire de l’interview d’une heure car il en a ras le bol des journalistes. Etant la dernière à l’interviewer, autant dire que j’aurais préféré voir le show de Baldrs Draumar, même si les échos sur leur performance n’ont pas été très bons...
(et que c’est le moment tragique où l’appareil photo de Lionel Born 666 a rendu l’âme !) Se retrouver devant un Heri Joensen limite désagréable laisse un goût amer à cette fin de journée.
Heureusement notre tête à tête / calvaire prend fin et nous nous dirigeons vers le concert de Fejd qui nous remet du baume au cœur. Contrairement à Heri, les membres de Fejd ont l’air heureux d’être là.
On peut voir beaucoup de sourires partagés entre eux et avec le public. Le bassiste Thomas Antonsson, prend même plusieurs fois la parole entre les chansons pour nous dire à quel point ils sont heureux de revenir jouer au Cernunnos Pagan Fest et qu’ils aimeraient pouvoir jouer plus longtemps pour nous. Des paroles qui font plaisir au public, tout comme les expressions joyeuses du guitariste Per-Owe Solvelius qui sourit à la foule et qui rayonne de plus belle quand le sourire lui est rendu.
Ses doigts s’enflamment pour les spectateurs et il nous offre des solos d’une précision exceptionnelle. Il s’enhardit tellement que de temps en temps les frères Rimmerfors lui lancent des petits regards rieurs. Les membres de Fejd ont tous l’air très différents avec des looks allant du guitar-hero, au musicien typique de folk en passant par le bon père de famille qui part en tournée avec les copains et pourtant, ils font preuve d’une belle complicité qui rend le mélange entre folk et metal encore plus beau et encore plus puissant. Ce concert restera l’un des meilleurs de la journée. Non seulement Fejd nous a offert une performance d’exception, mais en plus, ils ont même réussi à refaire découvrir à Lionel Born 666 les joies de pouvoir apprécier un concert sans avoir à se soucier du meilleur angle de vue pour prendre des photos et rendre la perte de son appareil un peu moins douloureuse.
Les Suédois nous ont donné une belle leçon de musique. Il ne suffit pas d’être bons musiciens pour faire de la musique, il faut aussi savoir l’aimer et aimer la transmettre à son public. Nous préférons garder ce concert en mémoire et laisser la parole à Thomas Orlanth pour les deux derniers shows de cette édition du Cernunnos Pagan Fest.
C’est maintenant au tour d’un autre groupe suédois de fouler les planches. Les musiciens de Grimner s'en donnent à cœur joie sur la petite scène, dans une ambiance moite et chaude comme dans le slip d'un troll. Il faut dire que les musiciens arborent leur viking attitude avec fierté et annoncent clairement leur envie de faire la fête sur scène.
Cela tombe bien car leur musique s'appuie sur un folk metal passe-partout, qui du coup, tombe bien en soirée au Cernunnos. Leur prestation passe aussi bien que de l'hydromel rehaussant de la bière premier prix. Cela plaît au palais, soulage un moment, mais redonne soif aussitôt la chope vidée.
Vient enfin le tour de Týr de clore ce festival. Les Féroïens sont la tête d’affiche, même si d’autres formations auraient certainement pu prétendre à cette place ce soir. Le public est en nombre, il sait que c’est déjà l’heure du dernier concert. Pendant que certains en profitent pour une boire une petite bière de plus, ou un hydromel chaud, ou simplement discuter tranquillement, d’autres sont devant le show de Týr.
Leur heavy metal légèrement teinté de folk passe toujours bien sur scène. Le trio de cordes formé par Heri Joensen, Terji Skibenæs et de Gunnar H. Thomsen assure une certaine efficacité, il n’y a pas de doute là-dessus. J’imagine également que le public féminin a apprécié les torses musclés des guitaristes, qui mettent bien en avant tout cela (les plus jaloux ou lucides les traiteront de poseurs, mais ainsi va le monde du metal !).
Les morceaux phares comme le très chantant « Hold The Heathen Hammer High » ou l’épique «By The Sword in My Hand » ne manquent évidemment pas à l’appel. L’enchaînement de riffs mélodieux et de solos est l'une des marques de fabrique du groupe, et le concert de ce soir n’y a pas dérogé.
Difficile d’en dire plus, car je dois bien avouer que leur style ne m’a jamais emballé, d’autant plus que j’ai encore en mémoire l’excellente prestation de Fejd par exemple. Mais ce qui est sûr, c’est qu’une partie du public a semblé apprécier !
Il est temps pour nous aussi de clore notre live report avec un grand merci à toute l’organisation du Cernunnos Pagan Fest qui a su nous offrir une programmation variée de qualité dans un nouveau lieu qui, nous l’espérons, accueillera encore le festival pour les années à venir. Cernunnos Pagan Fest, tu nous avais manqué l’an passé ! Et nous sommes heureux de t’avoir retrouvé dans ces conditions cette année !
Live report : Eloïse Morisse, Thomas Orlanth et Lionel / Born 666
Photos : © 2017 Thomas Orlanth - galeries complètes sur le site internet: www.thomasorlanth.com / facebook
© 2017 Lionel / Born 666
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